Le mariage, chemin de sainteté
La Rencontre de Saint Joachim
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par le Père Alphonse Goettmann |
Au commencement de tout se trouve la rencontre émerveillée de l’homme et de la femme (Gn 2, 23). Nous ne savons pas grand’chose du paradis d’avant la chute, sinon la présence du couple que Dieu a créé à son image et pour lui ressembler. Mais déjà quelle révélation inouïe de Dieu au cœur de la vie conjugale : Dieu est rencontre de Personnes, Dieu est émerveillement devant l’Autre, extase d’Amour, et l’Homme, lui, est appelé à vivre cette ressemblance !
LE MARIAGE EN MUTATION
Aux époques de crise et de hautes turbulences comme nous en traversons, il est vital de retrouver la genèse première des choses pour se laisser illuminer par l’essence des " pourquoi " et s’enraciner dans le centre du cyclone. Ancré dans l’éternité immuable on ne se laisse plus impressionner par les vicissitudes de l’histoire, même si on est ahuri à juste titre d’y voir nié des pans entiers de l’Écriture Sainte...
L’image du couple a été brisée depuis les origines, seul le monachisme offre désormais à l’amour un chemin de sanctification, le voile est jeté sur l’horreur du sexe... Mais au commencement, il n’en était pas ainsi, dit Jésus (Mt 19, 8). L’envoûtement des atavismes ancestraux et archaïques au fond de chacun résiste donc et engloutit même sous son poids la Parole de Dieu qui appelle évidemment à une toute autre exigence. Le gnosticisme ambiant inocule au christianisme primitif, et on n’en perdra jamais la trace jusqu’à nos jours, l’antique castration . À l’icône première qu’est le couple, surgi des mains créatrices et amoureuses de Dieu, se substitue l’exaltation du célibat, le mépris de la femme, la malédiction du sexe et la permission éventuelle du mariage comme remède à la concupiscence et outil malheureux de la procréation. Ainsi le péché est inhérent à l’état conjugal et celui-ci, fatalement, ne peut donc être un chemin de sainteté ! On le voit : la Bête a profané l’amour avant qu’il n’ait porté ses fruits dans l’histoire des hommes...
Mais Dieu a jeté sa semence dès la fondation du monde, elle germe dans la profondeur des temps et met parfois de longs siècles à mûrir. Aujourd’hui ces temps semblent accomplis et favorables à une grande mutation. Peut-être nos yeux verront-ils la Lumière du premier matin de la création. Pour le moment, parce que d’un coup libéré, l’amour est encore la pâture de tous les démons de la pornographie et du commerce. Mais en plein milieu de cette ivraie on voit manifestement les signes puissamment annonciateurs de cette aurore, des foyers lumineux et rayonnants, des buissons ardents de l’amour vécu en couples saints.
Personne ne nie évidemment que cela a existé tout au long de notre longue histoire, sans doute plus qu’on ne le croie et peut-être d’autant plus que c’était une réalité persécutée... Mais la radicale nouveauté maintenant, c’est que presque tout le monde pense, même l’Église, que le mariage est un chemin de sainteté, à l’instar du monachisme et qu’il n’a rien à envier à ce dernier. Tout homme est appelé à devenir un saint et, pour atteindre cet unique but de la vie, aucune de ces voies n’est supérieure à l’autre, même si on a dit le contraire pendant longtemps dans les textes les plus officiels. Là est la culbute et l’accès à un avenir de sainteté universelle jamais vu, qui sans doute fécondera aussi un tout autre type de culture sous la crise des valeurs actuelles. Quand le pape Pie XI proclame en 1930, dans son encyclique pontificale Casti connubi, que l’amour est le but du mariage et non la procréation, qu’il est une communauté de vie pour chercher la perfection, il se fait le prophète de cet évènement tant attendu, même si à cette époque il n’y a pas encore beaucoup d’oreilles pour l’entendre.
IL N’Y À D’EXISTENCE QUE NUPTIALE
L’enfant n’est donc pas le but du mariage... Que de couples massacrés pour avoir mis l’amour au service de l’espèce ! Maintenant l’antique semence peut éclore : l’amour est, il se suffit à lui-même, la plénitude lui est inhérente. Si l’enfant surgit de cette fécondité propre, il en est le signe et la bénédiction, mais en aucun cas la nécessité ! La naissance d’un enfant extérieur devrait manifester visiblement la renaissance intérieure des deux époux à des plans de conscience toujours plus profonds. L’amour enfante les époux à leur mystérieuse identité et, ce faisant, les divinise. L’un ou l’autre des Pères ne l’ont jamais oublié en Orient, tel surtout saint Jean Chrysostome (IV°s.), avec l’amour mutuel, disait-il, l’homme et la femme sont en possession de tous les biens. Mais sans ce chemin de sainteté, le mariage peut n’être qu’une fatalité sociologique ou instinct purement animal, capable des pires profanations. Là aussi c’est un " foyer ", cette fois cependant il s’agit du feu de l’enfer dès ici-bas.
L’homme est libre : Voici que je mets devant toi la vie et la mort, choisis la vie ! (Dt 30, 19). Mais ils sont encore peu nombreux ceux qui se marient pour les mêmes raisons que ceux qui entrent dans un monastère ! Et pourtant le motif profond est identique : aimer, mourir d’amour comme le Christ sur la croix, pour ressusciter avec et en lui. Le mariage comme le monachisme pose le pari d’une radicale mutation de l’être, prodigieuse aventure où la nature même de l’homme est changée, ainsi que le Christ le signifie aux noces de Cana, lorsqu’il change l’eau en vin. Cela nécessite une ascèse de l’absolu, l’absolu de l’Évangile qui s’adresse à tout homme et non seulement aux moines. Ainsi les deux voies, mariage et monachisme, sont à ce point apparentées que le rite d’entrée d’un moine au noviciat est rempli du symbolisme des épousailles et, réciproquement, l’ancien rite du mariage conférait la tonsure monastique aux jeunes époux. C’est tout simplement qu’il s’agit de part et d’autre de vivre la même réalité, les épousailles mystiques de l’esprit avec Dieu, à travers des modalités différentes. Aux époux immergés dans le monde avec tous ses risques, le moine est simplement un rappel permanent que la vraie mesure de leur vie se trouve dans le maximalisme évangélique, et inversement, aux moines immergés dans l’ascèse et la solitude desséchantes et si souvent illusoires, le couple rappelle qu’il faut aimer Dieu comme un fiancé aime sa fiancée (s. Jean Climaque, VII°s.). Les deux voies visent la folie de l’amour de Dieu, il n’y a d’existence que nuptiale. Il en est exactement de même d’ailleurs pour le célibataire dans le monde : s’il cherche d’abord le royaume des cieux et se libère de tous les attachements, comme Jésus le conseille au jeune homme riche de l’Évangile qu’il n’envoie ni au monastère ni au mariage, tout son être s’oriente et peut s’ouvrir sur la même vocation de plénitude (Mt 19, 21). Mais c’est toujours l’amour qui définit cette consécration totale, et c’est toujours la joie qui en est le grand signe et qui authentifie tout Chemin.
LUMIÈRES ET TÉNÈBRES DE L’AMOUR
Ce qu’est l’amour au sein d’un couple, personne ne l’a encore dit et sans doute ne le fera-t-on jamais. Ce n’est pas un objet sur lequel on disserte, mais une expérience dans laquelle on entre. Seul celui qui en prend le Chemin peut descendre dans l’abîme de son mystère, mais celui-là se taira. S’il risque une parole, même s’il la porte à la limite de l’indicible, par exemple par le chant ou le poème, jamais il ne sera possible de dévoiler l’essence de l’amour mais seulement son rayonnement. Ce rayonnement lui-même est d’étrange sorte, il n’a pas les caractéristiques de la lumière d’ici-bas. La mystique juive dit que l’autre, dans le couple, c’est la " Shekhina ", la Gloire de Dieu. Le regard contemplatif voit alors au-delà des apparences de l’autre, toujours passible de nos jugements, la présence du Tout-Autre. L’amour illumine le cœur de l’être aimé et cette révélation ouvre à une connaissance jamais achevée. " Connaître ", au sens biblique, est en effet synonyme de naître à l’autre, lui devenir intérieur, l’épouser et tirer de son innocence originelle l’inédit et le jamais vu, la Beauté inaccessible à la concupiscence de l’éros ou au romantisme si éphémère. Là est le vrai visage de l’autre, son visage d’éternité. Devenir assez transparent pour communier à cette profondeur où on découvre la secrète convivialité de l’autre avec Dieu, sa Source la plus intérieure, c’est le tout de l’ascèse au sein d’un couple.
Si la reconnaissance (connaître et jubiler) du vrai visage de l’être aimé a une répercussion aussi inouïe sur celui qui le contemple, on ne parle pas pour rien du coup de foudre, c’est parce qu’il provoque soudain un face à face où chacun est révélé à lui-même au cœur de la Source commune. Cela personne d’autre ne peut le voir, c’est précisément le poids de Gloire que portent en eux les initiés de l’amour.
Mais s’il n’y a pas, sous-jacent, le dur labeur de l’ascèse, la vision s’efface, engloutie par l’usure du temps, l’ennemi mortel du quotidien, le rejet à la surface de la face des profondeurs, profanée par la banalisation. Celle-ci n’a pas de limites et le risque du mariage sans chemin spirituel, c’est d’ouvrir le gouffre infernal de la destruction réciproque. À regarder les couples, on n’a pas de mal à s’accorder rapidement sur ce point...L’enfer est devenu leur pain quotidien, un " sérieux déplorable " les a définitivement castrés. Sören Kierkegaard, ce grand philosophe du siècle dernier, pensait que le mariage était un assoupissement dans un sommeil de mort. Par l'amour d’une jeune fille, dit-il, on devient génie, héros, poète ou saint, mais par le mariage d’une femme on devient conseiller de commerce, général, père de famille... Le roi de Mésopotamie s’est marié et maintenant il est épicier à Copenhague ! (Cité par P. Evdokimov dans Le sacrement de l’amour, DDB, p.156.)
S’ABREUVER AU TOURBILLON ROUGE QUI SORT DU PRESSOIR
La grâce du sacrement de mariage relève justement ce défi-là : par elle l’épicier de Copenhague garde non seulement sa royauté, mais il en découvre son l’infinie majesté. La femme, elle, ne garde pas une beauté de jeune fille, très vite flétrie, mais s’achemine vers la virginisation de son être et naît à l’éternelle jeunesse, lieu de toute fécondité, que l’on soit poète ou conseiller de commerce !
Le but de l’homme n’est pas de devenir génie ou héros " par la grâce d’une jeune fille ", mais de devenir dieu par un co-être avec la femme. Dès l’origine Dieu crée l’Homme dans une consubstantialité conjugale, homme et femme, une seule chair, pour être à son Image. C’est la tentation démoniaque qui a introduit la scission. Maintenant, depuis la chute, le sens du couple c’est de redevenir une seule chair, une nature en deux personnes, comme Dieu est une nature en trois Personnes. Cette union des deux époux jusqu’à la ressemblance avec Dieu fait que leur Chemin est un témoignage vivant de la gloire divine. Leur amour est un rayonnement de cette gloire (Jn 17, 22-23), une théophanie, manifestation de Dieu, parce que là où deux ou trois sont réunis en mon nom, je suis au milieu d’eux (Mt 18, 20). Le " milieu ", c’est la relation des amoureux, dans l’intimité des deux la présence du grand Troisième. Quand le couple est sans amour et sans Chemin spirituel, la relation est un vide dans lequel la chute originelle se réitère sans cesse, géhenne de leurs défaillances, chambre des tortures réciproques. Mais dès que, par la prière et l’amour, la grâce s’active, la relation c’est Quelqu’un au " milieu " des deux, mais aussi au " milieu " du cœur de chacun. Aimer c’est donner son cœur, mais c’est donc aussi en même temps donner Dieu l’un à l’autre. Ce n’est qu’à ce contact brûlant que les poisons et le fiel de la condition infra-humaine et si souvent bestiale du vieil homme sont progressivement évacués.
Une telle transmutation n’est pas possible tout seul et mieux vaut dans ce cas ne pas se marier. Si le Messie a manifesté pour la première fois sa Gloire à l’humanité pendant des noces à Cana, c’est bien pour montrer qu’il est, lui, l’Auteur de l’impossible. Pour des époux unis en Christ l’amour est miracle. Il a la capacité interne de transformer l’eau du quotidien, plate, inodore et sans saveur en vin destiné à la joie ivre de l’Esprit. Ce don du Christ aux époux fait d’eux une église domestique où, par leur sacerdoce royal, ils célèbrent continuellement le passage des passions naturelles, symbolisées par l’eau, en fruit juteux de la vigne. Immense combat où l’on paye le prix de la vie, arrachement aux limites quotidiennes et à la pesanteur du péché. Mais la vie n’est vivante que par ce combat. Progresse-t-on sans obstacle sur le Chemin ? Donne ton sang et reçois l’Esprit, disaient les Anciens. Le raisin est arraché, écrasé et se transmue par la fermentation seulement . Mais à ce tourbillon rouge qui sort du pressoir les amoureux s’abreuvent tous les jours. La soif de l’être aimé est si forte, dit Grégoire de Nysse (IV°s.), qu’il ne se satisfait pas de la coupe, mais au cellier il applique sa bouche à même les cuves qui débordent d’un vin enivrant. Dans ce combat l’ascèse et la mystique se confondent, leur source commune sort du côté transpercé du Christ sur la croix, fondement de tout amour.
Ainsi le mystère nuptial inscrit dans la banalité de l’aujourd’hui des époux sa dimension profondément pascale et son essence eucharistique. L’amour devient alors un chant secret qui liturgise toute la vie des amants : tout dans leur vie est sacrement, cela veut dire que le Christ est présent et s’exprime dans tout geste, dans le regard de l’un vers l’autre, le sourire, la parole, une caresse... Non pas que l’autre soit un piédestal pour mieux rencontrer le Christ – oh sainte horreur !- au contraire, c’est seulement dans le Christ que l’autre trouve son vrai visage, mais aussi inversement, c’est seulement dans l’autre que le Christ s’incarne aujourd’hui et peut me devenir tangible.
LE CHRIST UNIQUE FIANCÉ
Ce mystère est grand, dit saint Paul, car il fait entrer le couple dans l’expérience de l’amour que le Christ a pour l’Église. On le voit : la grandeur de ce mystère ne cesse de s’approfondire et de nous révéler d’autres dimensions, ce sont les étapes du chemin conjugal. Plus les époux deviennent un dans leur amour, plus ils découvrent aussi qu’ensemble ils sont face au Christ comme unique Fiancé et Époux de chaque homme et de l’humanité toute entière. Par le sacrement de mariage, le couple épouse le Christ. Il n’y a pas de dualité un peu schizophrène qui viendrait compliquer la relation amoureuse : c’est en s’aimant l’un l’autre que les époux aiment le Christ. L’amour est un. C’est cela qui fait de leur maison une petite église, comme dit saint Jean Chrysostome (IV°s.), où se célèbre constamment l’offrande totale de leur être conjugal à Dieu. Parce que cet amour se traduit forcément dans les petits détails de l’ici et maintenant, cet instant si " ordinaire ", sous la poussée de l’étreinte divine, s’ouvre sur son au-delà étincelant de gloire et vient trouer l’absurde et le néant d’un espace de lumière, de joie inconnues qui disent : " tu ne mourras pas ! "
Dans la mesure où chacun en particulier, dans le couple, approfondit son amour, dans cette mesure là aussi il transfigure peu à peu son opacité physique et psychique pour naître enfin à son propre mystère, à son identité profonde que l’on appelle " personne ". C’est le tout du Chemin spirituel : passer de notre nature extérieure, biologique et animale à la naissance de notre personne, le mystère de notre être profond, ce " lieu " de nos racines où chacun peut dire " Je " vraiment, sans fards, ce " Je " qui sort à chaque instant de Dieu comme le ruisseau de la source. Dieu seul, en effet est Personne d’une façon absolue, nous ne le sommes que par participation à la Sienne. Au plus intime de mon " Je " repose son " Je " à lui qui me désire et me suscite à la vie. Si j’apprends à entrer dans cette relation, à lui dire " Toi " et à grandir sans cesse dans son Amour, je nais à moi-même par la communion à lui. De cette profonde osmose sourd ma personne et, par là, peu à peu se construit mon visage, qui est le " masque " du Christ. Étrangement le mot " masque " traduit le sens grec et latin du mot " personne ". L’homme qui n’est pas né à sa personne n’a pas encore de visage ; en son lieu se trouve un chaos informe, une absence ou parfois le masque de la Bête, comme dit saint Grégoire de Nysse (IV°s.). Notre visage n’existe donc vraiment que par participation au visage du Christ, c’est le rayonnement de sa Présence. Le visage est alors habité, il laisse par ce rayonnement trans-paraître Quelqu’un qui fait tomber tous les faux masques et m’affirme en lui comme un être unique.
LE CIEL À LA PORTÉE DE LA MAIN
C’est pourquoi, à travers le visage, c’est la personne qui s’offre à l’autre et en même temps elle restera toujours imprenable et inaccessible dans l’infinitude de son mystère . Le visage est le lieu du rendez-vous où se célèbre la rencontre. Mais celle-ci s’évanouit à l’instant même où l’un des deux cherche une emprise sur l’autre ou exerce un pouvoir sur lui, le visage de l’autre est alors dévisagé, il se chosifie et devient un désert, son intériorité lumineuse disparaît au regard clos sur lui-même, la relation se brise dans l’enfer de la solitude à deux .
À l’inverse, la communion, l’expérience de la rencontre n’est possible qu’entre deux personnes. Même dans l’étreinte deux corps restent toujours extérieurs l’un à l’autre, leur sommet est le tressaillement ; pareillement, deux âmes n’ont pas en elles la capacité de compénétration, un psychisme sera toujours extérieur à un autre psychisme, leur sommet est seulement l’harmonie : construire ensemble une maison, s’accorder pour élever les enfants, aller voir à deux le même film... Beaucoup de couples en restent là, parce que tout simplement ils n’en savent pas plus ou n’ont jamais pris les moyens pour naître à eux-mêmes : ils peuvent rester des décennies ensemble sans s’être jamais rencontrés !
Seule la personne, comme un esprit, peut pénétrer une autre personne, entrer en fusion sans confusion, ou plutôt communier, devenir un : rencontre où alors le corps et l’âme acquièrent eux aussi la capacité de transparence et s’unifient pour devenir une seule chair (Mt 19, 5). Cette rencontre est toujours transformante, elle fait naître chacun à son propre mystère, à son être unique et différent ; et plus il est différent moins il est indifférent à l’autre. C’est peut-être dans cette expérience que l’amour dévoile un peu son secret qui est la grâce de devenir intérieur l’un à l’autre, de découvrir dans cette réciprocité nuptiale qu’il n’y a plus que pure relation et qu’on éprouve alors paradoxalement l’abolition de la relation elle-même : " Tu es Moi ". Extase, vide de soi qui appelle la plénitude, ivresse mystique où l’étreinte de l’autre et du Tout-Autre sont une et même réalité. C’est seulement en Dieu que le bien-aimé révèle ainsi toute sa splendeur et que l’amour tire de son tréfonds des trésors enfouis et ignorés par lui-même. Ce visage de beauté qui ruisselle de Lumière divine transforme les amoureux en contemplatifs, ils voient dans le bien-aimé, comme dit saint Paul : ce que nul œil n’a jamais vu. C’est le surgissement visible de ce qui est invisible, le ciel ouvert sous leurs yeux, mais aussi à la portée de leurs mains, le ciel à la portée d’une caresse, du geste de tendresse, car la rencontre du visage fait du corps tout entier le Temple de Dieu, la chair du Christ.
Article paru dans Le Chemin, no. 46 (2000).
Reproduit avec l’autorisation
de Père Alphonse Goettmann et Le Chemin.
Introduction aux Pages du Mariage et
de la Vie Chrétienne dans le Monde