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VOYAGE AU CŒUR DE L’AMOUR : VIE DE MERE GABRIELLE (PAPAYANNIS)
par Paul LadouceurL’ASCESE DE L’AMOUR par mère Gabrielle (Papayannis)
LETTRE SUR LA CRAINTE par mère Gabrielle (Papayannis)
Voyage
au cœur de l’Amour :
Vie de mère Gabrielle (Papayannis)
par Paul Ladouceur
Mère Gabrielle (Avrilia Papayannis) est née à Constantinople le 2 octobre 1897, quatrième enfant dune famille de commerçants. Enfant, elle a vécu au Phanar, quartier de Constantinople où se trouve le siège du Patriarcat cuménique. La famille était aisée et possédait une propriété sur lîle de Halki, près de Constantinople, où la famille passait lété. Avrilia apprit le français et langlais toute jeune, et après ses études au collège elle fit des études à lÉcole de botanique dEstavayer-Le-Lac, en Suisse. En 1923, la famille se trouve à Thessalonique, où Avrilia poursuit des études universitaires en philosophie. En 1932, à lâge de 35 ans, elle a une expérience spirituelle devant une icône du Christ et elle décide de séloigner de sa famille. Elle travaille à Athènes comme infirmière et gouvernante puis en 1938 elle part pour la France et lAngleterre. Bloquée en Angleterre par la guerre, elle travaille comme gouvernante et aide-soignante et elle fait des études en chiropraxie, discipline proche de la physiothérapie. De plus en plus sa vocation se dessine : secourir les détresses humaines, physiques, psychiques et spirituelles, partout où lon faisait appel à son aide, à la fois par la présence, le toucher et la parole.
La guerre terminée, Avrilia retourne en Grèce, où elle travaille comme enseignante puis comme directrice dune école dagriculture fondée par les Quakers américains. En 1947 elle ouvre un cabinet de physiothérapie à Athènes. Elle donnait aux pauvres presque tout ce quelle gagnait de ce travail. Souvent elle se rendait en Angleterre, accompagner des malades ou des orphelins, puis en 1949 et 1950 en Amérique, où elle rencontre Rose Kennedy et Martin Luther King. Au décès de sa mère bien-aimée le 24 mars 1954, Avrilia, âgée alors de 56 ans, eut une expérience spirituelle qui lui laissa la conviction quelle devait partir pour lInde. Empêchée par refus de visa de sy rendre immédiatement, elle commence un long périple : lAutriche, la Suisse, lItalie, Israël, le Liban, la Jordanie Enfin, cest là quelle obtint le visa pour lInde.
Avrilia reste cinq ans en Inde, au service de tous et de chacun : elle travaille au dispensaire de lashram du maître indien Sivananda (connu en Occident par des centres de yoga suivant son enseignement) et à une léproserie à Anand Wan, fondé par Baba Amte, qui devient un de ses grands amis ; elle enseigne la physiothérapie à divers endroits ; elle parcourt lInde répondant à des appels daide du nord au sud du vaste pays. En 1958-1959, elle passe onze mois à Uttar Kashi dans lHimalaya, en pleine solitude, près des sources du Gange et dun grand monastère de moines hindous. Elle entend lappel de la vie monastique, quitte lInde en août 1959 et entre au monastère orthodoxe de Marthe et de Marie à Béthanie, alors en Jordanie. Mère Gavriilia (Gabrielle), comme elle était maintenant nommée, y resta rattachée jusquen 1966, avec plusieurs interruptions pour accomplir des missions à létranger, dont en particulier une longue tournée aux États-Unis et au Canada en 1962 à linvitation dun ami protestant pour parler de la vie ascétique orthodoxe, et en Inde en 1963, afin de témoigner auprès de chrétiens se rendant en Inde en quête spirituelle. Installée à Sat Tal, elle resta trois ans en Inde, mais, comme toujours, elle répond aux appels quon lui lance : accompagner des malades, prononcer des discours, témoigner de sa foi, en Europe, en Grèce, à Jérusalem, en Iran, en Inde. Le 6 octobre 1966, atteinte de cataracte à lil gauche, elle quitte définitivement son Inde bien-aimée.
Opérée avec succès à Athènes, mère Gabrielle entre au monastère de Néa Iéroussalim (" Nouvelle Jérusalem "). À peine quelle est rétablie de son opération, on sollicite de nouveau son aide. Elle poursuit sa vocation d" itinérante de Dieu ", répondant aux appels des uns et des autres : elle passe environ un an au Kenya dans la mission orthodoxe, soignant les malades, enseignant aux analphabètes, témoignant de la foi ; en Allemagne, elle accompagne le nouvel archevêque grec ; elle retourne pour un temps au monastère de Béthanie ; elle fait un pèlerinage au monastère de sainte Catherine au Sinaï ; elle accompagne des malades en Angleterre et en Suisse ; elle fait une nouvelle tournée aux États-Unis, recueillant des fonds pour la Crète. Pendant un an (1979-1980), à lâge de 82 ans, elle est higoumène du monastère de loasis de Faran au Sinaï.
En 1979, on lui cède un appartement à Athènes, qui devient la " Maison des anges ". Cest là que pendant onze ans mère Gabrielle reçoit les visiteurs en quête de Dieu. Son amour, sa prière, son mot de consolation, son conseil, touchent au cur les personnes les plus diverses qui viennent à elle : : jeunes et vieux, hommes et femmes, évêques, prêtres, moines, moniales, laïcs, grecs et étrangers, orthodoxes, non-orthodoxes, non-croyants, disciples de Saï Baba, francs-maçons, artistes, scientifiques, astrologues. En même temps, elle maintient une vaste correspondance et elle prolonge sa " diaconie " au téléphone. Après le dernier visiteur le soir, puis la nuit et le matin, mère Gabrielle entre dans un temps de hésychia (silence), de recueillement, de prière.
En 1989, mère Gabrielle se retire à un ermitage dépendant du monastère de saint Nectaire à lîle dÉgine. Atteinte dun cancer, elle retourne à Athènes en 1990 : après quarante jours, pendant la Semaine sainte, le cancer disparaît durant la célébration de la Divine Liturgie. Puis elle se retire dans un ermitage à lîle de Léros. Elle reçoit, à la fin de sa vie, le grand schéma monastique et le 28 mars 1992 elle part pour son dernier voyage, vers la patrie céleste.
Comme la vie de sainte Marie de Paris, celle de mère Gabrielle est une manifestation vivante de labandon à la Providence divine et du don de soi pour le prochain. Mère Gabrielle avait comme pratique cela faisait partie de son ascèse de dire " oui " à tout ce quon lui demandait de faire pour le bien-être du prochain. En réponse à un missionnaire qui la critiquait parce quelle navait pas appris de langues indiennes afin dévangéliser, mère Gabrielle répondait quelle avait appris cinq langues : " La première, cest le sourire, la deuxième les larmes, la troisième le toucher, la quatrième la prière, la cinquième lamour : avec ces cinq langues je parcours le monde. "
Moniale en esprit bien avant de prendre lhabit monastique, elle ne possédait que quelques affaires personnelles, elle ne faisait pas déconomies ; elle était prête à accomplir une mission là où lon lappelait, sur quatre continents ; elle attendait que Dieu lui donne un signe, quil envoie quelquun sur son chemin pour lui indiquer ce quelle doit faire. Engagée dans le dialogue interreligieux dans sa vie courante, elle témoignait de sa foi chrétienne sans faille, tout en discernant la présence du Christ dans les religions non-chrétiennes. Elle partit pour lInde avec deux livres : la Bible et un livre du maître Sivananda. Parmi ses amis les plus proches, avec qui elle resta en communication jusquà la fin de ses jours, figurent un écrivain israélite, Yéhuda Hanegbi, rencontré en Israël en 1954, et un hindou, Baba Amte, auprès duquel elle servit à la léproserie quil avait fondée en Inde.
Comme les anciennes mères spirituelles, mère Gabrielle donnait un enseignement oral mais, signe des temps, certaines de ses enseignements ont été enregistrés sur cassette ; dautres paroles mémorables ont été écrites par ses visiteurs et ses proches ; et heureux ceux et celles qui recevaient ses lettres, sa diaconie écrite. Ses paroles sont simples, directes, remplies de compassion et damour. Elles témoignent de sa grande foi et de son Ascèse de lamour : cest le titre du livre sur mère Gabrielle écrite par sa fille spirituelle, sur Gabrielle, qui renferme une biographie, des transcriptions denregistrements de ses enseignements, des " apophtegmes " recueillis par ses amis et enfants spirituels, des extraits de ses lettres et des témoignages damis.
Prières de mère Gabrielle
Agios, Agios, Agios...
Saint, saint, Saint...Seigneur Jésus Christ,
Fils de Dieu, aie pitié de moiGloire à Dieu
au plus haut des cieux !
par mère Gabrielle (Papayannis)
Lamour est de la grâce de Dieu. Nous naissons avec lui. Puisque nous sommes les créatures de Dieu... puisque Dieu est Amour : mais qui est Dieu exactement ? Il nous est impossible de trouver une réponse en réfléchissant, car notre pensée est limitée. Par contre lesprit, lâme sont infinis. Lâme ressent Dieu. Nous ne le voyons pas avec nos yeux (physiques), mais avec ceux de notre âme. Est-ce que tu te rappelles la parabole du pauvre Lazare et de lhomme riche (cf. Lc 16,19-31) ? Lazare alla au côté dAbraham et le riche dans les tourments de lenfer. Le riche dit à Abraham : " Père, envoie Lazare vers mes frères, quil leur dise combien je souffre afin quils ne commettent pas dautres injustices. " Ici, nous remarquons que cet homme, méchant et sans merci envers les pauvres, aimait ses frères.
En dautres mots : si nous naimons que nos amis, quel est notre salaire ?.. .Les pécheurs aussi aiment ceux qui les aiment. Ici, on voit la différence avec le chrétien. Il doit aimer aussi ceux qui ne sont pas les siens. Toute personne doit être son frère. Cest là que se trouve le grand mystère, le secret du christianisme. Quand Abraham lui répond, il lui dit : " Ils ont Moïse et les prophètes. Sils ne croient pas en Moïse, ils ne croiront pas non plus en celui qui va venir de lautre monde le leur dire. " Cest pour cette raison que le Seigneur a dit à lapôtre Thomas : " Bienheureux ceux qui sans avoir vu ont cru " (Jn 20,29). Pourquoi ? Parce quils le verront de façon spirituelle, psychique et mystique. Quand tu croiras profondément et de toute ton âme, tu ressentiras la présence de Dieu de façon si forte, comme une réalité. Dès lors, plus rien nexistera. Tu mettras ta main dans la sienne et là où il te mènera, tu iras. Tu peux paraître fou, étrange pour les autres, ou manquer de sérieux. Beaucoup te jugeront. Ils diront : " Aujourdhui sest ici et demain ailleurs. " Mais il vaut mieux être jugé par les hommes que par Dieu un jour... Et ce sera vraiment terrible si, au moment où sa voix te demandera quelque chose, tu lui diras " non " pour ne pas déplaire aux autres.
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Lamour nous est donné par Dieu. Car Dieu est Amour. Lamour que nous portons aux autres vient de la Source, va vers eux et retourne de nouveau à la Source. Mais lamour ne peut avoir de limites. Il est infini. Et comme dit lapôtre Paul : " Lamour excuse tout, il croit tout, il espère tout, il endure tout. Lamour ne disparaît jamais " (1 Co 13,7-8). Quand tu donnes tout ton amour à quelquun qui ne laccepte pas, cet amour retourne en toi. Le Seigneur dit : " Donne la paix à la maison où tu te rends. Si elle nest pas acceptée, la paix te reviendra " (Mt 10,12-13). Cest ainsi dans la vie...
Noublie pas aussi que tout acte, tout souhait, toute bénédiction, faits dans la bonté, retournent à nous. Cest pareil pour le mal. Cest pour cette raison que nous devons faire très attention. Nous ne devons jamais avoir la moindre pensée négative ou contraire, car nous nous nuirons. Tu as compris ? Quant à lingratitude, oublie-la. La reconnaissance que les autres peuvent éprouver ne doit pas nous préoccuper. Cest à toi de la ressentir envers Dieu dabord et ensuite envers tout le monde. Attendre de la reconnaissance est trop mesquin. Tu dois même te réjouir de lingratitude des autres !
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Moi, jai limpression de ne pas vivre sur Terre mais en réalité au Ciel. Et. comme dit Père Lazare, le Paradis est ici. Ou bien nous le gagnerons ici et nous lemporterons, ou bien nous le perdrons à jamais !
Mourir est entre les mains de Dieu, mais vivre est entre tes mains. Car il nous veut libres. Surtout que la conscience ne sendorme jamais. Cest là la première chute. La conscience durcit petit à petit et tu ne ten aperçois même pas. On voit des gens très sérieux, des gens dÉglise, des gens qui se disent de Dieu et pourtant, leur conscience sest endormie. Ils peuvent commettre de telles injustices et avoir de telles pensées... même juger. Cest terrible !
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Dieu nous a crées et il nous a insufflé son Souffle. Ce Souffle de Dieu est lAmour. Si nous cessons daimer, nous cessons dexister. Sans son Souffle, nous ne pouvons pas vivre. Par conséquence si tu aimes lun et tu naimes pas lautre, cela veut dire que tu naimes personne. Est-ce que tu as compris ? Dieu nous a donné lAmour, les yeux, le cur, tout... dans ce but. Tout dabord pour laimer de toute la force de notre âme, comme il est dit au premier commandement et ensuite aussi, pour ne pas nous sentir différents des autres, il ajoute : " et ton prochain comme toi-même " (Lc 10,27). Qui suis-je donc pour dire : " Mais celui-ci... il est méchant, je ne pas laimer Cet autre est un menteur. Quai-je en commun avec lui " ? Ah ! non, mon frère ! LAmour nest pas ainsi. LAmour aime tous, comme Dieu aime tous, tels que nous sommes, malgré notre état piteux. Na-t-il pas des raisons pour ne pas nous aimer ? Malgré cela, il nous dit : " Il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons et tomber la pluie sur les justes et les injustes " (Mt 5,45).
Interlocuteur : Quand vous voyez quelquun, comment le comprenez-vous ? À son regard ? à sa façon de parler ?
Cest après beaucoup dAmour de Dieu et une longue expérience personnelle que tu peux comprendre, à peu près qui il est. Par son allure, son regard, sa voix, son attitude, tout Tu pourras alors comprendre qui il est au fond. Mais cela ne doit jamais te faire changer dopinion, ni lui parler avec méchanceté ou léviter. Car votre rencontre peut changer cette personne, ou bien changer quelque chose en toi. Cest ainsi. Nous ne devons jamais ignorer cela. Combien de fois, en montant dans un taxi, avons-nous trouvé un conducteur énervé, fatigué de conduire pendant des heures. Un client lui dit : " Ne fumez pas, sil vous plaît. " Un autre : " Voulez-vous fermer la fenêtre, sil vous plaît ! " Et naturellement il est prêt à exploser ! Il te dit : " Mettez votre sac ici et pas là. " Si tu tapproches de la fenêtre, il réagit : " Retirez votre bras " etc. Par contre, si tu restes tranquille, tu verras quil va réfléchir. Il va alors te demander à quel monastère tu appartiens et petit à petit il va se calmer. À la fin, il va te donner son adresse pour que tu lui envoies une petite croix de la Terre Sainte... Jai connu beaucoup de personnes pareilles.
Interlocuteur : Espérons que nous arriverons, nous aussi un jour à aimer tout le monde de cette façon-là, tout simplement !
Nous sommes nés pour cela ! Pour aimer. Mais voilà quelle est la faute de notre éducation. On te dit : " Ne joue pas avec cet enfant, il est méchant ". " Ne parle pas à cet autre, cest un menteur ". Cest ainsi que commence le mal. Car lenfant, dès le début de sa vie est prêt à aimer tout le monde. Il ne sait pas ce que veut dire le mien, le tien. Il va semparer de ton sac, le fouiller et prendre ce qui lui plaira. Lenfant nest pas voleur ! Tout simplement il ne comprend pas le sentiment de propriété. Il aime... de façon générale. Je me souviens quand jétais petite, jaimais beaucoup tout le monde. Je ne permettais jamais à ma mère daccueillir nos visiteurs. Je lui disais : " Attendez, que jaille les recevoir. Vous viendrez ensuite. " Je descendais et jallais discuter avec " les grands ". Jaimais, peut-être parce que chaque enfant veut être aimé. En principe, si tu ne donnes pas damour, tu nen reçois pas. Plus tard, cela test égal car tu puises de lAmour de Dieu. Tu le donnes alors à tous, sans te soucier si tu es aimé ou pas... Tu ne ten soucies plus. Tu ne te soucies que si tu aimes et si tu es avec lui...
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LAmour est la plus belle chose qui naît dans la vie de lhomme ! Tout comme une fleur qui sépanouit et ne sait ce qui lui arrive ! Cest-à-dire, lêtre confond en lui lamour quil doit à Dieu et il le donne à une autre personne. Au fond, il naime pas lautre, qui peut avoir tous les défauts du monde. Il ne 1es voit pas. " Il est venu car mon âme était prête à aimer. " Il aime cette personne, car il aime lAmour. Et cet Amour, cest Dieu. Il aime donc une personne visible au lieu daimer lInvisible cest-à-dire la Source même de lAmour... et bien sûr léchec viendra comme dhabitude pour quon puisse ouvrir les yeux et voir
Dans son grand Amour pour lhomme, Dieu lenseigne petit à petit. Lun par un échec sentimental, lautre par la perte dun des sens. Dautres encore par une maladie qui les cloue au lit et les oblige à réfléchir sur leur existence. Toutes ces leçons sont à la disposition de ceux qui veulent en tirer parti... Dieu le fait avec tant damour quon sen aperçoit à peine...
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Le but de lhomme ? " Je vous donne un commandement nouveau : Aimez-vous les uns les autres " (Jn 13-34). Le but cest toujours lAmour. Rien dautre. Ne faire rien dautre. Mais que veut dire Amour ? Aimer, cest rencontrer une personne, nimporte quelle, et cesser dexister en tant quentité afin de pouvoir sidentifier à lautre.
Fût-il un malfaiteur. .. Cest quelque chose quon ne comprend pas ... Tu te mettras à sa place ! Car il porte lui aussi en lui le Souffle de Dieu. Létincelle du Christ ! Lui aussi a un cur qui bat comme le tien... Autrement dit, cest toi-même qui te reflète en lui. Si tu ny arrives pas, tu ne pourras jamais aider lautre. À quoi cela sert-il daimer seulement les bras tendus vers le Seigneur, verticalement, si on narrive pas à les ouvrir horizontalement aussi, afin dembrasser, si possible, toute lhumanité en faisant ainsi de notre corps le Signe de la Croix... Savez-vous ce quelle contient aussi ? La plus grande félicité, sérénité, paix, douceur, miséricorde et amour de Dieu dans notre cur...
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Quand on cesse daimer, on cesse de respirer, comme je vous lai déjà dit. Cest comme notre souffle, nous sommes créés, pour ainsi dire, pétris dans lAmour. Nest ce pas? Mais cela est un peu vague, une théorie. Amour, amour, amour... Mais lamour se voit. Tout dabord à lexpression avec laquelle vous parlerez avec votre prochain, à votre façon de lui donner toujours la priorité - car amour et humilité sont synonymes. Vous devez le savoir... On le voit dans la vie. Car quand on aime, on pense à lautre en premier dabord. On est humble devant la personne aimée. Nest ce pas ?
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Noubliez pas quen aimant son mari, sa femme, on saime soi-même. Ce nest pas un amour complètement désintéressé. Le vrai Amour, cest de ne rien attendre. Par contre, lamour intéressé nest rien dautre que lamour pour soi-même au fond. Lamour de la mère pour son enfant est vraiment supérieur, car toute mère donne sans être sûre de recevoir...
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Patience, pardon..., tout est dans lAmour. Aimer cest aussi se mettre à la place de lautre. Cest ce que le Christ a dit : " Aime ton prochain comme toi-même " (Lc 10,27).Cest encore ce quil a répondu au légiste : " Va et, toi aussi, fais de même " (Lc 10,37). Indépendamment de qui il est. Est-il bon ? Est-il méchant ? Est-il étranger ? Est-il des nôtres ? LAmour, cest aimer quelquun pour lui-même. Pour quil évolue et pour ce qui lattend... Non pas par rapport à toi. Rien par rapport à toi. Cest ainsi que Dieu nous aime.
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Celui qui aime ne peut jamais sentir qui est son ennemi. Cest tout à fait impossible. Beaucoup viendront lui parler " de son ennemi ", il ne pourra pas y croire. Il ne le peut... Mais si encore il arrivait à croire, il aurait de la peine pour cette personne et dirait : " Ah ! Le pauvre... comment peut-il ressentir ainsi ? " Il ne dira pas : " Regarde ce quil éprouve et pense pour moi. Pour qui se prend-il ? " et bien des choses encore. Dans lImitation du Christ il est écrit : " Quand tu auras tout fait, même les plus grands sacrifices, quand tu auras donné toute ta vie pour une cause et que personne ne sen aperçoit, dis-toi que tu nes quun serviteur inutile devant le Seigneur. " Quoi que tu fasses ! Quand on pense à lAmour infini de Dieu, à sa miséricorde et à tout ce que nous recevons de lui, nous, que donnons-nous en échange ? La seule chose possible est : une bonté, une joie, un don... Tout cela et voyez encore... Quand nous agissons ainsi, sans penser à nous-mêmes, nous ne tomberons pas malades et il ne nous arrivera aucun mal. Si vous offrez votre amour tout le temps, en travaillant, en offrant lhospitalité... comme je viens de vous demander si vous étiez fatiguée dêtre debout et de nous servir, vous mavez répondu : " Oh ! Je ne suis pas fatiguée du tout. " Savez-vous pourquoi? Car nous ne nous fatiguons jamais quand nous aimons. Voilà. " Que donnons-nous en retour ? " Nous ne pouvons rien rendre à Dieu, mais nous rendrons tout cela à lImage et à la Ressemblance !
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Vivre avec soi-même est une chose et vivre avec Dieu, une autre. Si nous voulons vivre en solitude avec nous-mêmes nous constaterons et je le dis par mon amère expérience , que nous ne pourrons pas nous supporter une demi-heure après. En solitude, nos couleurs deviennent plus frappantes. Les actes qui nous paraissaient beaux dans le monde nous les verrons maintenant comme nuls... Rien dautre quune projection de notre ego... Rien quun orgueil, quune horreur... Mais par contre, si nous allons vivre tout seuls avec Dieu, en méditant sur son Amour, sur son existence, en regardant ses étoiles, sa lune, cest pour le remercier pour lunivers quil nous a donné. Tu ne peux voir un coucher de soleil, que tu noublieras jamais de ta vie et ne pas te rappeler que cest lui qui la créé... Nous voyons Dieu dans son uvre. Mais nous le voyons dabord dans notre âme quand nous réalisons le sacrifice quil fait pour nous... tels que nous sommes...
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Lhomme est pécheur et ne peut pas facilement croire au chemin que le Christ lui a montré. Il ne le peut pas. Alors, il pose la question : " Pourquoi donc Dieu a-t-il dit de nous multiplier ? " Est-ce pour cela que tu tes marié? Un jour en Amérique, quelquun me la crié de lauditoire. Je me suis alors tournée et dit : " Que lèvent la main tous ceux qui se sont mariés pour que ne cesse la création ". Bien sûr, tout le monde sest mis à rire. Personne ne sétait marié pour cela ! Personne ne sétait marié pour devenir le collaborateur de Dieu dans la création ! Tu test marié pour venir en aide à Dieu ? Non ! Mais parce que tu as aimé quelquun et que tu voulais quil tappartienne exclusivement et pas au reste du monde. Voilà...
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On ne peut pas toujours y arriver. Car la faiblesse humaine a besoin dun compagnon. Ce nest pas possible... Le Christ nous la dit : " Pars, quitte ta famille, laisse tous tes biens, tous et suis-moi " (cf. Mt 37-39). Alors Dieu guide celui qui le suit et le mène partout... Auprès des lépreux, des boiteux, des invalides, de tous, pour donner son amour à toutes ces créatures qui nont pas eu les joies et les dons quont les autres. Alors, cette personne saccomplit et vit heureuse. Si elle soublie de cette façon et ne vit que pour les autres, elle na plus besoin, coûte que coûte, de rechercher lamitié, le mariage, de rechercher, de rechercher... Le monde entier lance des cris de désespoir... Que dire... Comme jadmire toutes ces jeunes filles qui viennent me dire : " Mes études finies, jaimerais aller en mission... dès que jobtiendrais mon diplôme, jaimerais travailler en Afrique, " ou je ne sais pas où. Elles sentent le besoin de donner lAmour de Dieu. Ce nest quainsi que leur âme va sépanouir...
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LAmour, comme nous la enseigné le Christ, se donne sans échange. Ceci est la grande différence, limmense différence. Car, à ce moment, le Moi cesse dexister, nous cessons dexister. LAmour que nous recevons de Dieu, nous le donnons à lautre sans nous soucier de ce quil en fera... Cest cela lextraordinaire.
Cainsi quaiment les hommes de Dieu. Ils aiment, non pas parce quils attendent quelque chose en retour mais parce que ne plus aimer, cest cesser dexister. Ceux qui ne lont pas éprouvé nont pas du tout senti la joie de Dieu, car ils ne soccupent que de leur propre personne... " Tu as vu, jaime tellement cette personne et elle ne fait rien pour moi. Jai fait tant de sacrifices "... Tu nentends que des bêtises pareilles ! Cela na rien à voir avec lAmour en Dieu. Cet Amour sort de la Source de lAmour, va vers lautre et retourne à sa Source. Pourquoi attendre et se demander : Maime-t-il ? Ne maime-t-il pas ? Avons-nous donné notre cur à Dieu ? Que voulons-nous dautre ? Ceci est le but de notre vie !
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La Croix est le symbole du sacrifice de soi-même envers les autres. Mais celui qui se donne aux autres, les aime et les aide, ne sent pas ce sacrifice. Quand cet Amour se donne, cest lAmour divin lui-même qui passe dans le cur du donateur, ce nest pas lhomme qui le donne. Il ne sent aucun " sacrifice " car il nen a pas conscience. Pour lui, cest une attitude naturelle rien ne change dans sa vie, dans sa santé au contraire, il sen réjouit continuellement, car il est à la fois donateur et récepteur de ce divin Amour, de cette force. Le Christ nous la prouvé par sa vie et son enseignement, sa crucifixion, sa Résurrection. Aussi le vrai amour se trouve-t-il toujours sur la Croix, mais en même temps, il est dans la lumière de la Résurrection.
Mais on ne peut rester sur la Croix si on na pas damour. Car dans lamour il y a le germe du sacrifice. Il nest pas possible daimer et ne pas être prêts à donner. Nest-ce pas ? Arrivé à bout, le sacrifice devient la Croix. Souvent, lamour que tu donnes aux autres ne sera pas compris par eux. À ce moment, tu restes seul avec Dieu. Mais lui a toujours les siens et il nest pas possible quil ne te les envoie pas. Ce nest pas possible. Dès que tu te rapprocheras du mode de vie quil veut pour toi, les siens commenceront à venir tout de suite vers toi... Que dire ! Moi-même, jen suis perplexe. Jadis, je devais choisir mes amis : " Qui sait ? Est-ce que cet ami, cette amie sharmoniserait le mieux à mes goûts ? À ma vie ? etc. Aujourdhui, je néprouve plus tel besoin. Quiconque viendra me dire un simple petit bonjour sera pour moi lenvoyé de Dieu et on a limpression même quil incarne un ange. Le Seigneur choisit ceux quil envoie.
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LAmour et lhumilité vont ensemble. Nous ne pouvons être égoïstes quand nous aimons. Prenons lexemple de la mère et de lenfant... du frère et de la sur... du père et de la mère... Je me souviens quand jétais petite, jaimais tellement ma mère et mon père qui était si doux, que je nosais en faire à ma tête. Simplement pour ne pas les peiner ! Non pas parce que je ne désirais pas faire quelque chose. Aujourdhui, cest encore ainsi. Si je ne fais pas de mal, cest parce que je ne veux pas " peiner " Dieu. Non pas parce que je le " crains ", mais, parce que je laime. Je ne suis pas la " prisonnière " de Dieu et je ne me suis pas " rendue ", comme cela se passe à la guerre. Je veux lui faire le don de moi-même. Avec tout mon amour, avec toute ma volonté, parce quaujourdhui je suis vivante et non pas parce que je suis... une loque obéissante. Je lui dis : " Je veux ce que tu veux, mon Dieu. " Je ne peux le ressentir autrement. Cest pareil avec mes prochains. Je veux de tout mon cur les aimer et je les aime. Peu mimporte qui est la personne. Je ne men soucie pas. Cest un être humain. Il a un cur, une âme, un esprit. Il est comme moi. Voilà!
Extraits de LAscèse de lamour,
Mère Gabrielle 1897-1992,
par sur Gabrielle, Éditions To Pervoli tis Panagias,
Thessalonique, s.d. (c. 2000).
par mère Gabrielle (Papayannis)
(Proverbes 1,7)La crainte du Seigneur est le principe du savoir
Ne crains pas, petit troupeau (Luc 12,32)
LAmour parfait exclut la crainte (1 Jean 4,18)
Dieu est Amour (1 Jean 4,16)
On trouve chez lHomme plusieurs formes de crainte :
1) " Je vais faire quelque chose que lautre ne veut pas et il va me punir, me nuire "... (par exemple, lécolier) ; 2) " Parce que jaime beaucoup cette personne, je ne veux pas lui faire de peine " ... (par exemple, lenfant par rapport à sa mère) ; 3) " Si je fais ceci, je perdrai lintérêt et la bienveillance de la part de lautre "... (très mesquin, peur humiliante).
La crainte est la source de beaucoup de maux pour le caractère : elle le rend hypocrite, menteur, de mauvaise foi. Souvent, ce sentiment humiliant de peur altère notre caractère : " Quen dira-t-on de moi ? " ; et nous trahissons ainsi lAmour de Dieu pour plaire aux hommes. Cest une Hydre de Lerne [monstre mythique, serpent à plusieurs têtes] que cette peur : " Que va dire le monde... " Mais quel est ce monde ? Est-il votre idéal ? Aimeriez-vous être comme lui ? Si vous vous posiez avec sincérité la question, vous diriez Non. Par conséquent, pourquoi trahissez-vous lAmour de Dieu et Sa Vérité pour lui ? Dieu dit : " Vous connaîtrez la Vérité et la Vérité vous rendra libres " (Jn 8,32).
La crainte est la première passion... Cest vrai que nous avons assez parlé de la peur de ce monde à cause de laquelle nous perdons notre équilibre. Pourtant, nous montons dans un taxi et nous croyons que le conducteur ne va pas cogner contre un arbre. Nous prenons lavion et nous pensons que le pilote ne manquera pas de maîtrise sinon nous serons tous perdus. Je connais un archevêque qui a eu un accident de voiture en plein désert et qui, les yeux remplis de petits débris de verre, navait pas eu peur et priait pour que la volonté de Dieu se fasse dans sa vie... et les docteurs ont vu, stupéfaits, sachever ce miracle de guérison. Ou alors, vous voyez cinquante morts dans un accident davion et une petite fille se lancer du hublot - vivante !
Dans cette vie où seuls nos organes nous informent de tout, si nous nappliquons pas ce que le Christ a dit : " Demandez et vous recevrez ; cherchez et vous trouverez ; frappez et on vous ouvrira " (Mt 7,7), nous ne pourrons pas nous libérer de cette crainte innée en nous. Crainte pour quoi ? Pour linconnu, pour linvisible, pour cet état daprès la mort. Car depuis son enfance même, lHomme a la sensation dêtre un ange déchu du ciel. [ ] Cest la peur innée qua lHomme déchu. Puis le Sauveur vient et te dit " Sois sans crainte, crois seulement " (Mc 5,36).
Cest pour cela que je dis que nous avons besoin de trois choses. Dabord la Foi, deuxièmement la Foi et troisièmement la Foi. Que Dieu nous accorde la grâce de ne jamais dire : " Je crois ! Aide-moi car je manque de foi " (Mc 9,24). JAMAIS ! Que nous a-t-il dit ? " Ô femme, grande est ta Foi ! Quil tarrive comme tu le veux " ! (Mt 15, 28). Et à un autre : " Tu crois que tu te rétabliras " ? " Je le crois "... Et il guérit sur le champ... " Est-ce que tu crois que tu vas voir de nouveau " ? " Je le crois "... Et les yeux de laveugle souvrirent. À lapôtre Thomas, qua-t-il dit ? " Bienheureux ceux qui croient sans avoir vu " (Jn 20,29). Jajoute personnellement et humblement : parce quils vont voir, maintenant et à partir de ce monde.
Que dire encore ? Est-ce que je dois vous parler du petit enfant dans les bras de sa mère, dans le bus qui cahotait ? Sa petite tête était penchée sur le cou de sa mère. Il dormait. Il ne se souciait de rien. Il avait lassurance de lamour. Donc ? Si quelquun peut donner cette assurance, combien plus Dieu, qui est Amour ? Quand jai commencé à voyager à létranger, sans connaître personne et sans moyens financiers qui ma donné lassurance que je ne serai pas chassée, que je ne saurai où aller, que je ne tomberai pas malade, que je ne serai pas mendiante ?
Non ! Le chrétien ne sera jamais mendiant ! Car Dieu ne labandonne pas ! Il lui donne le pain quotidien par son travail, la sueur de son front, ou de nimporte quelle autre façon... Pendant les cinq années que jai vécues en Inde, dans des températures variant de -10°C à +40°C, pas une fois je nai eu un rhume, ou une dysenterie à cause de la nourriture que je mangeais... Comment lhomme peut-il ne pas croire quand il assiste à tant de miracles ?
Mais comment peut-il les voir sil ne croit pas auparavant ? Vous, mes chers frères, vous avez entendu parler des histoires de la rue Midias, et comment je me suis retrouvée ici. Cest simple, jétais sûre que ce que jattends et ce dont jai besoin, Dieu va me lenvoyer. Quand nous prions et disons " Que ta volonté soit faite sur la Terre comme au Ciel ", si vraiment nous croyons, elle se fera. Pas seulement en ce qui nous concerne, mais pour tous. Cest notre prière. Et non pas : " Je le veux pour lautre, car je crois que cest juste ainsi. " Seul Dieu sait ce quil lui faut. Aussi, " Que ta volonté soit faite pour un tel, pour un autre "... Cest aussi notre prière. Que dire encore ? Quand nous suivons les commandements de Dieu, quand nous lisons tous les jours les Évangiles, nous trouverons la sagesse de Dieu directement dans notre cur. Pas avec la philosophie, la logique et le cerveau. Nous serons alors si paisibles... Nous naurons besoin daucun autre livre ou enseignement, où se trouve lego de lécrivain ou de lorateur. Le Seigneur donne une inspiration différente à chacun de nous, en rapport à ce que nous pouvons accepter et au Dessein de Dieu pour nos vies...
Une autre forme de peur, cest la peur de la mort. " Ah ! Je vais tomber malade... où irai-je ? À quel hôpital ?... Quest-ce qui mattend là ?... On va me traiter mal... On va me demander de largent, de largent... et quand je nen aurai plus... que se passera-t-il ? Comment irai-je à létranger où là seulement on guérit le monde " ? Pauvres créatures ! Elles ne savent pas que la main de Dieu tient celle du docteur ! Et que les épreuves quelles doivent passer, elles les passeront ! Les plus grandes guérisons que jai vues dans ma vie, étaient celles dun médecin cupide ! Jai demandé à mon ange gardien : " Comment se fait-il que Dieu permette à ce médecin tout cela " ? La réponse a été : " Dieu aide le souffrant qui doit guérir et laisse le médecin rendre compte de ses actes à un autre moment "... Nous investissons à la banque, investissons, investissons... Cest à ce moment que commence notre épouvante ! " Le dollar est en hausse, le franc en baisse... Que va-t-il se passer si nous perdons ? Où irons-nous si une guerre éclate ?... Sauvons notre corps ! " Ah ! Ne souffrons pas... : " Une fin chrétienne, sans douleur, sans honte, paisible " [ecténie des demandes]. Nous le demandons avec effroi. À QUI ? À celui dont la fin de sa vie a été douloureuse, honteuse. Que Dieu nous pardonne ! Aussi le Alpha et le Oméga est : " Je crois Seigneur, je taime et jessaie jour et nuit dappliquer ton premier commandement ". Tout le reste lui appartient. Pas à moi. Ni quand, ni où, ni comment. Jai parlé ainsi à mon Bien-Aimé [Dieu, cf. le Cantique] et il a envoyé son émissaire à mes côtés, pour que je continue à vivre dans linsouciance, aux pieds du Christ, jour et nuit. Amen.
Mère Gabrielle
Léros, le 15 février 1992.
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Dernière mise à jour : 20-05-06.