Mere Marie, Rosane Lascroux et le Chale de Ravensbruck
MÈRE MARIE, ROSANE LASCROUX
ET LE « CHÂLE DE RAVENSBRÜCK »
Le « Châle de Ravensbrück » |
TÉMOIGNAGE SUR LA DÉTENTION DE MÈRE MARIE
par Rosane LascrouxMÈRE MARIE, ROSANE LASCROUX ET LE « CHÂLE DE RAVENSBRÜCK »
SUR LA DÉTENTION DE MÈRE MARIE
par Rosane Lascroux
Je vous remercie de me recevoir parmi vous pour vénérer vos saints martyrs. Je fus l'une des plus proches amies et compagnes de sainte Marie Skobtsov. Ensemble, nous avons vécu au Fort de Romainville, plusieurs semaines ; au camp de Royallieu, près de Compiègne, une soirée et une nuit ; et enfin, le camp de Ravensbrück, deux ans.
Au Fort de Romainville, en février 1943, j'accueillis mère Marie lorsqu'elle entra dans notre chambrée. Nous étions alors une trentaine de femmes, de la « France combattante » pour plupart, et quelques otages. Nous arrivions de la prison des Fresnes. Je voulais accueillir mère Marie pour l'initier aux conditions de notre vie. Elle accepta immédiatement, et pour toujours, et nous étions donc, au Fort de Romainville, à ce moment-là, presque privilégiées. Nous avions le droit d'écrire à nos familles pour obtenir des colis, car les Allemands nos laissaient sans aucune nourriture... Mère Marie reçut donc une grande valise, que je vois encore devant moi, marron monsieur Daniel Skobtsov l'avait déposée au bureau de le Kommandantur ; elle contenait les produits de sa petite ferme.
Nous avions le droit de nous promener librement, quelque heures par jour, dans la cour de la caserne, et c'est là que mère Marie a retrouvé les siens derrière une grille : son fils – un grand jeune homme blond –, le père Dimitri Klépinine et leurs compagnons de lutte de la rue de Lourmel. Mère Marie passa, chaque jour, des heures d'entretien avec les siens. II se parlaient, sans doute avec une certaine angoisse, mais avec bonheur. Mère Marie, par sa personnalité, sa carrure physique et sa connaissance de l'allemand était connue de tous les prisonniers.
Et puis, soudain, le 21 avril 1943, ce fut l'ordre de plier bagages, et en bas dans la cour, à l'entrée du camp, nous attendaient des autocars « touristiques ». Nous avons occupé, mère Marie et moi, la première voiture, en tête du convoi ; mère Marie portait le matricule 19 263, personnellement j'avais le 19 254. Sur la route, notre véhicule était le premier de la file. À gauche, au bord du chemin, des familles nous attendaient. J'aperçus ma mère, j'ai entrouvert la portière et elle est venue m'embrasser, dans le dos de la sentinelle qui s'était éloignée. Monsieur Daniel Skobtsov nous salua au passage. Et enfin, la caravane partit pour la gare du Nord, vide, réquisitionnée. Dans les couloirs circulaient naturellement des soldats S.S. et puis nous sommes arrivés au camp de Royallieu, près de Compiègne.
Le lendemain, à Compiègne, ce sont d'abord des camions avec bâches qui ont traversé une partie de la ville pour nous conduire à la gare, et là, sur les trottoirs, les passants – je crois, pétrifiés – apercevaient des femmes comme eux... Certains pleuraient. Nous arrivâmes donc en gare de Compiègne et ce sont des wagons à bestiaux qui nous attendaient, qui stationnaient grands ouverts. Nous étions encore vêtues en Parisiennes élégantes, chaussées de fines chaussures, certaines portaient même un chapeau. Mais, à coup d'engueulades – excusez-moi du mot – c'est des chiens dont je veux parler, mais aussi des hommes... Alors là, on nous a bousculées, frappées, et nous voici entassées dans une obscurité totale. Nous étions 214 Françaises entassées, de la France combattante pour la plupart, et nous voici enfermées dans l'obscurité pendant un certain temps, pour que tous les hommes, qui devaient nous accompagner sans doute, soient rassemblés.
Le cheminement très lourd, très lent, commence. Trois jours, deux nuits. Nous avons franchi la frontière française ; nous l'avons senti. Et puis, nous étions vraiment bouleversées, épouvantées. Alors, ce fut très long... jusqu'à un certain arrêt à Altona. Il faisait jour, nous l'avons aperçu par le hublot placé en haut de ce fourgon. Une de mes compagnes, madame Odette Malavoy, une très jolie femme – je le dis parce que cela avait une certaine importance –, mère d'un officier, épouse d'un officier français, et moi-même, nous décidâmes de nous hisser sur un toit (un tas de valises et de vêtements) pour atteindre l'ouverture et regarder. Il faisait jour : c'était parait-il la banlieue de Hambourg. Sur le quai, il y avait une petite fontaine où l'eau coulait. Surgit un chef de gare, grand et bel homme, en grand uniforme, avec dorures et galons, triomphant, souriant. Odette, qui parlait l'allemand, demanda à une de nos camarades de nous passer un récipient pour recevoir de l'eau. Nous étions déjà à bout de forces, altérées. Alors, une paysanne – oh, une très brave femme du Berry, arrêtée en sabots et en tablier – nous donna une sorte de cafetière en émail, munie d'une anse. Et Odette Malavoy saisit l'objet, sortit la main hors de l'orifice. Le chef de gare approche, saisit la « cafetière », qui s'appelle une « laitière » chez les paysans. Et en même temps, il saisit le gros diamant que madame Malavoy portait au doigt avec son alliance.
Je dois vous dire, en effet, que l'on venait de nous restituer – à la caserne des S.S. – nos bijoux pour qu'ils soient « livrés à domicile » en Allemagne. La « laitière » n'a pas été rendue et nous sommes restées encore de longues heures à l'arrêt, jusqu'à ce que le convoi soit disloqué, les hommes prenant une autre direction que nous.
Nous ne savions pas où nous allions ; enfin, la nuit vint et notre train partit, toujours à un rythme ralenti. Le lendemain matin, c'était le 27 avril, nous étions toutes dans une situation d'angoisse extrême. Nous nous trouvions dans une petite gare, un petit coin d'Allemagne, occupée par un bataillon de soldats S.S. armés et de femmes en grand uniforme ; les chiens, furieux, jappaient, tandis que vociféraient les soldats. Nous entendions glisser les parois métalliques des wagons et des chaînes. Bref, on nous projette sur le quai, et là, encadrées militairement, dans les cris et les hurlements, nous sommes disposées en carrés par rangs de cinq, et les ordres pleuvaient : « Il faut avancer ! ».
Nous traversons un bois, quelle stupeur pour nous d'apercevoir qu'il y avait là des femmes telles des mannequins, vêtues de robes à rayures, des squelettes qui travaillaient. Nous ne savions pas alors que cela nous arriverait à nous... Puis, ce fut la sortie de ce petit bois, non sans peine, et la route, et puis une large, une large ouverture qui s'ouvrait sur le camp de Ravensbrück. Un fléau – je ne sais comment l'appeler – une barrière qui se dressait là, nous livra passage et retomba derrière nous. Cette fois, nous étions en prison et là, des femmes, des prisonnières, des soldats qui ricanaient gorge déployée : « Ah, ah, ah... les petites Françaises, les élégantes petites Françaises ! » Bousculées, nous avons été dépouillées de nos vêtements, en quelques instants nues, exposées à la soldatesque... Brutalement harcelées, nous voilà poussées vers des douches. Puis, au sortir, nous recevons un paquet, deux pièces de linge, la robe rayée, des sabots de carton démesurés pour nos pieds et un triangle de toile blanche estampillé F.K.L (Frauen Konzentrations-Lager) à l'encre violette, et en avant marche !
Nous formions un groupe de 214 femmes. Nous sommes entrées dans une baraque en bois, brute, vide, avec un couloir au milieu de deux salles immenses ! Il y avait une grande table au milieu d'une salle, pour tout mobilier, et puis nous voilà enfermées, cette fois, en quarantaine.
Quelques jours après, nous passons une visite médicale : c'était la sélection du travail. Mère Marie et moi, nous avons eu la chance d'être déclarées officiellement disponibles. Quelle chance ! Nous n'étions pas assujetties au travail d'atelier du Reich pour l'armement, mais disponibles pour les corvées dans le camp, ce qui impliquait une certaine liberté. Mère Marie ainsi pourra connaître les autres blocks, en particulier le block des femmes russes, soviétiques, et puis bien sûr, les tchèques, les polonaises etc.
Je vais simplement, si vous le permettez, évoquer cinq épisodes qui manifestent, me semble-t-il, de la dignité et de l'humour de mère Marie. Précisément, nous ne nous sommes jamais quittées tout au long de la captivité. Un jour, sur une route, mère Marie exténuée s'assit sur un remblai. Surgit un jeune soldat, la schlag à la main, qui cingle et frappe mère Marie. Celle-ci se redresse de sa haute taille, le toise et lui dit en allemand : « Jeune homme, chez nous, un garçon de votre âge s'incline bien bas devant une femme comme moi ! ».
Voici une autre anecdote parmi d'autres, celle de la soupe : elle est remarquable parce qu'elle révèle à quel point mère Marie, qui était de forte constitution physique, pouvait être affamée ! On nous donnait, ce jour-là, un brouet, une pâte marron, épaisse, gluante, nauséabonde ! Nous plongeons nos lèvres dans la gamelle – trop grande pour ne recevoir qu'une pauvre louche de pitance ! Impossible, vraiment impossible d'avaler quoi que ce soit de cette mixture ! Nous avons do vidé le contenu de nos gamelles, quatre ou cinq camarades et moi, dans une seule gamelle, remplie à ras bord, pour aller en jeter dehors le contenu. Or, mère Marie, qui était là, était si affamée qu'elle a avalé, croyez-moi, tout le contenu de ce schüssel, et elle n'a pas été malade !
Enfin, je dois évoquer une image magnifique que mère Marie avait elle-même réalisée, elle l'avait tracée sur un chiffon, un lambeau de chemise, avec une brindille de bois brûlé trouvée sur le camp : un fusain. Elle a tracé ce magnifique regard du Christ crucifié, couronné d'épines. Naturellement nous l'avons caché. Il resta caché pendant quelques semaines mais, un jour, une fouille inattendue fut effectuée à l'intérieur du block, et nous fûmes toutes éjectées dehors, jusqu'à c que l'Aufseher (la gardienne) arrive, brandissant le fouet hurlant, nous couvrant d'injures. Nous ne comprenions rien et nous avons reçu une sanction : demeurer cinq dimanches debout, sans manger, quelle que soit la température !
Il y a aussi l'histoire touchante, radieuse, de ces petite russes soviétiques : c'étaient des jeunes filles, âgées de 16 à 20 ans, que mère Marie avait découvertes, avec lesquelles elle venait parler russe. Et toute son âme, et tout son coeur et toute sa personne s'animaient : alors, ces femmes revenaient vers nous, quand cela leur était possible, s'agenouiller devant mère Marie, en contemplation. Même si, évidemment, je ne comprenais rien aux conversations, j'y assistais parce que je couchais à côté d'elle : eh bien je crois qu'elle devait les convertir.
Enfin, j'ai juste le temps de vous raconter l'histoire, on peut dire miraculeuse du « pari de la victoire ». C'est le châle, la pointe, ici même ! Dès le Fort de Romainville, nous avions, mère Marie et moi, fait un pari sur les vainqueurs de la guerre : mère Marie alléguait avec conviction que ce serait la puissante armée russe, avec sa foi patriotique, vibrante. Pour moi, seule s'imposait la supériorité manifeste aérienne et navale des alliés britanniques et américains, équipées d'un matériel que l'Allemagne nazie ne possédait pas. J'avais fait, à la Sorbonne, du vieil-anglais et des études britanniques. « Ô ! vous savez, mère Marie, nos alliés sont très puissants, ils gagneront la guerre ! », lui avais-je dit. Eh bien, c'est moi qui gagnais le pari ! Car au mois de juin 44, au block 27, nous avons appris que le débarquement allié avait eu lieu, et mère Marie, immédiatement, vint à moi et me dit : « Rosane, je vous dois un cadeau ! ». « Ô, mère Marie, rien à faire ! Attendons le retour à Paris. Ici, nous n'avons rien, pas une bribe de quoi que ce soit. »
Cependant, j'avais enfoui dans ma paillasse le fameux triangle couvre-chef de toile blanche estampillé F.K.L., depuis que les gardiens nous avaient demandé de les rendre. Mère Marie voulut me faire une broderie à partir de cette étoffe. Tout d'abord, une amie polonaise qui travaillait dans l'atelier spécial de blanchisserie jeta le couvre-chef dans la cuve des chemises des soldats allemands ; il fut teint en vert. Mère Marie avait l'habitude de broder, vous le savez, magnifiquement. Et elle m'avait dit : « Il me faut des fils de soie ! » Alors nous nous sommes procuré, grâce à deux amies, Madeleine et Michèle Facq-Laurent, un paquet de fils électriques soyeux et multicolores de l'usine Siemens, que nous avons soigneusement dévidés et décortiqués. Et puis, il nous fallait une aiguille : elle fut volée par une amie très sûre qui travaillait dans l'atelier de couture du camp, dirigé par un certain Binder, un monstre, réellement un bourreau, qui devait d'ailleurs être jugé et exécuté après la guerre : Binder mettait les femmes toutes nues pour les fouiller à la sortie du travail, chaque matin, et même la nuit, ou le soir. Mon amie réussit à soustraire une aiguille au prix de quels risques ! Enfin, mère Marie apprit par coeur le texte que je lui proposais : je lui avais tracé dans la terre, de mémoire et de façon approximative, le texte en vieil-anglais du XIe siècle de la tapisserie de la reine Mathilde (exposée à Bayeux) commentant l'invasion de l'Angleterre en 1066 par Guillaume le Conquérant. C'est pendant l'appel quotidien, debout durant de longues heures, que mère Marie exécuta ce chef d'oeuvre en plusieurs jours : cette broderie sans dessin préalable, alors que circulaient autour de nous soldats et gardiennes S.S. Je veillais à côté d'elle : « Attention ! Attention ! ». Dès que les Allemands se trouvaient un peu à distance, mère Marie extrayait de l'ouverture de sa robe le fameux « chiffon », un coin après l'autre, pour le broder et l'illustrer avec talent.
Elle commença par la forteresse dressée sur la première pointe du triangle, y plaça des sentinelles armées, puis, à l'autre pointe, elle traça trois nefs naviguant pour la traversée de la mer, et à l'autre extrémité elle représenta un arbre symbolisant la terre ferme, ainsi que des cavaliers, et une foule d'hommes... Mais, le travail de mère Marie étant achevé, il fallut le cacher nous l'avons dissimulé dans le camp pendant presque un an ! Puis, mère Marie fut sélectionnée en janvier 1945 pour le Jügenlager, « camp de jeunesse », qui était en fait un véritable mouroir, situé à un kilomètre de notre camp. Je ne l'ai plus revue.
Alors que j'étais transférée à Bergen-Belsen, j'ai porté le châle noué autour de ma taille, jusqu'au 15 avril 1945, lorsque ce camp fut libéré par l'artillerie royale britannique. Atteinte du typhus, j'étais tombée inanimée. Une grande chance me permit d'être soignée, libérée et hospitalisée jusqu'au 1e juin 1945. J'avais gardé le châle avec moi : il fut désinfecté à cette occasion. Revenue à Paris, j'ai pieusement conservé ce chef d'oeuvre, avant de l'offrir à l'Église orthodoxe de Paris par l'amical et affectueux intermédiaire de madame Hélène Arjakovsky-Klépinine.
Reproduit de la revue Contacts, vol. 55, no. 208, 2004.
ET LE « CHÂLE DE RAVENSBRÜCK »
L’histoire de la confection et de la conservation du « châle de Ravensbrück » relève du miraculeux. Cette broderie fut réalisée par mère Marie pendant les interminables « appels » au camp de Ravensbrück entre juin et juillet 1944. La fabrication de ce châle fut le résultat d’un pari décidé entre deux déportées du convoi des « 19000 », arrivé à Ravensbrück fin avril 1943. Le matricule 19263 appartenait à Elisabeth Skobtsoff (mère Marie), le n° 19254 à Rosane Lascroux. L’une était une religieuse orthodoxe russe, l’autre, jeune française, étudiante d’anglais à l’époque de son arrestation ; toutes deux, liées amicalement depuis février au fort de Romainville près de Paris, où elles étaient détenues après leur arrestation par la Gestapo, entretenaient de longs discussions sur la situation de l’Europe en guerre.
Mère Marie était convaincue que l’Allemagne serait vaincue par l’armée russe, Rosane, pour sa part, comptait sur le débarquement des forces anglo-américaines sur le sol français pour chasser les envahisseurs. Le 9 juin 1944, clandestine, la nouvelle parvint au camp : les troupes britanniques débarquaient à Sainte-Mère-l’Église en Normandie.
Aussitôt, fidèle à sa promesse, mère Marie décida d’offrir à Rosane un trophée. Mais comment réaliser le moindre ouvrage dans ce « désert de la mort » ? Constamment soumises à des fouilles rigoureuses, les déportées ne possédaient rien et tout objet illicite découvert pouvait coûter une bastonnade générale : tout un « bloc » puni sans nourriture, exposé nu, dehors du jour à la nuit... Il fallait donc imaginer et organiser un coup de force.
Jadis mère Marie avait brodé une « Vie du roi David » dans le style de la fameuse « Tapisserie de Bayeux » - Rosane lui proposa alors le thème : un symbole du « Débarquement ». Le matériel ? Un triangle de coton blanc enfoui dans une paillasse, le Kopfftuch, estampillé des trois lettres noires F.K.L., fut teint en vert clair dans la cuve réservée au linge d’uniforme de la Wehrmacht.
L’aiguille fut sortie en fraude des ateliers de couture du camp, qui fabriquait des manteaux militaires pour le S.S., dirigés par un certain Binder, tyran impitoyable. Quant aux fils de soie, de couleurs diverses, des camarades audacieuses et sûres les coupèrent sur autant de fils électriques prélevés sur des appareils Siemens : un véritable « sabotage » !
Le texte, une approximation du vieil anglais du Moyen-Âge, indéchiffrable aux yeux des gardiennes S.S., Rosane le traça sur le sable sec à l’aide d’un bâton ; mère Marie l’apprit par cœur :
Then they com the Norsemen,
The lofty fortress they besieged
And within their arms befell the rich bootyFiercely they fought the brave invaders
For the filthy devils were doomed to death
Meanwhile rejoiced the peacefull folkEn traduction :
Alors ils vinrent, les hommes du Nord.
Ils assiégèrent la puissante forteresse,
Et dans leurs bras tomba le riche butin.Farouches, ils luttèrent, ces braves assaillants,
Car les maudits démons étaient voués à la mort,
Cependant que se réjouissait le peuple pacifique.
Ils assiégèrent la puissante forteresse...
Cependant que se réjouissait le peuple pacifique.Dans des conditions incroyables, la broderie fut exécutée en quelques jours sans aucun dessin préalable, pendant les appels. Debout, mère Marie tenait entre ses doigts l’étoffe qu’elle tirait de l’encolure de sa robe rayée ouverte devant pendant que Rosane épiait les gardiennes qui allaient et venaient le long des rangs.
Décorée avec une parfaite mesure, avec un choix exercé de coloris soyeux, cette œuvre d’art fait jaillir en son centre la forteresse, à l’une extrémité des cavaliers, à l’autre les nefs chargées de soldats libérateurs. Un arbre signifie la forêt et la terre ferme de Normandie. Montant vers le ciel, la flèche de la cathédrale au toit chatoyant dresse la croix, signe par lequel tout homme juste vaincra.
« Ainsi, raconte Rosane, j’eus l’incroyable privilège de recevoir ce présent à Ravensbrück ! Que de péripéties pour le cacher ! Il fallait une protection de Dieu. En février 1945, je fut happée et poussée dans une colonne en partance vers l’inconnu. Fouillée, je réussis à enfouir mon précieux châle dans le sable, puis je le glissai sous ma robe, et, noué autour de ma taille, il ne me quitta plus jusqu’à mon retour à Paris le 1er juin 1945. J’étais parmi les très rares survivants du camp de Bergen-Belsen. »
« Alors ils vinrent, les hommes du Nord » « Farouches, ils luttèrent, ces braves assaillants »
Plus qu’autre chose, le châle est un puissant symbole de l’esprit de mère Marie : insoumise, rebelle, pleine d’espoir, avant tout libre, libre de la liberté des enfants de Dieu, libre « en esprit et en vérité », dans les pires conditions de captivité imaginables. Le « châle de Ravensbrück » est le témoin et le testament vivant de mère Marie pour tous les opprimés du monde.
Source des images :
http://abbaye-aux-hommes.cef.fr/art-chretien/Ravensbruck.htm
Introduction aux Pages Sainte Marie Skobtsov