Pères et mères dans la foi

Trois saints missionnaires : Saint Alexis Toth - Saint Jean Kochurov - Saint Alexandre Hotovitzky

SAINT ALEXIS TOTH

Confesseur et Défenseur de l’Orthodoxie

Icône Saint Alexis Toth debout

Alexis Toth naquit le 18 mars 1854 en Slovaquie, qui alors faisait partie de l’Empire austro-hongrois. La famille était carpatho-russe, des catholiques de rite byzantin (ou " uniates "), comme beaucoup des Carpatho-russes, et son père, Georges Toth, était prêtre uniate. Alexis apprit plusieurs langues – le carpatho-russe, le russe, l’hongrois, l’allemand, le latin, un peu de grec, puis l’anglais – et ses connaissances linguistiques lui furent très utile dans son ministère en Amérique.

Alexis étudia en des séminaires uniates et catholiques romains ; il obtint son diplôme de théologie en l’université de Présov. Peu après, il se maria avec Rosalie Mihalich, elle-même fille de prêtre.Le 18 avril 1878, Alexis fut ordonné prêtre en l’Église grecque-catholique.

Pendant deux ans, il fut prêtre de paroisse, puis son évêque le nomma administrateur diocésain. Matouchka Rosalie décéda en mettant au monde leur enfant unique, qui décéda aussi. En 1881, le père Alexis devint directeur du Séminaire de Présov, où il enseigna aussi le droit canon et l’histoire de l’Église pendant huit ans.

En 1889, le père Alexis fut envoyé en Amérique en tant que prêtre missionnaire. Il commença son ministère à Minneapolis, dans la nouvelle paroisse uniate russe de Sainte-Marie. Les paroissiens de l’église Sainte-Marie étaient des immigrants des Carpathes, en Galicie autrichienne. On les appelait des Carpatho-russes, Hongro-russes, Galiciens et Ruthènes. Leurs ancêtres avaient été initialement orthodoxes, mais l’Église d’état dans l’Empire austro-hongrois était l’Église catholique-romaine et les gens furent forcés de s’unir avec Rome. En tant qu’uniates ou " catholiques byzantins ", l’usage du rite oriental plutôt que le rite latin leur était concédé.

À cette époque, l’Église catholique-romaine aux États-Unis était agitée par une controverse. De nombreux évêques pensaient que les immigrants catholiques devaient s’assimiler intégralement à la culture américaine. Or les immigrants de l’Europe de l’Est souhaitaient garder l’identité de leur pays d’origine. Tout ceci eut un effet considérable sur les Grecs-catholiques qui étaient contraints de vivre sous l’autorité d’évêques catholiques de rite latin. Ces évêques considéraient les Grecs-catholiques comme étant une secte étrangère. Or les immigrants désiraient simplement célébrer le culte suivant les usages qui leur étaient familiers.

Dès son arrivée à Minneapolis, le père Alexis rendit visite à l’Archevêque catholique-romain du lieu, John Ireland. Voici ce qu’en dit le père Alexis :

" J’étais uniate lorsque j’arrivai en Amérique. Je me présentai devant l’évêque Ireland le 9 décembre 1889. Suivant la coutume, je lui embrassai la main, et je présentai mes documents, oubliant de m’agenouiller devant lui (j’ai appris plus tard que ce fut l’erreur fatale que j’ai commise…). Dès qu’il lut en ces documents que j’étais Grec-catholique, ses mains se mirent à trembler. " Avez-vous une femme ? " demanda-t-il. " Non ", lui répondis-je. " Mais en avez-vous eu une ? " continua-t-il. Je lui précisai : " Oui, je suis veuf ". À ce moment-là, il jeta mes papiers sur la table, et vociféra : " J’ai déjà écrit à Rome pour protester contre le genre de prêtres qu’ils m’envoient ! ". Je lui demandai : " De quel genre de prêtre parlez-vous ? " – " De votre genre ! " – " Je suis prêtre catholique de rite grec. Je suis uniate, et j’ai été ordonné par un évêque catholique canonique " – " Je ne considère ni vous, ni votre évêque, comme catholiques. Je ne vous permettrai pas de travailler ici ".

L’archevêque Ireland interdit publiquement et officiellement aux catholiques-romains de participer aux offices célébrés par le père Alexis. Le père Alexis fit appel tout d’abord en Europe de l’Est, puis à Rome, ce qui n’apporta cependant aucune solution. D’autre prêtres uniates écrivirent au père Alexis pour lui dire qu’ils avaient été traités de la même façon par les évêques catholique-romains dès leur arrivée en Amérique.

Le père Alexis écrivit : " Dans mon esprit cheminait une idée que j’avais portée en mon cœur pendant une longue période, une idée vers laquelle mon âme aspirait : devenir orthodoxe. Mais comment faire ? Je devais être très prudent. Cette malheureuse Union, c’est-à-dire la formation d’une juridiction catholique uniate, la source de notre déclin et de toutes nos maladies, faisait partie intégrante de notre peuple depuis une trop longue période. En naissant, nous avions ce joug qui pesait sur nos épaules depuis deux cent cinquante ans. Je priai Dieu avec ferveur, afin qu’il me donne le pouvoir de faire apparaître clairement tout cela aux yeux de mes paroissiens. En général, les gens n’avaient pas besoin de grand-chose pour être convaincus ; ils me suggérèrent de prendre contact avec l’évêque orthodoxe russe.

" Certains me disaient qu’il vivait à Sitka [en Alaska], d’autres m’affirmaient qu’il vivait à San Francisco… je ne connaissais absolument rien. Je savais seulement que le Consul de Russie habitait à San Francisco. Ainsi, sous le nom d’André Potochnak, j’envoyai le requête suivante au Consulat russe : " Est-il vrai qu’un évêque orthodoxe russe vit à San Francisco ? Si tel est le cas, quel est son nom et quelle est son adresse ? " Dix jour après, une lettre arriva, adressée monsieur Potochnak, m’informant du fait que l’évêque actuel était Sa Grâce, l’évêque Vladimir, et me donnant son adresse ".

Une délégation de Minneapolis se rendit à San Francisco, afin de savoir si cet évêque était réellement un évêque orthodoxe, ou un Vieux-Croyant, ou même un membre de quelque secte hérétique russe. L’évêque Vladimir (Sokolovsky) invita le père Toth à venir le voir, afin de conférer au sujet des possibilités de réception dans l’Église orthodoxe. Finalement, l’évêque Vladimir se rendit lui-même à Minneapolis ; en mars 1891, lors du Dimanche du Triomphe de l’Orthodoxie, le père Alexis et sa communauté composée d’environ 361 immigrants ruthènes furent officiellement reçus dans le diocèse d’Alaska et des îles aléoutes. Cela fut officiellement reconnu et officialisé par le Synode de l’Église orthodoxe russe et proclamé lors d’un Office spécial dans la Cathédrale saint Basile le Grand (comme elle s’appelait à l’époque) à San Francisco le 28 août 1892. Après cette démarche, bien des coreligionnaires uniates du père Alexis le considérèrent comme un renégat. Cependant, d’autres prêtres uniates suivirent son exemple et embrassèrent la foi orthodoxe.

Deux ans après, le père Alexis déménagea de Minneapolis à Wilkes-Barre, en Pennsylvanie. La région de Wilkes-Barre était le point de rassemblement majeur de l’immigration carpatho-russe en Amérique. Le père Alexis continua son œuvre parmi les immigrants. Il prêta son concours pour la création de la Société orthodoxe russe de secours mutuel afin venir en aide aux pauvres et aux éprouvés. Il écrivit un catéchisme élémentaire de la foi orthodoxe, intitulé " Où dois-je rechercher la Vérité ? ", afin de donner l’éducation religieuse nécessaire à ceux qui désiraient se réunir à l’Église orthodoxe. Le père Alexis visita beaucoup de paroisses uniates, expliquant les différences entre l’Orthodoxie, le Catholicisme romain, l’Uniatisme et le Protestantisme, soulignant que la vraie foi de ces gens étaient la foi orthodoxe. À la fin de sa vie, le père Alexis avait réuni à l’Église orthodoxe, à lui seul, environ quinze mille Uniates.

En considération de ses travaux, le père Alexis fut élevé au rang d’archiprêtre mitré. Il reçut des mains du Tsar Nicolas II l’Ordre de Sainte-Anne. Il reçut aussi des mains de saint Tikhon, à l’époque archevêque d’Amérique du Nord, l’Ordre de Saint-Vladimir.

Le père Alexis mourut à l’âge de 56 ans, le 7 mai 1909. Il repose au Monastère saint Tikhon, à South-Canaan, en Pennsylvanie. Il fut canonisé par l’Église orthodoxe en Amérique le 29 mai 1994.


Tropaire (ton 4)

Ô saint père Alexis,
notre intercesseur et notre maître,
ornement divin de l’Église du Christ,
prie le Maître de l’univers
d’affermir la foi orthodoxe en Amérique,
d’accorder la paix au monde,
et à nos âmes, la grande miséricorde.

Kondakion (ton 5)

Fidèles, louons le presbytre Alexis,
luminaire de l’Orthodoxie en Amérique,
modèle de patience et d’humilité.
Pasteur digne du troupeau du Christ,
il rappela les brebis qui s’étaient égarées
et par sa prédication les amena
au Royaume céleste.


SAINT JEAN KOCHUROV

Missionnaire d’Amérique
et premier Hiéromartyr du joug bolchevique

Icône Saint Jean Kochurov debout

Jean Kochurov naquit le 13 juin 1871, dans le village de Bigildino (Surka), en le District de Donkovsky, de la province russe de Ryazan. Son père était prêtre de village. Jean fut un excellent étudiant au séminaire de Ryazan ce qui lui permit de continuer ses études à l’Académie théologique de Saint-Pétersbourg. C’est là qu’il rencontra l’évêque Nicolas (Ziorov) du diocèse missionnaire des îles Aléoutes et de l’Alaska. Avant même l’obtention de son diplôme théologique en 1895, Jean demanda à l’évêque Nicolas de prendre part à la mission en Amérique. Malgré le fait qu’il n’ait pas encore été ordonné, il fut d’ores et déjà nommé recteur de la paroisse Saint-Vladimir à Chicago et prêtre desservant de la mission slovaque située à Streator, en Illinois, à 90 milles de Chicago.

Après avoir obtenu son diplôme de l’Académie théologique, il se maria avec Alexandra Vasilievna, la fille d’un prêtre de Saint-Pétersbourg. Jean fut ordonné prêtre le 27 août 1895, et en octobre 1895, il était à Chicago.

La paroisse de Saint-Valdimir à Chicago était établie dans le rez-de-chaussée d’une maison, tandis que les étages contenaient les appartements où vivaient le prêtre et le chef de chœur et leurs familles. La communauté paroissiale était constituée de russes, de serbes, de galiciens, de bulgares, et d’arabes. Le père Jean était bien conscient du fait que la construction d’une église était indispensable pour répondre aux besoins de la communauté orthodoxe de Chicago.

Le père Jean voyagea en Russie, et rassembla des fonds qui vinrent s’ajouter à ce que la paroisse pouvait fournir. Néanmoins, cette somme n’était pas suffisante pour construire une église. Le père Jean, à son retour à Chicago, fit appel à la générosité de personnes importantes de la ville. Finalement, avec le soutien de Saint Tikhon, alors archevêque du diocèse orthodoxe greco-russe en Amérique, et grâce au concours de l’un des architectes les plus connus de l’époque, les fonds nécessaires fut rassemblés et la construction de l’église débuta en avril 1902. Le père Jean supervisa les plans de l’église et participa activement à la construction de la cathédrale de la Sainte-Trinité. Celle-ci était un mariage innovateur d’architecture traditionnelle russe et les concepts et procédés de construction du début du vingtième siècle. Saint Tikhon célébra la consécration de la cathédrale en 1903.

En plus de ses trajets mensuels à Streator, le père Jean allait à Hartsorne, en Oklahoma, à Slovaktown, en Arkansas, à Buffalo, à New-York, et à Joliet et Madison, en Illinois. L’une des préoccupations majeures du père Jean était le retour des catholiques byzantins à l’Église orthodoxe. Il oeuvra en ce sens, et encouragea d’autres à exercer leurs efforts en cette direction. Il s’engagea aussi avec enthousiasme dans le travail d’éducation des jeunes, pour leur inculquer la solide éducation religieuse et morale dont ils auront besoin dans la société séculière.

Le fait de vivre dans l’Illinois fit du père Jean l’un des prêtres orthodoxes les plus isolés du diocèse d’Amérique. Certes, sa femme Alexandra et leurs trois fils lui apportaient le support qui lui était nécessaire. Ses confrères du clergé le respectaient et l’aimaient. Il servit comme doyen pour les états du centre des Etats-Unis et il prêta main forte à l’organisation du premier concile pan-américain de l’Église, convoqué par saint Tikhon en 1907. En 1903, le Tsar lui accorda l’Ordre de Sainte-Anne et en 1907; saint Tikhon l’éleva au rang d’archiprêtre, juste avant que tous deux ne partent d’Amérique. Le père Jean passa ainsi 12 ans de labeur dans ce diocèse missionnaire avant de retourner en Russie.

À son retour en Russie, le père Jean enseigna d’abord la catéchèse en Estonie et en 1916 il fut rattaché à la Cathédrale de Sainte-Catherine à Tzarskoïé-Selo ; il devint ensuite aumônier de la famille impériale. En 1917, alors qu’il célébrait un molébène pour la protection de la Russie et de la famille impériale, le père Jean fut attaqué et tué par des marins bolcheviques. Des témoignages affirment que son corps a été traîné sur les voies de chemin de fer, jusqu’à ce qu’il mourût. La date de son martyre diffère suivant les témoignages, qui désignent le 1er novembre, le 13 novembre ou le 8 décembre 1917. Un témoignage contemporain affirme : " Le père Jean mourut en martyr des mains des marins bolcheviques. Les révolutionnaires s’opposèrent à ce qu’il célèbre un molébène pour le salut de la Russie. Ils le tuèrent, après que le père Jean ait refusé d’interrompre l’office ". Un autre témoignage nous dit : " L’archiprêtre Jean Kochurov fut abattu alors même qu’il était revêtu des ornements sacerdotaux. Blessé, il gisait sur le sol, et soupirait profondément, à l’agonie. Une voix dit au sein de la foule : ‘Achevons-le comme un chien ’ ". Il fut enseveli à la crypte de la Cathédrale Sainte-Catherine, qui par la suite fut démolie par les communistes.

Depuis le moment de son martyre, la vénération qui lui est portée n’a cessé de croître. Le père Jean fut canonisé par l’Église de Russie le 4 décembre 1994. 


Tropaire (ton 1)

Enflammé d’amour divin,
tu donnas ta vie en martyre pour le Christ et le prochain.
Ainsi as-tu reçu du Christ la couronne de justice.
Ô hiéromartyr Jean,
prie le Dieu de miséricorde
de préserver sa sainte Église
et de sauver nos âmes.

Kondak (ton 8)

Plein de zèle tu as accompli le service pastoral,
ainsi Dieu a-t-il accueilli ton âme
comme un sacrifice agréable, ô père Jean.
Prie de Christ-Dieu
d’accorder la paix au monde
et à nos âmes la grande miséricorde.


SAINT ALEXANDRE HOTOVITZKY

Missionnaire d’Amérique

Icône Saint Alexandre Hotovitzky debout

Alexandre Hotovitsky naquit le 11 février 1872 en la ville de Kremenetz. Son père était l’archiprêtre Alexandre, recteur du Séminaire théologique de Volhynie. Alexandre fit ses études au Séminaire de Volhynie, puis à l’Académie théologique de Saint-Pétersbourg, où il termina sa Maîtrise en 1895. Il fut envoyé comme missionnaire aux Etats-Unis, où il fut nommé lecteur de la nouvelle paroisse de Saint-Nicolas à New York.

Alexandre se maria avec Maria Scherbuhina et il fut ordonné diacre. Peu après, le 25 février 1896, il fut ordonné prêtre par l’évêque Nicolas (Ziorov), à la cathédrale de San Francisco. Une semaine après son ordination, le jeune prêtre revint à New York, afin de servir en la paroisse de Saint-Nicolas.

De 1898 à 1907, le père Alexandre assuma ses charges pastorales, sous l’autorité de l’évêque Tikhon. Le labeur missionnaire du père Alexandre remporta un grand succès, notamment auprès des catholiques de rite byzantin (" Uniates "), qui venaient d’émigrer de la Galicie et de la Carpatho-russie. Le père Alexandre représenta également d’Église orthodoxe auprès d’institutions religieuses américaines et lors de rassemblements.

L’œuvre missionnaire du père Alexandre comportait à la fois des tentation et des douleurs. L’archevêque Platon (Rozhdestvensky) exprima la gratitude qu’il ressentait envers les travaux du père Alexandre, en une allocution qu’il donna lors de la Divine Liturgie, le 26 février 1914. Faisant ses adieux au père Alexandre, l’archevêque disait : " Un matin, lors des années où nous travaillions ensemble, tu es venu en ma chambre et, sans commentaire, tu déboutonna ta chemise, laissant apparaître un grave hématome, bleui et sanglant, sur ta poitrine. Cela résultait de l’agression d’un fanatique qui, en un accès de rage, t’attaqua sauvagement avec un bâton. L’agresseur avait pris place en une réunion de Russes, lors de laquelle tu avais encouragé tes propres frères à renoncer à leur pernicieuse union avec Rome… Je fus ému jusqu’au tréfonds de moi-même, car j’avais devant moi, à ce moment précis, un véritable exemple de témoignage pour le Christ ".

Comme résultats des efforts du père Alexandre, des paroisses orthodoxes furent ouvertes à Philadelphie, Yonkers, Passaics, ainsi qu’en d’autres villes en Amérique du Nord. Les paroissiens de ces églises étaient des orthodoxes de souche, aussi bien des Carpatho-russes convertis de l’uniatisme, que des protestants qui s’étaient convertis à l’Orthodoxie.

La revue American Orthodox Messenger fut publiée sous la direction du père Alexandre et il y contribuaient régulièrement des articles. Cette publication apporta un appui important pour le témoignage de l’Orthodoxie au sein de la société américaine.

Le père Alexandre participa à la fondation d’une société orthodoxe diocésaine de bienfaisance, dont il fut successivement trésorier, premier secrétaire, puis président. Cette société fournit une aide matérielle aux Carpatho-russes, aux Slaves macédoniens, aux troupes russes en Mandchourie, et aux prisonniers de guerre russes captifs dans les camps japonais.

Le père Alexandre endossa la lourde responsabilité du chantier de la cathédrale Saint-Nicolas, édifice qui devait remplacer la petite église paroissiale. Il parcourut les diverses communautés orthodoxes en Amérique, et fit même un voyage en Russie, en 1901, afin de lever les fonds nécessaires à la construction de la cathédrale.

Dix-huit ans après l’ordination sacerdotale du père Alexandre, le 26 février 1914, il partit pour la ville d’Helsinki, en Finlande. Il s’exprimait ainsi : " Adieu, ma chère mère, la sainte Église américaine. Je me prosterne jusqu’au sol devant toi, car je suis ton fils toujours reconnaissant. Tu m’as fait naître spirituellement, tu m’as nourri de tes profondeurs, tu m’inspiras par ta force. Par le témoignage éclatant de tes fondateurs, par les enseignements apostoliques de tes prédicateurs, par la ferveur de ton troupeau fidèle, tu m’as donné la joie la plus grande qui soit : celle d’être ton fils ".

Entre 1914 et 1917, le père Alexandre fut assigné à Helsinki, où la population était en majorité protestante. Même si la Finlande faisait alors partie de l’Empire russe, le clergé orthodoxe avait fort à faire pour protéger les Karéliens orthodoxe du prosélytisme expansionniste des Luthériens finnois. En Finlande, le père Alexandre travailla sous l’autorité de l’évêque Serge (Stragorodsky), qui deviendra plus tard Patriarche de l’Église russe.

En août 1917, le père Alexandre fut transféré à Moscou, et fut nommé desservant de la Cathédrale du Christ-Sauveur. Là, il se trouvait sous la direction immédiate de saint Tikhon.

Le père Alexandre participa aux discussions du Concile général de l’Église russe de 1917-18. Lors de l’élaboration du message aux Orthodoxes concernant les élections pour le Concile général, l’assemblée estima que, vu le fait que la Russie était en position critique, l’Église russe et le Concile en particulier, ne pouvaient se dissocier de la lutte qui était menée pour sauver la nation. En parlant des efforts que déployait le Concile pour rebâtir l’Église , le père Alexandre notait avec quelque amertume : " La situation ressemble à ce qui se passe si quelques constructeurs dessinent furieusement des plans pour la construction d’un édifice, tout en observant calmement la destruction, brique par brique, de ce même édifice, par les ennemis ".

Pendant les années difficiles de la guerre civile, le père Alexandre collabora étroitement avec saint Tikhon pour l’administration du diocèse de Moscou. En 1918, sous la direction spirituelle du recteur de la Cathédrale, le père Nicolas Arseniev, une fraternité de la Cathédrale du Christ-Sauveur fut constituée. La première activité de cette fraternité fut le lancement d’un appel aux fidèles orthodoxes, texte à la rédaction duquel le père Alexandre collabora. Voici une partie de ce document :

" Peuple de Russie ! La Cathédrale du Christ-Sauveur, l’ornement de Moscou, la fierté de la Russie, la joie de l’Église orthodoxe, a été condamnée à une lente destruction. Ce glorieux monument construit en l’honneur des grands exploits des combattants russes qui donnèrent leur vie pour leur patrie et pour la Foi orthodoxe, ce monument a été privé de tout support de l’État. Peuple de Russie ! Laisserez-vous cette magnifique église du Christ-Sauveur en proie à la dérision ? S’il est vrai, comme le prétendent les persécuteurs de la sainte Église , que le peuple de Russie n’a désormais plus besoin des choses saintes – l’église, les sacrements, les offices –, parce que ce serait passé de mode et superstitieux ? Répondez, vous, les croyants ! Répondez, vous tous, d’une seule voix ! Levez-vous, et protégez ce que vous avez de plus saint ! Puissent les dons généreux et bien intentionnés des riches se joindre au précieux sou du croyant pauvre. Moscou, tu es le cœur de la Russie ! Préserve ton Sanctuaire sacré, ton église aux coupoles dorées, à la gloire du Sauveur ! … ".

En réponse à cet appel, les habitants orthodoxes de Moscou se joignirent à la fraternité de la Cathédrale du Christ-Sauveur, et donnèrent leurs offrandes afin de venir en aide à cette majestueuse église.

À l’époque, l’activité pastorale s’exerçait au-travers de bien des peines et des dangers. En mai 1920 et novembre 1921, le père Alexandre fut arrêté et brièvement incarcéré. Il était accusé de violation des décrets prescrivant la séparation de l’Église et de l’État, ainsi que la séparation de l’école et de l’Église, en tenant ouverte une école pour les enfants.

En 1922, l’Église fut en butte à de rudes épreuves lorsque, sous prétexte d’aide aux pauvres, les trésors ecclésiastiques comprenant les vases sacrés, les icônes et d’autres objets sacrés, furent violemment confisqués par l’État. Suite à l’appel de son Primat, l’Église orthodoxe fit des dons généreux pour venir en aide aux affamés. Néanmoins, lorsque saint Tikhon émit un mandement adressé aux fidèles de toute la Russie, mandement qui ne permettait pas au clergé de collaborer à la livraison des vases sacrés pour un usage non-ecclésiastique – désacralisation qui est proscrite par les saints canons – une campagne de diffamation contre l’Église commença dans la presse. Le Primat fut arrêté, et une vague d’attaques judiciaires se déchaîna au-travers de la Russie. De nombreux membres du clergé furent accusés d’activités anti-révolutionnaires. Pendant ces procès, bien des fidèles serviteurs de l’Église furent condamnés à mort, et offrirent le témoignage du martyre.

Pendant ce temps, des réunions du clergé et des paroissiens de la Cathédrale du Christ-Sauveur se tinrent en l’appartement du père Alexandre, afin d’élaborer une résolution qui protestait contre la confiscation violente des objets sacrés d’Église . Le 23 mars 1922, une assemblée générale des paroissiens se tenait en la Cathédrale du Christ-Sauveur, sous la présidence de l’archiprêtre Nicolas Arseniev. Le père Alexandre avait d’ores et déjà été arrêté. L’assemblée, dans le texte final de la résolution, demandait des garanties de l’État, afin que toutes les donations soient utilisées pour sauver effectivement les vies des affamés. Les participants à cette assemblée protestèrent contre les publications calomnieuses contre l’Église ainsi que sa hiérarchie. Le texte de ce document fut saisi par les autorités comme preuve d’ " activités contre-révolutionnaires ".

Deux procès se tinrent contre l’Église, une à Petrograd et l’autre à Moscou, qui aboutirent à l’exécution de nouveaux martyrs. Le 27 novembre 1922, un autre procès très remarqué mit en accusation des laïcs et des membres du clergé. Le délit reproché était supposément " d’avoir tenté de rester en possession de bien ecclésiastiques précieux, et de renverser le régime soviétique par la famine subséquente ".

Ce procès impliqua 105 accusés. La partie la plus significative de la poursuite présentée à la Cour concernait les activités du clergé et des laïcs de la Cathédrale du Christ-Sauveur. Le procès dura deux semaines. Le père Alexandre resta calme et serein, et tenta de protéger les autres accusés. Il n’admit pour lui-même aucune culpabilité. Le 13 décembre, le verdict du tribunal révolutionnaire fut annoncé. Le père Alexandre fut condamné à dix ans de prison, tout comme les principaux autres accusés. Après que le saint Patriarche Tikhon ait repris l’administration de l’Église russe et émis plusieurs mandements qui concernaient la loyauté à observer envers les autorités gouvernementales, une amnistie fut accordée à un certain nombre de prévenus. Le père Alexandre fut du nombre de ceux qui furent libérés en octobre 1923. Après sa libération, il ne fut assigné à aucune paroisse, mais allait célébrer en diverses églises de Moscou.

Il ne resta libre que peu de temps. Le 4 septembre 1924, Toutchkov, chef de la sixième section de département d’État pour la politique intérieure, rassembla une liste de trente membres du clergé et chefs religieux de Moscou, et recommanda qu’ils fassent l’objet d’un exil administratif. Le père Alexandre faisait partie de la liste et l’on le caractérisait comme suit : " Prêtre et un prédicateur possédant une éducation universitaire, zélé et influent parmi les adeptes de Tikhon. Son profil est anti-soviétique ". Le 9 Septembre 1924, le père Alexandre subit un interrogatoire. " Selon mes convictions religieuse – dit-il en ce moment – je me considère comme un disciple de Tikhon. Mes relations avec le Patriarche sont très proches, et pas seulement administratives. Dernièrement, j’ai évité de le rencontrer, car je craignais qu’un contact avec moi puisse lui nuire, vu ma position dans la question de la confiscation des biens d’église. Je n’ai jamais émis d’opinion concernant la restauration du gouvernement précédent, et une telle pensée ne m’a même pas traversé l’esprit ". Une réunion spéciale du département d’État pour la politique intérieure prit la décision d’exiler le père Alexandre dans la région de Turuhan, pour une période de trois ans. Sa santé déjà défaillante fut encore affaiblie par ce séjour dans le grand Nord. Après son retour d'exil, le père Alexandre fut élevé au rang de protopresbytre, et devint l’un des auxiliaires les plus proches de " Locum-tenens " du trône patriarcal, le Métropolite (et plus tard, Patriarche) Serge, qui le connaissait bien depuis l’époque de son affectation en Finlande.

Dans les années trente, le Protobresbytre Alexandre fut le Recteur de l’église de la Déposition de la robe de la Mère de Dieu. L’un des paroissiens raconte : " En 1936, le père Alexandre ne prêchait pas, car cela lui était interdit. Dans les années 36-37, j’étais présent bien des fois lorsque le père Alexandre célébrait. C’était un prêtre de haute taille, aux cheveux grisonnants, d’apparence aimable ; il paraissait extrêmement intelligent. Des cheveux gris, une chevelure soignée, une petite barbe, d’amicaux yeux gris, il avait une voix de ténor, haut placée… Il prononçait les ekphonèses distinctement, et de façon inspirée. Son apparence me rappelait celle de bien des prêtres en exil, qui provenaient des régions occidentales… Bien des paroissiens éprouvaient un grand respect pour lui… Même aujourd’hui, je garde le souvenir du regard du père Alexandre. C’est comme si son regard pénétrait votre cœur, et l’embrassait de son affection. J’ai eu le même sentiment lorsque j’ai vu le saint Patriarche Tikhon. C’était cette même lumière qui brillait dans le regard du père Alexandre, comme témoignage de sa sainteté ".

En automne 1937, le père Alexandre fut arrêté à nouveau. Les documents dont nous disposons à son sujet prennent fin avec cet événement. Cependant, les témoignages de différentes personnes certifient qu’il est mort martyr. L’Église orthodoxe en Amérique, sur le territoire de laquelle le père Alexandre servit comme prêtre depuis 1914, le vénère comme martyr, dont la vie de Confesseur se termina par des souffrances endurées pour le Christ. Le lieu où reposent ses restes est inconnu.


Tropaire (ton 6)

En une dure époque pour l’Église éprouvée de Russie,
tu manifestas à ton troupeau l’amour du Christ
par ta patience et ton humilité.
Comme un bon pasteur tu donnas ta vie pour le Christ.
Prie pour nous, saint hiéromartyr Alexandre,
afin que nos âmes soient illuminées.

Kondakion (ton 2)

Tu portas sur tes épaules les labeurs et les maladies
et tu parcourus joyeusement le sentier étroit de la souffrance pour le Christ,
c’est par cette voie que tu as atteint le Royaume céleste.
Saint hiéromartyr Alexandre,
supplie Dieu notre Sauveur
afin qu’il nous accorde sa miséricorde au jour du Jugement.



Dernière modification: 
Lundi 30 janvier 2023