par Élisabeth Behr-Sigel et Nicole Maillard
Ce texte fut publié en anglais dans le cadre dune étude menée par lunité " Femmes dans lÉglise et la société " du Conseil cuménique des Églises sur " la sexualité et les fonctions corporelles féminines dans différentes religions ". Il sagit en fait dun commentaire sur un document préparé pour cette étude par Anca-Lucia Manolache, une orthodoxe roumaine, sur " LOrthodoxie et les femmes : Une perspective roumaine ". Dans leur commentaire-réponse, Élisabeth Behr-Sigel et Nicole Maillard sefforcent à la fois de souligner leur accord avec les propos dAnca-Lucia Manolache sur un grand nombre de points, mais aussi de marquer leur désaccord avec certaines de ses affirmations et conclusions, signalant notamment les différences entre les expériences des femmes orthodoxes en France en comparaison de celles des femmes roumaines en Roumanie. On retrouve dans les commentaires des Françaises beaucoup des grands thèmes dÉlisabeth Behr-Sigel au sujet de la femme dans lÉglise. Il contient également un très beau commentaire sur le sens cosmique et spirituel, sens ambigu en réalité, du rite de lÉglise orthodoxe de " purification " de la femme ayant accouchée.
On nous a demandé de répondre à la contribution de lorthodoxie roumaine. En tant que femmes françaises, nous vivons dans un pays où le droit de vote de la femme na pas été reconnu avant 1944. Nous avons été agréablement surpris dapprendre quen Roumanie " les changements constitutionnels de 1917 " avaient accordé le droit de vote aux femmes dans certaines circonstances.
Les congrégations orthodoxes de France utilisent le français [comme langue liturgique] pour la plupart. Ses membres sont en grande partie des descendants dimmigrants venant de Grèce et de Russie, mais ils comprennent une grande variété de peuples dautres horizons ethniques. Dans nos groupes de femmes orthodoxes, les immigrées employées comme travailleurs manuels ou aides à domicile se trouvent côte à côte avec des dissidentes intellectuelles émigrées de lURSS et des mères de familles du Liban. La variété de milieu culturel, de langue, de statut social et de rite est ainsi une caractéristique de notre vie ecclésiale.
Lautre facteur important qui distingue notre situation de celle des femmes en Roumanie est que nous formons une diaspora. Lorthodoxie représente une toute petite minorité de la population française : une estimation approximative de 40.000 croyants avec des liens paroissiaux pour 400.000 orthodoxes baptisés. Nous navons pas dautres statistiques dignes de confiance à notre disposition pour nous permettre de faire une estimation exacte du nombre dorthodoxes dans notre pays.
Nous avons choisi de suivre quatre lignes principales de réflexion qui nous frappent comme étant spécialement importantes dans létude comparée avec notre sur roumaine. En les prenant par ordre croissant dimportance, ces traits sont les suivants :
- la compréhension de lhistoire des relations entre hommes et femmes ;
- lattitude des hommes chrétiens vis-à-vis des femmes chrétiennes ;
- lattitude des femmes devant leur propre engagement chrétien ;
- et enfin, les possibles raisons sous-jacentes à la divergence qui existe entre le message chrétien et la pratique chrétienne par rapport aux femmes.Une généralisation à propos du statut de la femme, qui voudrait dire quelle a été reléguée à une position de subordonnée au cours de lhistoire à cause de ses fonctions biologiques, nous semble exagérée. Les découvertes ethnologiques et lhistoire des civilisations nous ont appris à relativiser toutes déclarations dans ces domaines très complexes.
De même, nous restons sceptiques concernant léquilibre positif tiré par Anca Manolache en ce qui concerne la position de la femme dans la société dans les dernières années de lhistoire de son pays. De source digne de confiance, nous savons quil existe encore de grandes disparités entre les sexes en Roumanie. Les femmes roumaines, par exemple, sont encore payées beaucoup moins que les hommes pour un travail égal. Ceci est également vrai dans notre pays. Un autre exemple est la défense de tout avortement en Roumanie avant que la femme ait donné naissance à quatre enfants, alors que nous savons que les contraceptifs sont introuvables en Roumanie et que la nourriture et les médicaments manquent pour tout un chacun. Le taux de mortalité infantile (pendant les six premiers mois) est extrêmement élevé et la souffrance des femmes obligées de mettre des enfants au monde contre leur volonté est terrible.
En ce qui concerne lhistoire de lÉglise, nous ne changerions que légèrement la déclaration dAnca Manolache et nous dirions que " ce sont presque toujours les femmes qui ont obéi consciencieusement au commandement de Jésus de servir les autres ". Dautre part, nous ne pouvons nullement être daccord avec notre sur roumaine lorsquelle tire de suite la conclusion que ce serait injuste daccuser lÉglise de " ne pas avoir transformé le statut de la femme dans les faits ".
Nous croyons quil ny a pas de véritable conversion intérieure si elle nest pas suivie dune nouvelle façon de vivre et dagir, cest-à-dire, de nouveaux comportements extérieurs. La question de savoir si Jésus est venu pour changer les curs ou pour renverser les relations injustes dans lordre social nous fait leffet dun faux problème. LÉglise ne doit pas attendre " le moment propice de lhistoire " comme si les structures mûrissaient par elles-mêmes. LEsprit Saint est au travail hier, demain et aujourdhui ! Il y a une dimension prophétique dans lÉglise quil ne faut pas oublier dans notre vision de lhistoire. Et nous devons être assez courageux pour reconnaître, quen ce qui concerne le statut donné aux femmes dans lÉglise orthodoxe, cette dimension a été largement ignorée. Le Domostroï (sorte densemble de règles concernant la vie conjugale) de lÉglise orthodoxe russe, a, après tout, présenté aux maris comme un devoir chrétien de battre leurs femmes !
Sur ce même sujet de lattitude des hommes à légard des femmes dans lÉglise, Anca Manolache fait cependant remarquer à juste titre " létrange discordance entre le message chrétien et la pratique de la vie chrétienne ". Mais nous pensons quelle ne va pas assez loin. De notre point de vue, il y a plus quun désaccord. En fait il y a eu une régression : les femmes jouissaient de plus destime et de liberté dans les communautés chrétiennes primitives des premiers siècles quelles nen ont eues par la suite dans les Églises sous lEmpire et sous les Églises nationales.
Anca Manolache nous raconte les sermons humiliants les femmes, le refus de permettre aux femmes daccéder aux études théologiques, la préséance des hommes partout et toujours dans lÉglise, même pour la communion la liste des traitements injustes infligés aux femmes chrétiennes roumaines par les Roumains chrétiens est vaste.
Heureusement, dans les paroisses orthodoxes en France, lattitude des hommes à légard des femmes est plus décontractée et ouverte ; la réciprocité est à lordre du jour. Bien que les hommes siègent en majorité dans les conseils diocésains, la participation des femmes y est acceptée depuis longtemps. Par la même occasion, nous croyons que ceci était aussi la situation en Roumanie au début des années soixante et que linterdiction de femmes dans les académies de théologie est récente.
Anca Manolache pense que le statut inférieur imposé aux femmes peut sans doute sexpliquer par des " idées scientifiques erronées ", mais elle ne nen apporte pas vraiment la preuve. Selon notre façon de penser, la référence à la " patristique chrétienne " ne convainc pas non plus, ce qui est rejeté en bloc comme illustration dune " inconsistance théologique ". Cest plus complexe que cela. Bien que Tertullien, par exemple, se permettait décrire que " la femme est la porte de lenfer ", les hommes tout autant que les femmes étaient néanmoins baptisés dans lÉglise depuis le tout début : une des innovations de la chrétienté consistait à regarder la femme non plus simplement à partir de sa fonction (sexuelle, reproductive), mais comme une personne et par conséquent le droit de la femme à ne pas se marier et ce nétait sûrement pas là la moindre des innovations. Les Pères de lÉglise comme Grégoire de Nysse, Basile de Césarée et Maxime le Confesseur, affirmaient avec conviction que les hommes et les femmes sont créés à limage de Dieu et recréés dans lEsprit. Cest en lien avec la théologie trinitaire quils eurent lintuition de développer lidée de la Personne qui reçut une telle importance au XXe siècle comme fondement de la nature inaliénable de tout homme, femme et enfant. Il serait profitable pour les orthodoxes contemporains de connaître davantage leurs racines théologiques : ils en serait " purifiés ".
Comment les femmes voient-elles leur propre situation ? Selon Anca Manolache, il semble quen Roumanie elles aient intériorisé leur position dinfériorité dans lÉglise. Une explication que suggère notre sur est " labsence de culture religieuse " parmi les femmes. Notre situation est très différente. En France on ne devient pas orthodoxe " naturellement ". On le devient suite à une recherche personnelle souvent très longue. Et de cette façon on se forme soi-même ; par des participations à la vie liturgique, par des lectures de théologie et de spiritualité, en assistant à des congrès, etc. En France, les personnes qui ont encore des convictions religieuses aujourdhui et il y en a peu tendent constamment à avoir une intelligence plus profonde de leur foi par la prière et létude.
Il y a au moins autant de femmes que dhommes qui participent aux cours de lInstitut de théologie orthodoxe Saint-Serge à Paris, soit en personne, soit par correspondance (des centaines détudiants pour une confession tellement minoritaire !) ; certaines femmes continuent leurs études pour achever un doctorat et dautres enseignent déjà la théologie à Saint-Serge même. Il y a des femmes catéchistes et des femmes chefs de chur ; des femmes engagées dans les média, des femmes qui donnent des conférences etc.
Une plus grande compétence théologique permet aux femmes dêtre vigilantes et de ne pas prendre pour argent comptant certaines " distorsions " théoriques ou pratiques dans nos Églises respectives. Ainsi en est-il de la mariologie, par exemple. Elle peut, si elle est mal comprise, être une camisole de force pour la pire sorte de femmes. Ainsi par exemple, lorsque " Marie, humble servante du Seigneur ", nest que trop vite interprétée dans le sens que : " femmes, soyez les servantes de vos maris ou des hommes en général ! "
Quon nous permette de rappeler que la Theotokos est le prototype de lattitude daccueil actif (pas passif) à lEsprit pour toutes les femmes et les hommes chrétiens, et pas seulement dune attitude censée être réservée exclusivement aux personnes du soi-disant sexe faible.
Sur ce point particulier du ministère, les remarques dAnca Manolache correspondent en grande partie aux nôtres : il en est des femmes orthodoxes en France comme des femmes roumaines : lidée quelles pourraient exercer une fonction officielle, un ministère dans le contexte dun service religieux, ne leur passe tout simplement pas par la tête. Lexplication doit en être cherchée non pas tant dans le domaine de lignorance théologique que dans le domaine psychologique. Dune part, les usages liturgiques actuels ont été dapplication pendant des siècles et cest tentant et rassurant de les considérer comme éternels ! Dautre part, ces femmes se trouvent à laise dans lambiance liturgique chaleureuse de la paroisse, elles se trouvent dans un cocon confortable et ne se posent pas de questions, comme si leur vie sociale à lextérieur navait pas de lien avec le rituel de la liturgie. Nous sommes daccord avec lanalyse de la situation dAnca Manolache : " Cest par paresse plutôt que par humilité chrétienne de leur part que les femmes ne se posent pas la question de savoir si leur responsabilité chrétienne nexige pas delles quelles prennent une part plus active dans la direction spirituelle de la communauté. "
Il y a dautres femmes en France " des intellectuelles élégantes " qui se trouvent dautant mieux dans le cocon de lÉglise quen fait elles puissent exercer un pouvoir plus ou moins caché en se servant de leur charme et de leur séduction. Ces femmes trouveraient quelles renieraient leur " féminité " si, à la place de cela, elles exerçaient une fonction officiellement reconnue qui de ce fait les exposerait à la critique.
Encore différentes sont les femmes et pas seulement des intellectuelles chez qui nous trouvons une claire tendance qui va augmentant pour réclamer une reconnaissance ministérielle, et qui ne se contentent pas de quelques paroles gentilles à la fin de la liturgie les remerciant pour leur " service dévoué " et leur " esprit de sacrifice ". Il y a peu de ces femmes qui dans létat actuel aspireraient à la prêtrise pour elles-mêmes, mais de plus en plus de femmes ne cessent de se poser ouvertement la question fondamentale : Pourquoi ne serait-il pas possible, un jour, davoir des femmes orthodoxes prêtres ? Récemment, un nombre grandissant de femmes aimerait voir dès maintenant la restauration du diaconat pour les femmes. Leur but nest pas le pouvoir mais la reconnaissance de leur autorité. Il y a encore des questions ouvertes à la discussion : bénédiction ou ordination ? Parfois il y a aussi des femmes qui disent : " Quelle est limportance dun titre ? De toute façon je fais le travail sans avoir le titre ! "
Ce panorama assez colorié de la situation des femmes orthodoxes en France contraste fortement avec la description sombre de la situation des femmes en Roumanie. Cest du en grande partie au fait que les tabous qui persistent encore dans nos cercles dÉglise sont moins nombreux et moins rigides quen Roumanie. Dans les congrès orthodoxes et mêmes dans les homélies dominicales, on parle souvent de la sexualité, de lamour dans et en dehors du mariage, de la maternité et même de lavortement. Il est tout à fait usuel dentendre dans la liturgie et dans les litanies une prière pour " celles qui attendent un enfant ".
Cette liberté remonte aux années trente lorsque lACER (Action chrétienne des étudiants russes) organisait déjà des camps mixtes pour des jeunes gens et des enfants une méthode révolutionnaire pour cette époque. Le théologien francophone Paul Evdokimov, suivant en cela la ligne tracée par son prédécesseur Alexandre Boukharev (Russie, XIXe siècle), a contribué largement par ses écrits à faire accepter la sexualité comme un sujet naturellement spirituel.
De plus, lÉglise orthodoxe en France ne se voit pas projetée dans le rôle de censeur moral. Elle est toujours très prudente quand il sagit de la moralité dautres personnes, considérant quil sagit de situations personnelles (" économie ") qui doivent être examinées à la lumière de dialogues pastoraux et de participation à toute la vie liturgique de la communauté. Il y a un tabou majeur qui reste profondément enraciné cependant, lhomosexualité, qui est généralement considérée implicitement ou explicitement comme un péché grave qui ne demande pas davantage de recherche. Soulever le problème de lhomosexualité ouvertement et sans approche négative dans une réunion paroissiale, par exemple, est encore ressenti comme choquant.
Un autre domaine où les femmes orthodoxes en France réagissent différemment des femmes roumaines est celui des rites : [en Roumanie,] les femmes nont pas accès à la communion pendant leurs règles ; lors du baptême le prêtre ne portera pas la fillette (ni une adulte) derrière liconostase autour de lautel comme il le fait pour tout garçon qui reçoit le baptême ; après laccouchement la femme nest pas autorisée à venir à lÉglise ni à communier pendant une période de quarante jours, après laquelle elle doit suivre le rite de la purification.
À cause de sa grande diversité, la communauté orthodoxe de France représente quoique non délibérément une sorte de laboratoire expérimental. Le pluralisme pratique est de mise. Les rites dont il est question ci-dessus sont de moins en moins observés. Les adolescentes nont jamais entendu parler de la défense de recevoir la communion pendant les règles ; et elles ne lobservent donc pas en pratique, pas plus que leurs mères, qui le savent, mais nen ont cure. On a fait des compromis. Alors que certains prêtres persistent à ne pas conduire la fillette qui vient dêtre baptisée derrière liconostase, dautres osent le faire, avec une subtile indifférence pour le paradoxe ! pourvu quelle soit encore un bébé, mais pas lorsquelle est une adulte. Certaines paroisses pratiquent encore le rite de la purification, mais dautres ne lobservent plus depuis des décennies à moins quune femme le demande.
Comment peut-on expliquer lexistence dans lÉglise de toutes ces discriminations, ces tabous et ces rites ? Nest-il pas vrai que dans le Christ il ny a ni homme ni femme ? Que toute chose sans exception est renouvelée et illuminée dans le Christ ? Pourquoi reste-t-il donc tant de zones sombres parmi nous, comme si dune certaine façon nous voudrions les tenir à lécart de lamour infini de Dieu ?
Nous touchons ici au difficile domaine de linconscient et de lirrationnel. Cest comme si pendant deux mille ans notre inconscient collectif navait pas encore été évangélisé ; en dautres termes, dans les Églises orthodoxes, tout en ne voulant pas ladmettre pour eux-mêmes, les gens continuent de croire que léros, le sang de la menstruation, laccouchement en bref, tout ce qui est spécifique à la femme appartiennent aux " puissances ", cest-à-dire, sont choses impures ou dangereuses qui échappent à notre contrôle.
En fait, tout se passe comme si dans lÉglise orthodoxe il y a deux ordres du Sacré, même après Jésus Christ : lordre cosmique, ordre naturellement sacré qui comprend léros, et lordre sacré du royaume de Dieu, leschaton, la vie en Christ par le Saint Esprit. Dune façon inconsciente, on assimile la femme à lordre cosmique et naturel du Sacré. Tout au plus, elle peut participer au saint ordre du Royaume du Christ si elle est consacrée et vierge, ou humble et soumise à lextrême.
Ceci étant, nous pensons avoir raison lorsque nous comprenons quun des aspects essentiels des rites orthodoxes concernant les femmes, mentionnés ci-dessus, est quil ne faut pas les considérer comme un reproche moral ou réparti entre les femmes (bien que beaucoup dorthodoxes font cette faute). Le " péché " dont la femme doit se purifier après un accouchement nest pas une sorte de faute morale quelle aurait commise, mais sa participation à un autre ordre du sacré, notamment, cosmique. Selon ce que nous comprenons, la prière de purification indique plutôt quelle retourne un fois de plus à lordre sacré du royaume de Dieu.
Par conséquent il ne sagit pas dun quelconque mépris moral de la femme, mais plutôt dune approche dualiste inconsciente de la réalité et de la vie. La chrétienté orthodoxe, comme toutes les religions populaires, est syncrétique par nature. Elle est un mélange de lÉvangile et danciennes croyances, transmises en partie par le livre du Lévitique ou qui ont trouvé un semblant de justification dans ce livre de lAncien Testament mais qui de fait remontent bien au-delà, à lâge néolithique !
Ceci est en partie vrai en ce qui concerne lidée d " impureté " du sang menstruel de la femme et en général le " tabou " concernant tout ce qui a rapport avec la sexualité, lunion physique de lhomme et de la femme, et la transmission de la vie : lorsque le Sacré est ambivalent et exerce à la fois de lattraction et de la répugnance. Anca Manolache fait très bien ressortir cette ambivalence.
Par conséquent le rite de la purification après un accouchement provient dinfluences très complexes. Son intention nest cependant pas de faire en sorte que la femme éprouve un sentiment de culpabilité. Dans le contexte culturel dautrefois, cétait plutôt une question de guérison pour assurer la femme qui se sentait " impure " après avoir été en contact avec un " tabou ". Il nest donc pas question daccuser lÉglise parce quelle pratique ce rite, mais de la questionner pour savoir si elle peut encore judicieusement continuer à le faire, alors que dans de larges couches de la société ce tabou a été exorcisé par linfluence combinée de la connaissance scientifique des processus de la procréation et de linconscient, et, bien avant cela, par une spiritualisation de la notion de péché commencée par les prophètes de lAncien Testament et réalisée par le Christ.
La question est dinterpeller les chefs des Églises (prêtres et évêques), de réaliser vis-à-vis de la religion populaire le rôle prophétique éducatif requis deux par leur fonction. Nous sentons une tension entre le besoin dinculturation de lÉvangile et lappel prophétique à la conversion, cest-à-dire, le passage dune " religion " syncrétique à la pureté de lÉvangile. Cet Évangile doit toujours être redécouvert dans la Tradition vivante, en dautres mots, sous linfluence de lEsprit.
Dans ce domaine nous devons avancer prudemment et avec tact, mais avec courage aussi, comme la fait saint Paul et les Pères comme saint Jean Chrysostome. Ce qui ne veut pas dire quil faut répéter mécaniquement ce quils ont dit, mais plutôt montrer la même hardiesse et fidélité à lÉvangile dans notre approche de la nouvelle situation. Comme exemple nous aimerions citer un extrait de lhomélie de saint Jean Chrysostome, qui était révolutionnaire à lépoque :
Vous pouvez lier un domestique par la peur, bien quil ne tardera pas à séchapper : mais ce nest pas par la peur ni par les menaces que vous pourrez lier la compagne de votre vie, la mère de vos enfants, la source de votre bonheur, mais seulement par lamour et laffection. Quest un ménage où la femme tremble devant son mari ? Quelle joie y at-il pour un mari lorsquil vit avec sa femme comme avec une esclave et pas avec une femme libre ? (Cité par Jean Meyendorff dans Le mariage dans la perspective orthodoxe, YMCA Press/O.É.I.L., Paris, 1986, p.120).
Extrait de : Jeanne Becher, Women, Religion and Sexuality:
Studies on the Impact of Religious Teachings on Women,
Trinity Press International, 1991.
Traduction : Valère De Pryck.
Introduction aux Pages Élisabeth Behr-Sigel
Début de la Page
Page d'Accueil
Dernière mise à jour : 20-12-06