Alexandre Men - Repères biographiques
Selon une chronologie établie par Alexandre ZORINE, L'Ange-ouvrier, Moscou, Éd. Progrès et Culture, 1993, p. 68-70, revue et largement complétée par Yves HAMANT, auteur de Alexandre Men, un témoin pour la Russie de ce temps, Paris, Mame, 1993. Reproduit du livre Alexandre Men, Le Christianisme ne fait que commencer, Cerf/Le sel de la terre, 1996.
1935
Alexandre Men naît le 22 janvier à Moscou, dans une famille d'origine juive, quatre ans avant son frère Paul. Son père est ingénieur. Sa mère Éléna et la cousine de celle-ci, Véra Vassilievskaïa, qui viennent de trouver la foi à une période où l'athéisme règne en maître, exerceront sur lui une profonde influence spirituelle.
Il est baptisé secrètement en septembre, en même temps que sa mère Eléna, dans une isba de Zagorsk,près du monastère de la Trinité-Saint-Serge, par un prêtre de l'Eglise des catacombes, le père Séraphim Batioukov (t1942).
1947
Il se rend au séminaire de Moscou qui vient de rouvrir à la faveur des concessions que Staline a été amené à octroyer à l'Église pendant la guerre. Le directeur lui dit qu'il pourra l'admettre quand il sera majeur. Il est encouragé dans sa vocation religieuse par la supérieure d'un petit couvent clandestin à Zagorsk.
Il fréquente un groupe d'anciens paroissiens du père Alexis Métchov', qui, après la révolution, ont formé une communauté très unie et dont la plupart sont des intellectuels, chercheurs ou universitaires, spécialistes d'histoire, d'ethnographie, de biologie.
Déjà il étudie la Bible. Il se passionne pour l'histoire et la biologie.
1950
Il est servant dans une église de Moscou.
Il commence à étudier, seul, la théologie et les Pères de l'Église. Il se plonge dans la lecture des philosophes. Bientôt, il découvrira les penseurs religieux russes, en particulier Vladimir Soloviov.
Dessinant depuis son plus jeune âge, il reçoit les cours d'un célèbre peintre animalier dont il a fait la connaissance.
Agé de quinze ans à peine, il écrit un premier essai qui contient en germe ses ouvrages ultérieurs.
1953
Après ses études secondaires, il entre à l'Institut de la fourrure, aux environs de Moscou.
1954
Il rédige la première version d'une histoire de la vie de Jésus, Le Fils de l'Homme.
1955
L'Institut de la fourrure est transféré à Irkoutsk et il découvre la Sibérie.
1. Voir n. 2, p. 16.
1956
Il se marie à Moscou avec une de ses condisciples, Natala Grigorenko. De cette union naîtront deux enfants : Éléna - qui deviendra iconographe - et Mikhaïl.
1958
Quelques semaines avant sa sortie de l'Institut de la fourrure, alors qu'il a déjà terminé son mémoire de fin d'études, il en est brusquement exclu; l'administration a découvert qu'il se rendait régulièrement à l'évêché, où il rendait quelques services. Il doit quitter Irkoutsk sans aucun diplôme.
Une nouvelle campagne antireligieuse se prépare dans le pays.
De retour à Moscou, il est ordonné diacre le 1er juin, sur les encouragements de son père spirituel, le père Nicolaï Goloubstov, qui baptisera notamment la fille de Staline.
Il commence des études par correspondance au séminaire de théologie de Leningrad.
1959
Il rédige une nouvelle version du Fils de l'Homme.
1960
Le 1er septembre, il est ordonné prêtre à Moscou par l'évêque Stéphane, qui se situe dans la lignée spirituelle du père Alexis Métchov.
Il est affecté à la paroisse d'Alabino, dans les environs de Moscou.
Il écrit Les Sources de la religion, premier tome d'une grande histoire des recherches spirituelles de l'humanité - des origines à la Révélation biblique - à laquelle il travaillera pendant vingt ans. Les volumes suivants seront consacrés à l'apparition du monothéisme (Magie et monothéisme), à la spiritualité de l'Inde et de la Chine (Aux portes du silence), à la pensée grecque (Dionysos, le Logos, le Destin) et aux prophètes de l'Ancien Testament (Les Messagers du Royaume de Dieu).
1960-1964
Il restaure l'église d'Alabino, met de l'ordre dans la vie paroissiale. Des jeunes commencent à se grouper autour de lui.
En 1964, se saisissant de différents prétextes, l'accusant notamment de vol de matériaux sur le chantier de l'église d'Alabino, les autorités tentent de monter une affaire contre lui. Il subit persécutions et interrogatoires. Finalement, le dossier est refermé, mais il muté dans une autre paroisse de la région de Moscou, à Tarassovka.
Il entreprend des études par correspondance à l'Académie de théologie de Moscou.
1964-1970
À Tarassovka, il est simplement prêtre, et le responsable de la paroisse lui est hostile.
Cependant, le nombre d'adultes et d'adolescents qui se convertissent et demandent le baptême à son contact ne cesse d'augmenter. Il attire notamment des intellectuels, des hommes de science, des écrivains, des artistes. Il se lie d'amitié avec Soljénitsyne. Il deviendra le père spirituel de Nadejda Mandelstam, la veuve du grand poète Ossip Mandelstam, mort au goulag.
Il continue à écrire son histoire des religions. Il apprend le grec et l'hébreu.
En 1968, dans le cadre de ses études de théologie par correspondance, il achève sa thèse de maîtrise sur « Les éléments monothéistes dans les religions et les philosophies pré-chrétiennes ».
Il se documente sur le célèbre monastère d'Optina Poustyn, en particulier auprès de la poétesse Nadejda Pavlovitch, qui a été la fille spirituelle du starets Nectaire (t1927) et travaille comme bibliothécaire à Optina.
Le Foyer oriental chrétien de Bruxelles publie, dans l'original russe, son livre Le Fils de l'Homme, dont des amis ont fait parvenir le manuscrit en Occident. Par la suite, une dizaine d'autres livres du père Alexandre seront publiés par cette maison d'édition, puis clandestinement réintroduits en Russie. Aucun de ses ouvrages ne sera édité en Russie de son vivant. Ainsi paraissent, en 1969, Le Ciel sur la terre, une explication de la liturgie orthodoxe, et, en 1970, Les Sources de la religion.
Père Alexandre Men devant
l'église de la PrésentationL'ancienne et la nouvelle église
de la Présentation à Novaïa Dérévnia1970-1983
En 1970, il se fait muter dans sa nouvelle paroisse, à Novaïa Dérévnia, à une trentaine de kilomètres au nord de Moscou. Il y restera jusqu'à sa mort.
Il consacre désormais la plus grande partie de son temps à son activité pastorale et missionnaire. On vient le trouver des quatre coins du pays.
Dans les conditions de la clandestinité, il organise des groupes de prières, d'études bibliques, de catéchèse.
Il écrit des Notes sur la prière ainsi que trois livres pour les enfants : D'où nous vient tout cela ?, Lumière pour le monde, Le Sel de la terre.
Il achève plusieurs volumes de l'histoire des religions et travaille à divers ouvrages sur la Bible : un guide de lecture de l'Ancien Testament, partiellement publié à Bruxelles en 1981sous le titre Comment lire la Bible ?, Clé pour la lecture de l'Écriture sainte, et des commentaires du Nouveau Testament repris dans une édition de la Bible également préparée par le Foyer oriental chrétien de Bruxelles.
Parallèlement, pour nourrir sa famille, il écrit en qualité de « nègre » des thèses de 3° cycle sur l'époque de Josué, les premiers Pères de l'Église et plusieurs autres sujets.
1979
Mort de sa mère Éléna, qui l'a beaucoup secondé dans son ministère.
1983
Parution à Bruxelles du sixième et dernier volume de l'histoire des religions, Au seuil du Nouveau Testament.
1983-1984
Il est très menacé par le KGB, qui le soumet à une série d'interrogatoires. Pour ne pas les compromettre, il doit espacer et réduire ses contacts avec ses enfants spirituels. Il se consacre à la préparation d'une grande encyclopédie des études bibliques, inédite jusqu'à ce jour.
1986
Nouvelle offensive du KGB, qui se traduit par des attaques dans la presse, où il est accusé d'avoir « organisé un cercle religieux ».
1988
Célébration du millénaire du baptême de la Russie, qui marque la fin de la persécution des chrétiens déclenchée au lendemain de la révolution bolchevique de 1917. Juste avant le début des commémorations, il donne sa première conférence publique.
1988-1989
Dès la fin de 1988, il commence à se voir offrir des possibilités de prédication et de conférence dans des grandes salles, des usines, des clubs, à la radio, à la télévision. Profitant de la nouvelle politique en matière religieuse, il saisit toutes les occasions pour annoncer l'Évangile.
Il déploie une série d'activités, où il fait souvent oeuvre de pionnier. Par exemple, il visite régulièrement un hôpital d'enfants pour lequel il obtient des médicaments et des seringues du Canada et d'Italie. Il apporte son assistance aux soldats de retour d'Afghanistan, traumatisés et brisés par la guerre.
Il participe à la création de la Société biblique et d'une revue, Le Monde de la Bible. Il met sur pied une « université orthodoxe », ouverte à tous, afin d'offrir une formation théologique et biblique aux laïcs. Il crée une association à but éducatif et humanitaire : « Renaissance culturelle ».
Après être resté « vicaire » plus de vingt ans, il est enfin nommé responsable de sa paroisse. Mais il sent aussi plus fortement que jamais que son temps est compté. Il reçoit des menaces de mort.
1990
À Pâques, il est invité à participer comme orateur à un grand rassemblement religieux dans le stade olympique de Moscou. La télévision lui commande une série d'émissions.
Le 2 septembre, il inaugure une école de catéchèse pour les enfants de son village.
Le dimanche 9 septembre, à six heures du matin, dans des circonstances encore non élucidées malgré de multiples enquêtes, le père Alexandre est assassiné à coups de hache sur le chemin de la gare, alors qu'il va célébrer la Divine liturgie.
Tombeau du père Alexandre Men
au cimetière de Novaïa DérévniaPremière chapelle érigée sur le lieu
de son assassinat
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