Pères et mères dans la foi

Le moine et la courtisane : Saint Zossime et sainte Marie legyptienne

 

Réflexions sur la Vie de sainte Marie l’Égyptienne
par saint Sophrone de Jérusalem

Après des années de prière assidue et de rude ascèse, le vieux moine Zosime se considéra comme ayant atteint la perfection, n’ayant nul besoin de l’enseignement de qui que ce soit. Il raisonna ainsi : « Y a-t-il au monde un moine susceptible de m’être utile et de m’apprendre quelque chose de nouveau, un exercice ascétique que je ne connaisse pas et que je n’aie déjà accompli ? Se trouvera-t-il parmi les sages du désert un homme qui me soit supérieur par sa vie et ses méditations ? »

Sa recherche de la perfection et la sainteté dans le désert de la Palestine l’amène face-à-face à une ancienne courtisane, toute aussi vieille que lui, solitaire depuis des décennies, nue, brûlée par le soleil, sans instruction, une simple femme qui lui apprend la signification de la repentance et de la miséricorde, de l’ascèse et de l’humilité, comme il ne les avait jamais expérimentés dans sa vie de moine. Lui, moine et prêtre, devient le disciple de cette femme qui a atteint la vraie perfection et la sainteté, seule du désert, mue par le repentir et guidée et instruite par l’Esprit-Saint. Zosime reconnaît la sainteté de Marie et il est attiré par sa beauté spirituelle et la vie de l’Esprit qui jaillit en elle. Son respect et son amour pour elle lui permettent d’accueillir son enseignement, qui pénètre sa sensibilité et son cœur. Après leur première rencontre, où elle lui révèle sa vie, il doit apprendre l’humilité et la patience, en attendant leur deuxième rencontre. Son chemin de repentir, sa nouvelle ascèse, est de servir Marie en tant qu’enfant de l’Église – notamment en lui apportant la Sainte Communion – et de recevoir et accepter la vie de Marie comme grande leçon spirituelle, la faisant connaître à son entourage et au monde entier. C’est son obédience, dont l’accomplissement doit attendre l’œuvre écrite d’un autre grand disciple de Marie, le patriarche Sophrone de Jérusalem : Sceller le secret du roi est bien, révéler les faits de l’action divine est louable (To 12,7).

L’histoire de Zosime et de Marie est la réalisation d’une vision : il voit d’abord une ombre, puis une femme nue, puis une sainte, manifestation de sa propre quête spirituelle. Il lui donne sa propre robe monastique à porter, car elle est moniale sans monastère, et il l’enterre à la manière des moines, dans sa robe monastique. La guérison spirituelle de Zosime, à travers sa rencontre avec Marie, s’accomplit par étapes, qu’il accepte de suivre sans savoir où elles le mèneront. Il suit son cœur, qui lui dit que Marie est son maître et qu’il doit la servir s’il veut avancer dans la vie spirituelle. Dieu est doux (cf. Ps 33,9 et Mt 11,29-30) et cette douceur se manifeste à Zosime à travers Marie, parmi la sévérité et l’aridité du désert, et à Marie, qui de sa part reconnaît en Zosime un homme de prière et de l’Église. Dieu est doux et nous pouvons marcher dans cette douceur à la rencontre de la sainteté dans la vie de tous les jours, non seulement au désert de Palestine. Avec Zosime et Marie, nous pouvons préparer notre coeur pour la rencontre de l’Autre à travers l’autre qui se présente à nous, par le désir, la prière, le jeûne, l’épreuve, oui, par la chute et l’échec, dans lesquels nous reconnaissons notre propre faiblesse, et qui deviennent la préparation à la communion spirituelle.

Le chemin de Zosime et de Marie est abreuvé de larmes, larmes qui arrosent le désert des cœurs arides et font jaillir les plus belles fleurs. Les larmes signalent le repentir, l’union de la douleur, de l’amour et de l’espérance ; les larmes accompagnent les mouvements du cœur, l’intrusion de la joie dans la souffrance, de la lumière dans les ténèbres, de l’amour dans la solitude. Fruit de l’Esprit, les larmes signe de faiblesse dans le monde, sont une source de puissance spirituelle. La rencontre des deux solitudes du désert apporte à chacun la perfection de la guérison, l’accomplissement de la vie de chacun. Zosime signifie la reconnaissance de l’Église de la sainteté de Marie, scellée par la communion au Corps et Sang du Christ, et Marie symbolise l’accomplissement du but de l’Église, la sanctification de ses membres en Christ. Zosime et Marie donnent naissance l’un à l’autre en Christ et en l’Église ; comme dans un mariage, chacun fait l’offrande de soi à l’autre, et, ce faisant, à Dieu ; ils sont en véritable communion l’un avec l’autre, et à travers l’autre, avec le Christ. Chacun trouve dans l’autre ce qui lui manque pour atteindre à la perfection de l’amour et de la communion : Zosime, le maître qu’il cherchait et qui lui apprend celui qu’il est et ce qu’il lui manque ; et Marie, l’accomplissement du but de sa vie et de son rôle dans l’Église. C’est ainsi que toute personne, comme Zosime, apercevant la femme nue dans le désert – la nudité spirituelle du désert des cœurs humains – cherche à la suivre et à l’atteindre afin d’apprendre d’elle ce qu’il lui manque pour devenir véritable enfant de Dieu.

Paul Ladouceur et Mary Marrocco


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Dernière mise à jour : 20-05-06.


Dernière modification: 
Samedi 23 juillet 2022