Prières et offices

Présentation du Christ - Homélies et Commentaires

Présentation du Christ au Temple (2 février)

Fresque de Léonide Ouspensky
Église des Trois Saints Hiérarques, Paris


HOMÉLIES ET COMMENTAIRES

    L'ÉVANGILE DU JOUR AVEC LES PÈRES DE L'ÉGLISE
    MÉDITATION SUR LA FÊTE AVEC LE PÈRE LEV GILLET
    LA PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE PAR LE PÈRE DORENLOT
    LA SAINTE RENCONTRE PAR LE PÈRE BORIS BOBRINSKOY
    LA SAINTE RENCONTRE ET LE CANTIQUE DES CANTIQUES PAR LE PÈRE PLACIDE DESEILLE
    LE CHANDELEUR PAR LE PÈRE PLACIDE DESEILLE 

OFFICES ET LITURGIES

ICÔNE DE LA FÊTE


L'ÉVANGILE DU JOUR AVEC LES PÈRES DE L'ÉGLISE

Saint Cyprien de Carthage
(v. 200-258)

 

 

 

 

« Le Royaume de Dieu est proche » (Lc 21,31). Le Royaume de Dieu, très chers frères, approche désormais. Avec la fin du monde s'annoncent déjà la récompense de la vie, le bonheur du salut éternel, la sécurité perpétuelle et la joie du paradis que nous avons jadis perdue. Et déjà les réalités du ciel succèdent aux réalités humaines, les grandes aux petites, les éternelles aux temporelles. Y a-t-il lieu de s'inquiéter, d'appréhender l'avenir ?...

En effet, il est écrit que « le juste vit de sa foi » (Rm 1,17). Si vous êtes justes, si vous vivez de la foi, si vous croyez vraiment en Jésus Christ, pourquoi ne vous réjouissez-vous pas d'être appelés vers le Christ..., puisque vous êtes forts de la promesse de Dieu et destinés à être avec le Christ ?

Prenez l'exemple de Syméon, le juste : il a été vraiment juste et a observé fidèlement les commandements de Dieu.

Une inspiration divine lui avait appris qu'il ne mourrait pas avant d'avoir vu le Christ, si bien que lorsque le Christ enfant est venu au Temple avec sa mère, il a réalisé, éclairé par l'Esprit Saint, que le Sauveur était né, comme il lui avait été prédit ; et à sa vue, il a compris que sa mort était imminente.

Tout joyeux de cette perspective et sûr désormais d'être prochainement rappelé auprès de Dieu, il a pris l'enfant dans ses bras et s'est exclamé en bénissant le Seigneur :

« Maintenant, Souverain Maître, tu peux, selon ta parole, laisser ton serviteur s'en aller en paix, car mes yeux ont vu ton salut ».

Il prouvait ainsi et il témoignait que la paix de Dieu appartient bien à ses serviteurs, qu'ils jouissent des douceurs de la quiétude et de la liberté lorsque, soustraits aux tourments du monde, ils gagnent le refuge et la sécurité éternels...

C'est alors seulement que l'âme trouve la paix véritable, le repos total, la sécurité durable et perpétuelle.


Saint Ambroise de Milan
(340-397)

 

 

 

 

Siméon bénit Dieu de ce que surtout les promesses qui lui avaient été faites, avaient reçu leur plein accomplissement, car il mérita de voir de ses yeux et de porter dans ses bras celui qui était la consolation d'Israël, c'est pour cela qu'il dit: « Selon votre parole », c'est-à-dire, lorsque j'aurai vu l'accomplissement de ce qui m'a été promis. Mais maintenant que j'ai contemplé la présence visible de celui qui était l'objet de mes désirs, vous pouvez délivrer votre serviteur qui ne sera ni effrayé des approches de la mort, ni troublé par aucune pensée de défiance ou d'incertitude; aussi ajoute-t-il: « En paix ».


Saint Grégoire de Nysse
(v.335-v.395)

 

 

 

 

Dès que Jésus-Christ a détruit le péché qui nous rendait les ennemis de Dieu et qu'il nous a réconciliés avec son Père, les saints quittent cette vie dans une profonde paix. Quel est celui, en effet, qui sort de ce monde en paix, si ce n'est celui qui a compris que Dieu était en Jésus-Christ, se réconciliant le monde ( 2Co 5 ), qui n'a rien en lui de contraire à Dieu, mais qui, par ses bonnes œuvres, a établi dans son âme une paix parfaite?

Bienheureux les yeux et de votre âme et de votre corps, ceux-ci, parce qu'ils ont joui de la présence visible de Dieu; ceux-là, parce que sans s'arrêter à ce spectacle visible, ils ont été éclairés des splendeurs de l'Esprit et ont reconnu le Verbe de Dieu dans une chair mortelle, car ce Sauveur que vos yeux ont vu, c'est Jésus lui-même, dont le nom seul annonce le salut à la terre.


MÉDITATION SUR LA FÊTE

avec le père Lev Gillet

D’après la loi de Moïse (Lv 12, 2-8), la mère d’un enfant mâle devait, quarante jours après la naissance, présenter l’enfant devant le tabernacle et offrir en holocauste, comme purification " de son flux de sang ", soit un agneau soit une paire de colombes ou de pigeons. La présentation d’un enfant premier-né avait aussi le sens d’un rachat, car tout premier-né, aussi bien animal qu’humain, était considéré comme appartenant à Dieu (Nb 18, 14-18). Marie et Joseph obéirent à ce précepte de la loi. Ils apportèrent au Temple Jésus qui fut béni par le vieillard Siméon et reconnu comme sauveur par la prophétesse Anne. C’est cet événement que nous célébrons dans la fête du 2 février (1).

Aux vêpres de la fête, le soir du 1er février, on lit trois leçons de l’Ancien Testament. La première (Ex 13, 1-16) formule les préceptes relatifs à la circoncision et à la purification, mis dans la bouche de Dieu parlant à Moïse. La deuxième (Is 6, 1-12) décrit la vision des séraphins aux six ailes par Isaïe et la manière dont un des séraphins, avec un chardon ardent, purifia les lèvres du prophète ; ce passage a vraisemblablement été choisi à cause de quelques paroles qui pourraient symboliquement préfigurer la venue du Christ dans le Temple : " Les gonds du seuil vibraient… et le Temple se remplissait de fumée… et mes yeux ont vu le Roi, le Seigneur des Armées ". La troisième leçon (fragments du chapitre 19 d’Isaïe) ne se comprend bien que si on lit le chapitre tout entier : on voit alors que la venue du Seigneur en Égypte, la destruction des idoles égyptiennes en sa présence, et son adoration pas les Égyptiens peuvent s’appliquer à la révélation que le Christ a faite de lui-même aux païens, (" lumière pour éclairer les nations ", comme dit le cantique de Siméon.) L’évangile lu à matines (Lc 2, 25-32) est un abrégé de celui qui est lu à la liturgie (Lc 2, 22-40) et qui relate la présentation de Jésus au Temple. L’épître de la liturgie (He 7, 7-17), parle de Melchisedek rencontrant Abraham ; déjà Lévi a payé la dîme à Melchisedek " en la personne d’Abraham… car il était dans les reins de son aïeul… " ; le sacerdoce aaronique rendait ainsi hommage au sacerdoce éternel ; de même, pouvons-nous inférer de ce texte, que le Temple de Jérusalem, en la personne de Siméon qui accueille et bénit Jésus, rend hommage au sacerdoce du Christ. On sait que le cantique de Siméon, " Laisse maintenant, Seigneur, ton serviteur s’en aller en paix ", est devenu un élément de l’office divin quotidien, à Rome comme à Byzance. La phrase de Siméon (2) à Marie, " un glaive te transpercera l’âme… ", jette un rayon de lumière sur le mystère de la participation de la Très Sainte Vierge à la Passion de son Fils.

" Allons, nous aussi… à la rencontre du Christ et accueillons-le, ornez votre chambre… et recevez le Christ Roi… Et accueillez Marie la porte du ciel ". Ces chants de la fête de la Présentation s’appliquent aussi à notre âme. Chaque âme devrait être un Temple de Dieu, où Marie apporte Jésus. Et chacun de nous, comme Siméon, devrait prendre l’enfant dans ses bras et dire au Père : " Mes yeux ont vu ton salut. La prière de Siméon, " laisse ton serviteur s’en aller en paix ", ne signifie pas seulement que celui qui a vu Jésus et l’a tenu dans ses bras peut maintenant quitter cette vie, mourir en paix. Elle signifie encore pour nous que, ayant vu et touché le Sauveur, nous sommes délivrés de la servitude du péché et nous pouvons nous éloigner en paix du royaume du mal.


Notes

(1) Cette fête existait à Jérusalem dès la première moitié du Ive siècle. L'empereur Justinien 1er l'introduisait en 542 dans tout l'empire byzantin. Nous la trouvons célébrée à Rome au VIIe siècle. En Orient, la Présentation (ou, selon le terme grec, la " rencontre ") est considérée comme une des fêtes de notre Seigneur. En Occident, c'est plutôt une fête de la sainte Vierge ; on la nomme généralement " Purification de la bienheureuse Vierge Marie ". L'usage latin de bénir des cierges le 2 février date du XIe siècle.

(2) Nous ne savons pas qui était Siméon, pas plus que nous ne savons qui était Anne. Il est possible que Siméon ait été un fils du célèbre rabbin Hillel et le père du pharisien Gamaliel que mentionne, plutôt avec sympathie, le livres des Actes (5, 34). Certains textes rabbiniques pourraient être interprétés dans ce sens. Il est aussi possible que Siméon ait eu deux fils, Gharinus et Leucius, dont parle l'évangile apocryphe de Nicodème. Mais nous n'avons pas l'ombre de certitude historique à ce sujet.

Extrait du livre L'An de grâce du Seigneur,
signé "Un moine de l'Église d'Orient",
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.


LA PRÉSENTATION DU CHRIST AU TEMPLE

par le père Durenlot

Homélie prononcée en 2002 pour la Sainte Rencontre

L’Épitre aux Hébreux rapporte au Christ cette prophétie du Psalmiste : « J’ai dit, me voici, [...] je viens, ô Dieu, pour faire ta volonté. (1) »

C’est par les bras de Sa mère que Jésus accomplit la prophétie. Selon la Loi les parents de tout fils premier-né (2) devaient accomplir un sacrifice au temple pour son rachat. Mais Marie

présente aussi son fils au temple, alors que la Loi ne le demandait pas expressément. C’est que Jésus, dès l’aurore de son existence, se devait d’être présenté à Son Père céleste, comme gage de faire Sa volonté. De plus, pour la Mère de Dieu et Joseph, qui savaient que Jésus avait été conçu du Saint-Esprit, qu’Il était le Fils du Très-Haut et le Saint de Dieu, il fallait qu’Il soit mené au temple, la maison de son Père.

Jésus est mené au temple dans le contexte sacrificiel du rachat d’un premier-né. Mais Jésus, offert par Sa Mère, s’offre Lui-même à Son Père en une offrande digne de Lui. Dans sa venue au temple, c’est Son propre sacrifice que Jésus annonce. Jésus présente dès ce moment Sa vie offerte en sacrifice pour le rachat de Son peuple et celui des nations. Jésus, qui est et qui sera toujours sans aucun péché, vient se présenter au temple en sacrifice de substitution pour les péchés de Son peuple et du monde entier. Car c’est la volonté de Son Père qu’Il rachète tous nos péchés et en premier de ceux d’Israël qui est aussi le premier-né du Seigneur.

Survient la rencontre avec le vieillard Syméon. Syméon récapitule en lui l’espérance d’Israël. Il fait partie de ces pauvres d’Israël qui attendaient la consolation du Seigneur. Averti par l’Esprit Saint, il sait qu’il ne mourra pas sans avoir vu le Salut de Dieu. Poussé par l’Esprit, il monte au temple au-devant de Jésus et de Sa Mère, il reconnaît immédiatement l’enfant, le prend dans ses bras et prophétise : « Maintenant, Maître, Tu peux selon ta parole laisser aller en paix ton serviteur, car mes yeux ont vu ton salut... » C’est le cri de Job quand Dieu se révèle à Lui : « Maintenant mes yeux T’ont vu. (3) » C’est bien le Saint de Dieu que Syméon porte dans ses bras, « lumière pour éclairer les nations et gloire de ton peuple Israël. » Syméon voit dans ce nouveau-né la réalisation de la prophétie prononcée par Zacharie à la naissance du Baptiste : « Béni soit le Dieu d’Israël, de ce qu’il a visité et délivré son peuple et nous a suscité une puissance de salut dans la maison de David son serviteur, selon qu’il l’avait annoncé. (4) »

En ce jour, Syméon ainsi que la prophétesse Anne reconnaissent en Jésus l’Oint du Seigneur, le Messie et Sauveur attendu depuis des siècles, Celui en qui toute chair verra le salut de Dieu, non seulement en Israël mais jusqu’aux confins de la terre et dans toutes les nations. Mais Celui que Syméon tient dans ses bras et sur lequel il prophétise est plus encore qu’un Messie : Il est véritablement le Saint de Dieu, le Fils du Très-Haut, en qui, dira saint Paul, réside corporellement toute la plénitude de la divinité (5). En ce nouveau-né Jésus, c’est Dieu lui-même qui vient prendre possession de Sa maison, de Son peuple et à travers eux du monde entier.

Dés lors, la Présentation au temple de Jésus, la rencontre avec Syméon, bouleversent la vie d’Israël et l’ordre du monde. Car Jésus, entrant dans le temple, abroge l’ordre ancien du sacerdoce d’Aaron et institue un sacerdoce radicalement nouveau. À l’image prophétique de Melchisédech – ce roi et prêtre sans origine ni généalogie humaines, qui reçut la dîme d’Abraham et lui conféra sa bénédiction – Jésus, qui n’était de lignée ni lévitique ni aaronique mais de la tribu de Juda, est présenté au temple pour instituer en Sa Personne un sacerdoce totalement nouveau qui abolisse l’ancien et fasse dans le monde toutes choses nouvelles.

Ce nouveau-né de quarante jours vient au temple comme Grand-Prêtre d’un culte nouveau, pour configurer le monde à l’image d’une terre et de Cieux également nouveaux. D’ores et déjà ; Il introduit dans le monde un culte pur à l’image de la Liturgie céleste dont Il est le Grand-Prêtre de toute éternité. Et déjà, dans les bras de Syméon, la Jérusalem céleste brille comme un charbon ardent. La Présentation au temple et la Rencontre avec Syméon manifestent la volonté du Père pour Jésus. À la fois, le Seigneur se présente comme la victime sacrifiée dès avant la Création du monde pour le rachat des péchés et pour le salut du peuple de Dieu et du monde entier ; à la fois, Jésus se présente comme l’Unique Grand-Prêtre dont le sacerdoce transcende de toute éternité ce monde-ci et le monde à venir.

Syméon reçoit dans l’Esprit-Saint cette révélation. Mais de même que Moïse en ses derniers jours n’a pu accéder à la Terre Promise mais seulement la contempler du haut du Mont Nébo, de même Syméon, après avoir entrevu la Gloire de l’enfant que lui confiait sa Mère, demande au Seigneur d’entrer dans Sa paix. Ce jour-là un temps était révolu, un temps nouveau apparaissait.

Le mystère de la Présentation du Christ ne s’arrête pas là. Jésus ne cesse de toujours venir à notre rencontre.

Il continue de venir à nous dans l’Église dont Il est la Tête, de venir à nous dans les sacrements de Son saint Corps et de Son saint Sang. Il vient encore à nous dans la présence de nos frères.

Il vient à nous dans l’espérance de nos prières. Il est présent dans tous les événements qui nous touchent, à tout moment de nos vies. Jésus est Celui qui vient éternellement au-devant de nous.

Alors, nous aussi, allons résolument vers Lui et proclamons tous à notre tour : « Me voici ! Seigneur, je viens, ô Dieu, pour faire Ta volonté. »

Amen.


Notes

(1)  cf. épître aux Hébreux X, 7-9. Saint Paul évoque sans doute les Psaumes 39 (40) et 49 (50).

(2)  Voir notamment le livre de l’Exode XIII, 2 ; 12-15 et 22-29.

(3)  Voir Job 42, 5.

(4)  cf. évangile selon saint Luc I, 68-70.

(5)  Épître aux Colossiens II, 9.

Médecin d’origine protestante, le père René Dorenlot a passé une partie de sa jeunesse à Madagascar, où il a rencontré son épouse Karin. De retour en France, sa recherche spirituelle l’a conduit la cathédrale Saint-Alexandre-Nevski. C’est le Père Pierre Struve qui l’a chrismé en 1965, à la Crypte. Il été cinq ans le diacre de Père Boris Bobrinskoy auquel il a toujours témoigné de la reconnaissance pour l’enseignement solide qu’il lui a dispensé. Il été ordonné prêtre en 1978. Père René a continué à exercer comme médecin tout en en assumant son sacerdoce. Que le Seigneur bénisse Père René, son épouse Karin et toute sa famille!

Source : Accueil (saintsymeon.fr) Feuillet no. 57


LA SAINTE RENCONTRE

par le père Boris Bobrinskoy

Homélie prononcée en 1998

Au nom du Père et du Fils et du Saint Esprit,

Cette fête de la Sainte Rencontre s'appelle aussi Présentation au Temple de Jésus. Selon les prescriptions judaïques, on portait au Temple les enfants au huitième jour et au quarantième jour de leur naissance. Ce geste rappelle l'évènement historique de la consécration des premiers-nés mâles  d'Israël  pour  échapper  au  glaive  de  l'Ange exterminateur, lors du départ d'Égypte. Depuis on marquait le premier nouveau-né mâle d'une bénédiction spéciale en l'introduisant au Temple. L'Église a hérité du judaïsme cette période quarante jours pendant laquelle des prières sont dites pour l'enfant nouveau-né.

Ce moment de présentation, je dirais même d'offrande, de l'enfant divin au Temple a un sens symbolique et spirituel profond. Car apporter au Temple signifie offrir à Dieu pour toujours. Or l'enfant était repris par ses parents. Il s'opérait donc une sorte de substitution que le Seigneur lui-même indique de faire. Au lieu de l'enfant, au lieu d'un sacrifice humain, le Seigneur ordonne d'offrir un agneau mâle, sans tache, ou bien deux tourterelles, ou deux colombes, comme il est dit dans l'Évangile. Ainsi l'offrande est agréée par Dieu et la bénédiction de Dieu revient sur celui qui est présenté et ensuite repris par ses parents.

Il faut souligner que ce qui n'était que figure dans l'Ancienne Alliance devient réalité pour tous les temps et pour tous les lieux avec l'Incarnation. L'offrande de jésus a valeur absolue. Elle révèle la loi de la relation de Dieu et de l'homme. Une loi d'amour, parce que Dieu nous aime. « Dieu a tant aimé le monde, dit l'évangile de Jean, qu'il a envoyé son Fils unique » (Jn 3,16). Dieu a offert ce qu'il avait de plus précieux. Figure aussi de cet amour et annonce de ce qui devait se faire de manière concrète, sacrifice d'Isaac par Abraham dans l'obéissance à Dieu.

Quand Dieu offre son Fils, il offre ce qui est à Lui et ce qui lui revient. C'est pourquoi nous pouvons rapporter les paroles de l'Eucharistie au geste de Marie et de Joseph présentant Jésus au Temple : « Ce qui est à toi, le tenant de toi, nous te l'offrons en tout et pour tout. » C'est une offrande parfaite et en même temps l'annonce du sacrifice rédempteur de Jésus. Jésus est offert à Dieu et il lui appartient dorénavant. Il le rappellera à ses parents lorsqu'ils le retrouveront au Temple justement, à l'âge de 12 ans : « Ne savez-vous pas que je dois être aux choses de mon Père ? » (Lc 2,49). Marie ne fait que rendre à Dieu ce qui lui appartient, ne fait qu'inaugurer le mouvement d'offrande qui est celui de Jésus lui-même au cours toute son existence. Chaque instant de sa prière, chaque respiration, chaque battement du cœur de Jésus est une offrande constante au Père. Il est entièrement tourné vers lui sans jamais regarder en arrière. C'est ainsi qu'il accomplit la volonté entière et totale du Père « qui a tant aimé le monde ». C'est dans cette unité avec le Père que Jésus vient vers nous, abandonnant pour ainsi dire les demeures célestes, se défaisant de sa gloire divine et acceptant de se livrer, selon la volonté du Père.

Une parole de l'Épitre aux Hébreux (Hb 10, 5-10) cite un verset de psaume en le rapportant au Christ : « C'est pourquoi le Christ en entrant dans le monde dit : tu n'as voulu ni sacrifice ni offrande ». Les sacrifices de l'ancienne Alliance ne peuvent opérer véritablement la sanctification. Ils accordent une purification des péchés, mais une purification provisoire et le péché revient toujours. Ces sacrifices sont continuellement à refaire. Dans certains psaumes, Dieu dit : « J'en ai assez de vos sacrifices et j'ai la nausée de la fumée de vos viandes qui brûlent et montent vers moi ». Lorsque ces sacrifices ne s'accompagnent pas d'un cœur pur, d'un cœur rempli d'amour, ils n'atteignent pas Dieu, comme le sacrifice de Caïn ne montait pas vers Dieu.

Voilà pourquoi le Christ refuse sacrifice et offrande. « Tu n'as voulu ni sacrifice ni offrande, mais tu m'as façonné un corps. Tu n'as demandé ni holocauste, ni sacrifice pour le péché. Alors j'ai dit voici je viens accomplir, mon Dieu, ta volonté » (Ps 39, 7-9). C'est une parole éternelle qui résonne dans ce texte, une parole qui traverse les cieux, comme un murmure que le Fils murmure en réponse à son Père qui l'envoie dans le monde : « Voici, je viens pour faire ta volonté. »

Aujourd'hui, jour de la Présentation au Temple, cette parole est aussi présente. Bien sûr, humainement, Jésus n'est pas encore conscient, mais la réalité divine en lui nourrit sa conscience humaine d'une manière mystérieuse, de sorte que sa conscience humaine est toujours orientée, animée par son union hypostatique totale avec le Père. « Voici, je viens pour faire ta volonté. » Chaque souffle de Jésus sera d'une manière ou d'une autre, un oui au Père, une offrande permanente au Père qui culminera dans le sacrifice de la Croix.

Pour nous le baptême est une offrande de notre personne à Dieu. Lorsque nous disons "oui" au baptême, lorsqu'on introduit les nouveaux baptisés dans le sanctuaire, c'est toujours une offrande à Dieu. Depuis, nous appartenons, tous, au Seigneur. Nous devons le comprendre et l'accepter sans réserve. Notre moi tout entier, notre existence, nos désirs, nos besoins, tout appartient au Seigneur, tout doit être illuminé, béni par la présence de l'Esprit Saint. Cela signifie que nous ne devons pas craindre de nous offrir, dans nos joies et dans nos peines, dans nos certitudes et dans nos incertitudes ; nous ne devons pas craindre d'offrir nos enfants, tous ceux que nous aimons et ceux que nous aimons moins au Seigneur et mettre tout dans le creuset de son amour. Parce que de là s'écoule sur ceux qui sont offerts, comme sur le pain et le vin de l'Eucharistie qui sont offerts, la grâce puissante de l'Esprit qui transforme le pain et le vin ordinaires en Corps et en Sang du Christ. De même, nous tous qui offrons au Seigneur dans cette eucharistie et dans la prière que « nous offrons les uns les autres et toute notre vie au Christ notre Dieu », – comme le dit le diacre à la fin de toute litanie – nous sommes bénis et transformés par la grâce du Saint-Esprit. Il faut mettre en pratique les mots de cette prière, particulièrement lorsque nous avons des difficultés, des deuils, des tristesses, incertitudes ou soucis. Nous devons confier totalement nos angoisses et nos larmes au Seigneur pour qu'Il fasse descendre son Esprit sur eux. Alors dans le sentiment que nous ne sommes pas seuls dans le monde et que nous nous tenons dans les mains aimantes de Dieu, les cieux s'éclairent, les nuages se dissipent, la lumière revient avec la paix et la joie.

C'est pourquoi la fête d'aujourd'hui est pour nous source d'une grande joie. La joie de comprendre que ce que nous offrons au Seigneur ne résulte pas pour nous en une privation, en une mutilation de ce que nous avons de plus cher ni même en un sacrifice pour apaiser un Dieu courroucé, mais qu'au contraire ce que nous offrons nous revient béni et transformé. Car Dieu est un Dieu d'amour et l'offrande qu'il attend est celle de notre cœur. Avec ce geste simple et de chaque instant, la grâce de Dieu nous pénètre, nous fortifie et nous rend capables de rayonner autour de nous la béatitude des enfants de Dieu. Dieu nous donne à nous tous d'être ainsi offerts et d'offrir à Dieu ce qui est à lui et qui vient de lui.

Amen.

Source :  Accueil (saintsymeon.fr) Feuillet no. 111.


LA SAINTE RENCONTRE ET LE CANTIQUE DES CANTIQUES

par le père Placide Deseille

Homélie prononcée en 2000

La fête de la Sainte Rencontre exprime la rencontre du peuple d'Israël et du Seigneur. Non pas, hélas ! de tout le peuple d'Israël, mais de ce reste d'Israël qu'annonçaient les prophètes. De ce reste composé des pauvres d'Israël, ces pauvres qui sont aujourd'hui: la Vierge Marie, Mère de Dieu, saint Joseph, les vieillards Syméon et Anne. Oui, ces pauvres d'Israël sont vraiment, peut-on dire, le noyau primitif de l'Église. C'est par eux que se réalise la soudure entre l'ancien Israël, dont une grande partie, malheureusement, ne va pas recevoir le Seigneur, – « Il est venu parmi les siens et les siens ne l'ont pas reçu » (Jn 1, 11). – Mais ce n'est pas tout Israël qui l'a refusé, loin de là ! Et ces pauvres d'Israël que nous contemplons aujourd'hui, l'accueillent de toute leur âme.

Cette scène a été représentée de différentes façons par les iconographes. C'est toujours le même thème qui est reproduit, mais tantôt l'Enfant Jésus est représenté encore dans les bras de la Mère de Dieu, tantôt dans les mains de Syméon. Il y a même des icônes où l'Enfant se serre contre sa Mère, comme s'il avait un peu peur d'être saisi par Syméon! Ou plutôt, parce qu'il entrevoyait la Croix, qui se dressait au terme de cette Rencontre. Il y en a d'autres qui représentent l'Enfant Jésus, déjà dans les bras de Syméon, serré contre son cœur; c'est celle, je crois, qui peut toucher le plus notre cœur. Il en est une de ce genre, en particulier, une très belle icône, qu'une de nos fidèles a reproduite il n'y a pas très longtemps pour notre monastère, qui représente l'Enfant Jésus dans les bras de Syméon, avec l'attitude que l'Enfant Jésus a dans les icônes de la Vierge de Tendresse, se serrant contre Syméon. Cette icône illustre à merveille, me semble-t-il, une très belle homélie qui a été composée par un auteur cistercien de notre Moyen-Âge français. Une homélie où cet auteur, pénétré de la pensée d'Origène et de la grande tradition de l'exégèse patristique, contemplait la scène de la Sainte Rencontre en projetant sur elle les images du Cantique des Cantiques dont les moines de cette époque aimaient tant nourrir leur contemplation. Cet auteur voit dans l'Enfant Jésus se serrant sur la poitrine de Syméon, ce « sachet de myrrhe» dont parle le Cantique (cf. Cant. 1, 3), ce sachet parfumé qui n'était autre que le Bien-Aimé lui-même, que la bien-aimée du Cantique serrait contre sa poitrine. Et cet auteur, considérant le Nom même de « Christ », qui signifie: « Celui qui a reçu l'onction », « Celui qui est rempli de l'onction du Saint-Esprit », lequel est vraiment « l'onction répandue sur Lui », une onction qui n'est plus simplement faite d'une huile parfumée matérielle mais qui était l'énergie divine incréée de la Divinité, cet auteur, dis-je, écrit que « portant ainsi le Christ dans ses bras, Syméon recevait cette onction en lui-même », Et il rapprochait cela d'un autre verset du Cantique où il est dit: « Ton Nom est comme une huile qui s'épanche (Cant. 1, 3). » Et dans cette huile, il voyait l'énergie de l'Esprit-Saint dont l'Enfant Jésus était pénétré et qui, de Lui, s'épanchait dans le cœur de Syméon et sur tout son être, faisant de lui, pourrait-on dire, le premier des pères théophores, des pères qui ont porté le Christ, non pas simplement dans leurs bras, mais dans leur cœur. Et cet auteur revenait alors à un autre verset du Cantique des Cantiques, où c'est la bien-aimée qui parle et dit: « Mon âme s'est liquéfiée quand le Bien-Aimé reposait ainsi sur mon cœur ». Il comprenait que, de même que le Christ, en quelque sorte, se liquéfiait et se répandait à travers cette onction, à travers cette effusion de l'huile de l'Esprit-Saint, dans le cœur de Syméon, le cœur de Syméon se liquéfiait lui aussi. Car, à ce contact, tout ce qui pouvait rester en lui du vieil homme, fondait en quelque sorte, perdait sa consistance, perdait tout ce qui pouvait s'opposer à cette fusion avec le Christ, avec cette onction qu'est le Christ. Oui, nous pouvons contempler, dans la scène de la Sainte Rencontre ce « merveilleux échange » entre le Christ et l'homme, entre le Verbe qui est devenu homme, et l'homme, pour que l'homme devienne Dieu, pour que l'homme devienne non seulement théophore, porteur-de-Dieu, mais pour qu'il se transforme lui-même en Christ, que le Christ vive pleinement en lui. C'est tout cela, le sens de la Sainte Rencontre, tel qu'un moine latin du XIIe siècle le comprenait, d'une façon qu'aucun Père grec n'aurait désavouée.

Eh bien, qu'aujourd'hui, cette onction qu'est le Christ, pénètre véritablement dans notre cœur. Qu'elle liquéfie notre moi, qu'elle nous illumine, comme ces cierges que nous portions cette nuit, lors de la procession de la litie, pour signifier justement que nous sommes, nous aussi, appelés à devenir des porte-Christ, que nous sommes appelés, nous aussi, à porter cette lumière, non plus seulement dans nos mains, mais dans nos cœurs. Qu'elle nous illumine pleinement, à la gloire du Père, du Fils et de l'Esprit-Saint, dans les siècles des siècles. Amen.

Source : Accueil (saintsymeon.fr) Feuillet no. 57


LA SAINTE RENCONTRE ET LE CANTIQUE DES CANTIQUES

par le père Placide Deseille

Homélie prononcée en 2000

Cette fête de la Sainte Rencontre était très populaire jadis, même en France, où on l'appelait en général « la Chandeleur », ce qui voulait dire « la Fête des chandelles », des cierges, car, j'y reviendrai tout à l'heure, une tradition ancienne voulait qu'en ce jour, à la procession de la fête, tous les fidèles portent des cierges en main pour rappeler le geste du vieillard Syméon portant le Christ, la vraie lumière, dans ses mains. Ces cierges que l'on bénissait au cours de cette fête, étaient ensuite gardé pieusement dans les familles, où on les conservait en particulier comme une protection contre l'orage. Je me souviens que dans mon enfance, l'été, ma famille habitait à la campagne, en pleine forêt, et quand un orage éclatait, on allumait toujours le cierge que l'on gardait depuis la fête du 2 février.

Quand les saints pères et les auteurs des textes liturgiques commentent cette fête, ils s'attachent essentiellement à trois choses. Il y a d'abord la purification de la Mère de Dieu, le fait qu'elle se soit soumise à ce rite de purification légale, quarante jours après la naissance du Christ. Les saints pères insistent sur le fait que la Mère de Dieu, bien sûr, n'avait pas besoin de cette purification légale, et que ce régime des purifications extérieures, comme les interdits alimentaires de l'ancienne loi, étaient abolis par l'avènement du Christ, qui accomplissait tout ce que ces figures annonçaient et représentaient symboliquement. Justement, le fait que, en même temps qu'elle présentait le Christ au Temple, la Mère de Dieu ait accompli ce rite de purification révélait le vrai sens de celui-ci. Il n'avait pas de sens en lui-même en tant qu'observance matérielle, mais il signifiait une purification intérieure, spirituelle. Aux quatrième et cinquième siècle, les saints pères, en général, pensaient encore que la Mère de Dieu, avant la Nativité, ou avant l'Annonciation de la naissance du Christ, avait pu commettre des fautes légères, mais des fautes tout de même. Dans la suite, de plus en plus, la conscience de l'Église écartera cette idée, notamment avec saint Germain de Constantinople, par exemple. Mais ce sur quoi les pères ont toujours insisté, c'est sur le fait que le fondement de la sanctification, de la purification totale de la Mère de Dieu, c'est sa maternité divine. En cette fête de la Sainte Rencontre, les textes liturgiques eux- mêmes que nous chantons encore à l'office, et que l'on chantait jadis, aussi bien en Orient qu'en Occident, en grec et en latin, dans les anciennes liturgies, mettaient toujours l'accent sur la maternité divine de la Mère de Dieu et sur cette sainteté éminente qui rejaillissait, en quelque sorte, de cette maternité divine, laquelle en était vraiment le fondement.

Un second aspect du mystère que nous commémorons en ce jour, c'est la venue du Christ enfant vers Jérusalem et vers le Temple. Dans l'évangile, nous voyons plusieurs fois le Christ se mettre en marche vers Jérusalem et vers le Temple. Aujourd'hui, en cette fête de la Sainte Rencontre, il est porté par sa sainte Mère; un peu plus tard, âgé de douze ans, il se rendra secrètement au Temple et disparaîtra pendant trois jours pour «être aux choses de son Père» (Lc, 2, 49). Puis, après la Transfiguration, toute sa vie terrestre sera une marche vers Jérusalem, culminant dans sa passion et sa Résurrection. Et dans l'épître aux Hébreux (Hb 10, 11-20), toute l'œuvre du Christ, toute l'œuvre de notre Rédemption est résumée, en quelque sorte, dans l'entrée sacrificielle du Christ dans le Temple céleste. Le Christ, à travers sa mort et sa Résurrection, passe de ce monde, d'un monde où sa sainte humanité n'était pas encore transfigurée en permanence par la gloire divine, à la condition de Ressuscité.

Mais quand le Christ est ainsi entré dans le temple céleste, en une suprême Rencontre, il s'est assis à la droite de son Père, portant en lui, d'une façon réelle, encore virtuelle et potentielle, mais réelle cependant, toute notre nature, qui passait ainsi de ce monde à la gloire céleste (cf. Éph., 2, 6).

Et toutes nos lities, toutes nos processions, toutes ces marches liturgiques qui se terminent par une entrée du célébrant dans le sanctuaire, réactualisent liturgiquement cette marche sacrificielle du Christ et, en lui, de toute l'humanité sauvée, de chacun de nous, vers le Temple céleste, vers le lieu de la Rencontre suprême avec la sainte Trinité.

Le troisième thème sur lequel les textes liturgiques insistent aujourd'hui, c'est la Sainte Rencontre elle-même. Le fait que le Christ, amené ainsi au Temple par sa Mère toute Sainte, est reçu dans les bras du vieillard Syméon. Le vieillard Syméon et la prophétesse Anne symbolisaient, résumaient en leurs personnes toute la lignée des pauvres d'Israël dont nous sentons la présence à travers l'Ancien Testament, que nous entendons prier dans les Psaumes, toujours assoiffés de Dieu, vides d'eux-mêmes. C'est cette pauvreté intérieure, spirituelle, qui les faisait aspirer à Dieu, aspirer à cette rencontre suprême que nous voyons s'accomplir aujourd'hui dans nos célébrations liturgiques, lesquelles annoncent et préfigurent la Rencontre eschatologique qui se réalisera pleinement au jour du Retour du Christ et de la Résurrection finale. 

C'est d'ailleurs pour cela qu'à la fin du cinquième, ou au sixième siècle, une abbesse de monastère, l'higoumène du monastère du Repos de la Mère de Dieu, entre Jérusalem et Bethléem, a instauré en Palestine l'usage auquel je faisais allusion tout à l'heure, de porter des cierges à la litie de la fête de la Sainte Rencontre. Les cierges qu'elle voulait ainsi que les chrétiens portent dans leurs mains dans cette procession, signifiaient leur participation au « mystère de Syméon », qui avait reçu dans ses bras le Christ, la lumière véritable qui illuminait son cœur.

Déjà cependant, la Sainte Rencontre s'était accomplie d'abord par l'Incarnation elle- même du Christ, par le fait qu'en lui, la Divinité s'est unie à la nature humaine. Comme je le disais tout à l'heure, dans son humanité sainte le Christ, nouvel Adam, nous contenait tous en lui. Par là, tous les hommes étaient déjà, d'une certaine manière, sanctifiés en lui, parce que assumés par lui du fait de l'Incarnation et potentiellement, virtuellement divinisés par cette rencontre avec la divinité. Assurément, il fallait aussi que par le baptême, cette divinisation potentielle de l'humanité dans le Christ se réalise effectivement en chacun de nous, en chacun des hommes. Mais du fait même de l'Incarnation du Christ, d'une certaine manière tout homme porte le Christ comme Syméon, tout homme est désormais « christique », sinon chrétien, parce que le Christ est porté ainsi par tout homme.

Comme le disaient les anciens pères, le seul fait de porter aujourd'hui des cierges allumés dans nos mains signifie cette divinisation, signifie cette Sainte Rencontre qui s'accomplit aujourd'hui, et qui symbolise et réalise déjà d'une façon inchoative tout le mystère du Christ, tout le mystère de l'Église, cette rencontre, cette divinisation, cet admirable échange entre la nature divine et la nature humaine que chante la liturgie.

Telles sont les dimensions du mystère que nous célébrons aujourd'hui. C'est une fête qui possède une très grande densité théologique, elle ne fait que manifester le contenu du mystère de l'Incarnation et de Noël. D'une certaine manière, c'est donc aujourd'hui que se termine le cycle de Noël. Je me souviens encore que dans mon enfance, à l'époque où l'on mettait dans toutes les maisons et à l'église des crèches de Noël, c'était après la Sainte Rencontre qu'on les enlevait. C'était toujours, pour les enfants, avec une certaine tristesse. Il n'y avait cependant pas lieu d'être triste, comme il n'y a pas lieu d'être triste lorsque l'on fête l'Ascension, car si les signes passent, la réalité de la divine Rencontre demeure.

La fête de la Sainte Rencontre signifie, et d'une certaine façon réalise pour nous, ce qui est l'essence même de notre vie chrétienne: que nous portions le Christ en nous, que nous soyons illuminés par lui, que, comme le disait saint Ambroise de Milan, de même que Syméon portait le Christ, mais était mené intérieurement par lui, nous soyons nous aussi ainsi illuminés par lui, que nous portions toujours en nous cette lumière sans déclin qu'est l'énergie incréée qui rayonne de sa personne divine et de son humanité sainte, glorifiée à la droite du Père.

À travers cette fête, nous entrevoyons la liturgie céleste qui est et sera à jamais l'éternisation de la Sainte Rencontre. Mais déjà chacune de nos liturgies est elle aussi une Sainte Rencontre, en laquelle est rendu présent tout le mystère de notre salut, tout le mystère du Christ. À son Père bien-aimé qui, en lui, est aussi le nôtre, et à son Esprit très Saint par qui s'accomplit ce mystère soit la gloire, dans les siècles des siècles. Amen

Source :  Accueil (saintsymeon.fr) Feuillet no. 57

Dernière modification: 
Samedi 31 août 2024