« Communion dans le Messie » (2)
Lev Gillet, « Judaïsme et foi chrétienne »
Chapitre III du livre de Lev Gillet : Communion in the Messiah, Studies in the Relationship between Judaism and Christianity [Communion dans le Messie, Études sur le rapport entre le judaïsme et le christianisme], Lutterworth Press, Londres, 1942 ; 2002 ; 2003). Trad. Valère De Pryck et Paul Ladouceur.
Judaïsme, hellénisme, christianisme
Christianisme et monothéisme juif
La Parole et le Fils
La Shekinah
(a) Personnification de la Shekinah
(b) Nature de la Shekinah
(c) Shekinah et Gloire
(d) L’idée de la Shekinah et la pensée chrétienne
L’Esprit Saint
Le Grand Pardon
Éléments communs au judaïsme et au christianisme
Judaïsme, hellénisme, christianisme
L’Église des premiers temps se devait d’expliquer Jésus au monde païen. D’où la prédominance de formes de pensée ainsi que de la terminologie grecques dans le christianisme. D’où également la difficulté pour le christianisme – une fois hellénisé – de trouver un terrain et un langage communs avec le Judaïsme.[1] Les catégories générales dans lesquelles Juifs et Grecs exprimaient leurs pensées religieuses étaient très différentes et souvent opposées. Commençons donc par rappeler certaines de ces différences.
Les Grecs étaient essentiellement intéressés au monde physique qui les entourait. L’esprit hébreu, quant à lui, ne s’intéressait pas au soleil ni à la lune ni aux étoiles, mais les Hébreux faisaient la distinction entre le bien et le mal et ils connaissaient le seul vrai Dieu qui demeure toujours. Telle est la profonde différence entre la tournure d’esprit philosophique et naturaliste des Grecs et l’esprit purement religieux des Juifs.
Lorsqu’ils pensaient à la divinité, les Grecs restaient des intellectualistes. Ils avaient tendance à faire de la philosophie abstraite, ce qui leur permettait de comprendre la relation de l’Un au multiple. Pour les Hébreux, la religion était émotionnelle et éthique. Il s’agissait d’une relation personnelle – non métaphysique – de l’homme à son Créateur, Roi et Père. Le vocable théologie n’est pas seulement un mot grec, mais la conception même de la théologie est purement grecque. Pour un Juif, faire de la théologie reviendrait à faire une dissociation entre la réflexion et l’action ; à substituer la philosophie à la révélation, à la prophétie et à l’expérience.
La pensée religieuse grecque est statique, tandis que la pensée juive est dynamique. Le Dieu des Hébreux est avant tout un ouvrier. L’histoire est un acte de Dieu. Il entre dans nos tempêtes et nos conflits, nos luttes et nos progrès ; il aime et il souffre. Dans la pensée grecque, Dieu apparaît toujours comme un aristocrate. L’idée de progrès était également étrangère à l’esprit grec et latin. Pour l’un comme pour l’autre, l’idée de perfection ne pouvait pas être séparée de l’idée de stabilité et de permanence. L’essence même du Divin excluait l’idée de changement : la vie de Dieu est éternelle et consiste dans la contemplation sans changement. Les Grecs n’auraient jamais conçu l’histoire du monde comme une action qui réalise une intention de Dieu.
L’éthique chrétienne d’inspiration hellénistique nous rapproche d’une théorie philosophique du « bien », qui s’appuie sur une conception dualiste de la réalité qui distingue le « spirituel » et le « matériel ». Pour les Juifs, le « bien » est simplement soumission à la volonté de Dieu. S’appuyant sur ce principe, les Hébreux cherchaient une règle pratique pour la vie. De plus, l’imagerie grecque, la dimension cosmique de son univers, son opposition entre l’esprit et la matière sont très éloignées et étrangères à l’entendement juif. La portée de ce dualisme grec était considérable. Le corps devint la prison de l’âme et la source du mal, et comme corollaire, la conception de l’immortalité de l’âme, qui était à l’avant-plan, reléguait l’idée juive de la résurrection du corps à l’arrière-plan.
Tels sont les aspects généraux du conflit de pensée entre Grecs et Juifs. L’opposition augmentera et se précisera encore lorsque nous envisagerons des détails plus spécifiques. Nous connaissons l’importance des notions de « nature », « essence », « substance » et « personne » dans l’élaboration et la formulation des dogmes chrétiens de l’Incarnation et de la Trinité. De telles notions n’avaient pas leurs équivalents dans les catégories intellectuelles juives ; il n’y avait même pas de mots dans la langue hébraïque pour les traduire de manière adéquate. La difficulté d’exprimer la pensée était ainsi doublement aggravée du fait de l’insuffisance du vocabulaire.
Le cas des « Monophysites » nous aidera peut-être à saisir la gravité de ces difficultés. La traduction inexacte du vocabulaire a joué un rôle d’une importance capitale dans les conflits qui ont surgi dans l’Église des premiers temps. Certains mots techniques du dogme chrétien, qui, à partir de l’original grecque ont subi un développement assez embrouillé, n’ont pas de véritable équivalent en syriaque. Voilà l’origine de nombreux malentendus chez des gens qui se soupçonnaient mutuellement de se tromper. Le mot « hypostase », par exemple, était traduit en syriaque par Qnuma, qui n’a pas d’équivalent exact en grec. « Theotokos » était rendu par l’expression trompeuse Yaldath Alaha. Ces subtilités étaient très importantes dans la genèse du conflit entre les « communions orientales séparées » des jacobites et des coptes.[2]
En ce qui concerne les Juifs, la difficulté est encore plus grande. Traduire des termes tels que physis, ousia, hypostasis semble une tâche presque impossible. Et comment leur faire comprendre le mot Theotokos qui, de premier abord, semble blasphématoire ? Paul lui-même semble avoir pressenti cette difficulté à propos de cette question centrale de la dogmatique chrétienne. Dodd fait remarquer que, bien qu’il attribue au Christ des fonctions et des dignités qui sont en propre avec rien de moins que la déité, il évite cependant de l’appeler Dieu. Et voici l’explication qu’il suggère : « La raison pour laquelle Paul ne pouvait pas le faire, alors que les théologiens le pouvaient par la suite, ce n’était pas qu’ils différaient de lui dans leur foi en la personne du Christ, mais c’était le fait qu’eux étaient des Grecs alors que lui était un Hébreu ; bien qu’il parlait grec, ses termes religieux gardaient toujours leur coloration hébraïque et le Theos grec n’était pas tout à fait l’équivalent de l’Elohim hébreu. »[3]
Dans tous ces cas, la traduction de mots – même la plus exacte possible – reste déficiente. Il nous faut une « traduction de sens ». Repenser la christologie en termes hébreux, c’est-à-dire non seulement en mots hébreux, mais dans des catégories de pensée hébraïque, doit être la première tâche du chrétien qui veut interpréter sa propre foi aux juifs.
Ce qui ne veut pas dire élimination brutale des formules grecques. Elles ont été très utiles pour transmettre la foi chrétienne au monde grec et pour la garder inchangée ; et, bien que pas mal de chrétiens prétendent que les croyances ont perdu toute intelligibilité, d’autres, par contre, trouvent encore dans les anciennes formules de Nicée et de Constantinople l’expression la plus précise, la plus satisfaisante et la plus appropriée intellectuellement parlant de leur foi. Mais ces vénérables formules ne doivent pas faire obstacle entre le message de Jésus et sa réception par Israël. Il n’y a aucune raison pour qu’une expression purement juive de la foi chrétienne ne soit pas aussi exacte ni aussi respectable que l’expression grecque. Mais cela ne saurait se réaliser par un processus judaïsant approximatif qui manquerait d’intelligence et d’appréciation des valeurs grecques traditionnelles. Comme Burkitt a dit : « Notre abstraction et séparation des éléments juifs et non juifs dans un christianisme vivant ne doit pas se penser comme une opération chirurgicale, mais plutôt comme une recherche de traces des traits d’un enfant dans les caractéristiques de chacun de ses parents ».[4] Montefiore insiste sur le fait que l’étude comparative de ces deux formes de pensée « nécessiterait une grande connaissance et sympathie, ainsi qu’une admiration inconditionnelle à la fois du génie grec et du génie hébreu, tout en reconnaissant leurs limites ».[5]
Jusqu’où Jésus a-t-il été en contact avec l’hellénisme ? La thèse de l’hellénisme de Jésus a été exposée d’une façon assez attractive par le professeur Edouard Wechssler de l’université de Berlin. Bien que son livre[6] ait reçu un éloge enthousiaste de partout dans l’Allemagne anti-sémitique, il ne s’écarte jamais de l’objectivité et de l’impartialité scientifiques. Selon lui, Jésus aurait été formé selon un judaïsme tardif, largement influencé par les doctrines cynique et stoïque. La Palestine de Jésus était véritablement un pays grec. Paneas, Tiberias et Sepphoris étaient des centres de la civilisation hellénistique. Les conversations de Jésus avec le dirigeant de Capharnaüm, la femme syro-phénicienne et Pilate laissent entendre qu’il doit avoir connu le grec. Des noms de disciples tels qu’André, Philippe et Thaddée sont significatifs. La fraternité des disciples nous rappelle une thiasis grecque, et la relation du Maître à l’égard de son disciple bien aimé a quelque chose d’essentiellement hellénique. Jésus s’est rendu chez les païens de la Décapole, de Tyr et de Sidon, de Césarée de Philippe, de la Transjordanie ; la « grande multitude » qui le suivait devait être composée de païens. Il doit avoir rencontré dans toutes ces régions des sophistes grecs, et lui-même a adopté le genre de vie itinérant des philosophes cyniques ou stoïques.
Ces spéculations fascinantes mais non vérifiés ne peuvent que nous aider à réaliser l’universalité de l’appel fait aux hommes par la personne de Jésus. Bien que nous considérions le Jésus hellénisé décrit par Wechssler comme peu authentique, cette image n’en est pas moins utile pour nous rappeler que le gouffre créé entre le judaïsme et l’hellénisme, suite aux développements ultérieurs, n’existait pas au premier siècle. Sans parler de Jésus lui-même, ni de Paul, ni de quelques pharisiens qui lisaient le grec, rappelons-nous la part importante que le judaïsme alexandrin a joué dans l’histoire de la pensée religieuse, en particulier la personne et l’œuvre de Philon.
À la fin du siècle dernier, c’était un axiome que de considérer que le judaïsme de la diaspora s’était écarté de plus en plus de la tradition palestinienne. En ce qui concerne Philon, on s’en étonnait, car il croyait lui-même être un juif orthodoxe et, de fait, il était accepté comme tel par ses contemporains. Aujourd’hui on réagit contre de telles opinions. Léopold Cohn et Israël Abrahams ont exhorté sérieusement les étudiants en littérature grecque à s’occuper plus de Philon que ce qui a été fait jusqu’à présent ; en effet un examen plus approfondi révélera davantage qu’il y a plus de points de contact entre la pensée de Philon et celle des rabbins et que ce n’est que justice si Abrahams a placé la théologie de Philon parmi les « valeurs durables du judaïsme ». Montefiore parle de Philon avec un certain enthousiasme : « Dieu a-t-il pu être aussi personnel, aussi proche, aussi miséricordieux vis-à-vis d’un autre philosophe antérieur à lui ? »[7] Et Montefiore de dire encore : « Les juifs doivent être extrêmement reconnaissants à l’Église chrétienne de nous l’avoir préservé de l’oubli. Car ce n’est que grâce au travail de copistes chrétiens et par intérêt chrétien que ses écrits nous sont parvenus. C’est par l’intermédiaire de mains chrétiennes que ce juif ardent a été rendu au judaïsme. »[8]
Avons-nous quelque chose à apprendre de Philon aujourd’hui ? Il était – et il reste – une figure d’un intérêt unique dans les relations entre le judaïsme et le christianisme. Deissmann écrit : « Il est presque devenu un des Pères de l’Église ».[9] Ėtant donné que sa doctrine du Logos est tellement proche des idées chrétiennes, la question de savoir si Paul et l’auteur du quatrième Évangile ont lu Philon demeure une question ouverte. La doctrine du Logos du martyr Justin est quant à elle étroitement dépendante de Philon. Clément et Origène le connaissaient bien. Ambroise a cité Philon à tant de reprises qu’un commentateur juif l’a appelé le Philo Christianus. Il faut reconnaître que la terminologie de Philon, son emploi du mot Logos, a sans doute eu un goût trop hellénistique pour être accepté par un théologien juif moderne. Mais ce dernier rejetterait-il d’une façon catégorique l’expérience et le message que Philon habillait de mots grecs ? Les trouverait-il sans aucun rapport avec le judaïsme authentique ? Un essai de lecture de la pensée de Philon contribuerait fortement à retrouver certaines valeurs qui ont été perdues et à favoriser la poursuite du rapprochement entre juifs et chrétiens.
L’association du judaïsme avec l’hellénisme est, pour les juifs comme pour les chrétiens, non seulement une histoire du passé, mais un problème réel à affronter pour chaque génération de juifs et de chrétiens à son tour. Est-ce que le défi venu d’Alexandrie serait perdu pour nous ?
Christianisme et monothéisme juif
Le judaïsme n’est pas si dépourvu de formules dogmatiques qu’on le suppose souvent. Il est vrai que la scolastique juive et ses élaborations traitent de la Loi et de la conduite plutôt que des dogmes et des articles de foi. Le judaïsme a eu néanmoins son propre credo et ses articles de foi.[10] Le Shema Israël n’est pas seulement une formule liturgique et un commandement ; il est également une profession de foi et il est considéré comme plus important que les croyances juives acquises au cours de l’histoire. En tant que confession de foi, le Shema est affirmation de l’unité et du caractère unique de Dieu. Il constitue la plus haute expression du monothéisme juif : « Adonaï est notre Dieu. Adonaï est un […]. »
Les symboles de foi chrétiens – le Credo des Apôtres, la foi de Nicée-Constantinople, la foi d’Athanase, pour ne citer que les plus importants – sont considérés par les Juifs comme une flagrante contradiction de cette affirmation fondamentale du monothéisme juif. Claude Montefiore l’a dit de la façon la plus claire : « En ce qui concerne la nature de Dieu, tous les Juifs maintiennent que les doctrines de la divinité du Christ, de la Trinité, du Fils éternel, de la personnalité de l’Esprit Saint sont des infractions à l’Unité divine et fausses ».[11]
Quelques autres passages de Montefiore sur le même sujet sont également très significatifs. Celui-ci, par exemple : « Lorsqu’on nous dit que le Dieu juif est distant, cet incroyable reproche nous fait sourire. Il nous est tellement proche qu’il n’a pas besoin d’un Fils pour nous Le rendre proche, ni d’un intercesseur pour nous réconcilier avec Lui, ni Lui avec nous ».[12] Et ceci encore : « Je n’affirmerais jamais un instant que le plus orthodoxe trinitarien ne peut pas aimer Dieu aussi ardemment et profondément que l’unitarien juif le plus convaincu. Je nierais pas un seul instant que de tels Trinitariens puissent l’aimer beaucoup mieux que de tels Unitariens. Je crois néanmoins qu’il est vrai de dire que la plénitude des ressources du Père est seulement connue de ceux qui savent que, ce que le Fils et l’Esprit peuvent représenter pour d’autres, sont pour eux concentrées en Lui. » [13]
Ce à quoi nous sommes confrontés, ce n’est pas tant à une opposition théorique au dogme chrétien qu’à une crainte pieuse de mettre l’accès au Père en danger. Montefiore semble avoir examiné de près l’affirmation chrétienne que « la plénitude des ressources du Père » n’est connue au mieux que par ceux qui deviennent des fils dans le Fils.
Montefiore n’est pas toujours aussi radical. Plusieurs passages dans ses livres adoucissent son affirmation précédente que les doctrines chrétiennes sur le Fils et l’Esprit Saint « sont des infractions à l’Unité divine et fausses ». Il admet que la voie est laissée ouverte pour un nouvel examen et une meilleure compréhension des positions à la fois juives et chrétiennes. Il écrit : « Nous devons réexaminer et exprimer de nouveau la doctrine de l’Unité divine. Il incombera aux théologiens juifs libéraux de prendre en considération les nouvelles interprétations modernes de la doctrine de la Trinité et de discuter dans quelle mesure elles sont ou ne sont pas en accord avec les points de vue juifs sur l’Unité. »[14]
Ailleurs il dit encore : « La même chose […] s’appliquerait à la doctrine de l’Esprit Saint. Ici aussi, il y a du travail à réaliser pour les théologiens juifs dans les limites du judaïsme ».[15]
Voilà donc un point de départ positif. Mais, pour autant que nous le sachions, aucun des théologiens juifs contemporains n’a entrepris la tâche ainsi décrite par Montefiore.
Les aspects les plus importants de cette tâche seraient de s’assurer de savoir ce que les chrétiens comprennent exactement sous le vocable de l’unité de Dieu d’une part et comment ils peuvent réconcilier cette unité avec leur christologie et leur pneumatologie d’autre part. Un autre aspect non moins important de cette tâche, serait la prise en considération des tendances « trinitaires » dans la tradition juive. Le fait que ces tendances ont souvent été sujettes à une exégèse superficielle et erronée ne doit pas nous empêcher de les examiner attentivement. Ce n’était pas un Père de l’Église, mais Philon lui-même, qui nous donna une interprétation trinitaire de la visite des trois Étrangers à Abraham sous le chêne de Mambré et qui écrivit : « Celui du milieu, assisté de ses deux Puissances, donne à la vision de l’esprit l’apparence de Un et parfois l’apparence de Trois […]. »[16]
Nous avons déjà observé à quel point l’idée trinitaire imprègne le Zohar. Nous pouvons ajouter à ce qui a été dit des triades du Sefirot ces paroles qui, sous leur apparence extérieure, révèlent exactement le même aspect que celui de la formule chrétienne : « L’Ancien des Jours a trois têtes. Il se révèle lui-même en trois archétypes, les trois n’en formant qu’un. Il est par conséquent symbolisé par le nombre Trois. Ils se révèlent l’un par l’autre. »[17] Les notions de Logos, Memra, Shekinah, Sagesse et Esprit Saint ne peuvent pas être expliquées en dehors du judaïsme historique. Bien sûr, lorsque nous parlons de « tendances trinitaires », nous devons éviter le piège dans lequel tant d’apologistes chrétiens sont tombés. Ce serait une erreur totale que de vouloir chercher dans la littérature rabbinique la conception chrétienne de la Trinité comme elle a été élaborée par les conciles du IVe siècle. Mais nous pourrions trouver quelque chose comme adumbratio ou praefiguratio d’une conception trinitaire de Dieu, quoique strictement monothéiste. Il y a des intuitions fugitives mais fortes et sans ambiguïté de ces vues « trinitaires ». Nous en reparlerons et nous nous y attarderons en son temps. Dans cette recherche nous ne trouverons pas de meilleur guide que le savant juif J. Abelson, qui a écrit un ouvrage classique sur l’Immanence de Dieu dans la littérature rabbinique.[18]
Il faudrait examiner les questions suivantes l’une après l’autre :
- L’idée juive de la Parole et sa filiation divine ;
- L’idée juive de la Présence divine manifestée sur terre, ou la Shekinah, et sa relation avec l’idée chrétienne d’Incarnation ;
- La doctrine juive de l’Esprit Saint ;
- L’idée juive de médiation et du pardon.
Lorsque nous aurons envisagé ces questions, il sera plus facile de voir si la vision de Dieu enseignée par la tradition juive est aussi irrémédiablement opposée à la vision chrétienne qu’on l’imagine généralement.
La Parole et le Fils
Une des caractéristiques les plus importantes de la littérature du Targum est l’emploi du mot Memra, « parole » (en hébreu Dibbur ou Maamar). Le terme de « Parole de Dieu » a eu un emploi antérieur dans la Bible, mais son utilisation dans le Targum a une connotation quelque peu différente. Dans la Bible, la « Parole » comprend trois idées. Elle crée (Ps 33,6) et renouvelle la face de la terre. Elle prend soin du peuple élu et protège son histoire. Elle inspire les prophètes et transmet la Loi. Dans la Bible, il y a déjà une tendance à personnifier la Parole (Ps 147,15 ; Is 55,11 ; 2,1 ; Ps 33,4 ; Jr 23,29). Mais cette personnification est poétique plutôt que métaphysique. D’autre part, dans la littérature post-biblique, la « Parole » semble devenir de plus en plus un intermédiaire entre Dieu et le monde.
Le Memra doit être distingué clairement du Hokmah, la Sagesse de Dieu. Lorsque la pensée juive s’aventura dans le domaine de la philosophie grecque, la doctrine de la Sagesse devait nécessairement changer de couleur au contact de ces idées étrangères : on commença à penser la Sagesse comme une essence quasi indépendante. Les dernières recherches montrent que la Sagesse personnifiée est une interpolation évidente du judaïsme d’après l’exil. Elles montrent une affinité saisissante avec une Astarté syrienne aux traits d’Isis ; ce symbole personnifié fut remplacé plus tard par une divinité alexandrine cosmique immanente.[19]
Le Memra ne doit pas davantage être identifié avec Metatron, l’Ange de la Présence. Comme le dit T. Herford : « Metatron est trop éloigné du Logos de la philosophie juive alexandrine, ou du Horos du gnosticisme, pour qu’il puisse être considéré comme l’expression du rejet rabbinique de ces conceptions […]. Il n’y a pas de doute qu’une idée de délégation d’un pouvoir divin est commune aux trois conceptions ; mais dans le cas de Metatron, la ligne est tracée plus nettement entre le serviteur et le Maître, la créature et le Créateur. »[20]
Le Logos de Philon, teinté d’idées platoniciennes et stoïciennes, est le Fils premier-né de Dieu, le prototype de l’Homme à l’image de qui tous les autres hommes ont été créés, l’Idée des idées, l’Intercesseur, le Paraclet et le Grand Prêtre – une sorte de seconde Déité. C’est vrai qu’à plusieurs égards importants, ce Logos de Philon diffère des conceptions rabbiniques. « Il y a cependant, selon Absalon, quelques allusions […] dans la littérature talmudique qui s’approchent de l’idée du Paraclet de Philon, ainsi que de celle de Memra, spécialement dans le Talmud de Jérusalem ».[21]
Un passage important du Cantique des Cantiques Rabba (i.3) personnifie fortement la Parole : on la montre qui vient à Israël et s’en écarte en parlant d’une voix retentissante. Dans le même commentaire (vi.3), la Parole intercède devant Dieu en faveur d’Israël.
Le Memra est-il simplement un expédient qui permet d’éviter l’attribution d’anthropomorphisme à Dieu ? Absalon pense que cela « n’est que la moitié de la vérité » , que l’idée de Memra « a un impact théologique réel et profond ».[22] C’était également l’idée de Nahmanide, dont les idées sur ce sujet dans son Commentaire sur la Bible (Gn 46,4) sont d’un grand intérêt. Nahmanide cite des passages frappants de la Bible et du Talmud qui ne peuvent pas échapper aux anthropomorphismes. Le Talmud parle sans gêne du bras, de la main, du doigt et des yeux de Dieu. Si le Memra est un mot créé dans l’intention d’écarter toute idée de corporéité à Dieu, pourquoi rencontrons-nous alors de tels anthropomorphismes approximatifs à d’autres places ? De plus, pourquoi le Targum emploie-il le mot Memra, alors qu’il n’y a pas le moindre soupçon d’anthropomorphisme ? Nahmanide considère que les expressions qui ont rapport avec le Memra ne sont pas un pur artifice, mais recouvrent un mystère profond : « Les étudiants connaissent leur secret », dit-il. L’idée du Memra est une partie essentielle de l’ancienne pensée rabbinique concernant la relation entre Dieu et le monde. C’est l’évolution constante de l’expression simple et grandiose du Psaume 33, 9 : « Car il parla et cela fut ».
On prie le Memra en s’adressant à lui comme une personne : « Écoute, ô Memra de Dieu, la voix de la prière de Juda ».[23]
Un renouveau de l’idée du Memra n’enlèverait pas un iota à l’unité absolue de Dieu. Et il préparerait certainement les juifs tout autant que les chrétiens à mieux comprendre le prologue du quatrième Évangile.[24]
L’idée de filiation en relation avec Dieu apparaît aussi bien dans l’Ancien Testament que dans la littérature rabbinique. Ce n’est pas seulement chaque Israélite, mais chaque membre de l’espèce humaine qui apprécie la paternité divine. Il serait facile, bien que de peu d’utilité, de citer ici toutes les références de l’Ancien Testament à la paternité de Dieu. Rappelons-en quelques-unes des plus frappantes : « Comme est la tendresse d’un père pour ses fils, tendre est Yahvé pour qui le craint (Ps 103,13)… Et cependant, Yahvé, tu es notre Père (Is 64,7.)… Car je suis un Père pour Israël (Jr 31,9)… Mon fils premier-né, c’est Israël (Ex 4,22)… Ephraïm est-il donc pour moi un fils si cher ? (Jr 31,20)… » L’expression Abinu Malkinu, « notre Père et notre Roi », revient souvent dans la liturgie de la Synagogue.
Dans cette filiation universelle, il y a un cas exceptionnel et unique. Certains passages dans la littérature rabbinique attribuent au Messie une filiation spéciale. Dieu dit au Messie : « Tu es mon Fils ».[25] Et le « Fils » du Psaume 80, 17 devient l’équivalent du « Roi Messie » dans le Targum. Bien que nous ne puissions parler du Roi Messie qu’en bégayant, il résulte de tels passages que le Messie est le Fils du Père dans un sens qui lui est particulier et qui ne pourrait pas s’appliquer à d’autres hommes. Et il est tout à fait certain que les rabbins qui parlaient ainsi avaient à l’esprit un Messie personnel.
Laissons de côté pour l’instant la personne du Messie pour revenir à la Parole. Le Zohar montre un rapport pour le moins étonnant entre les notions de Parole, de Fils et de Trinité. Le terme omer, « parole », révèle les mystères de la diversité divine dans l’unité. Dans ce mot, nous trouvons la lettre aleph, la première de toutes les lettres et le symbole du Père ; la lettre mem, symbole de la Mère (à cause du mot em = mère), la lettre resch, symbole de la Tête ou du Fils (rosh=tête). L’union de ces trois lettres forme la Parole ou le Langage. « Donc, le Père, la Mère et le Fils premier-né rayonnent l’un dans l’autre en une seule union… Tous sont donc unis comme pour devenir un… ils s’empressent… [de faire en sorte] que le Langage règne supernaturellement de façon à ce que tous soient un ».[26]
Conclurons-nous de tout cela que la doctrine chrétienne concernant la Seconde Personne de la Trinité, comme Parole et Fils du Père, doit se retrouver dans la littérature rabbinique ? Certainement pas. Mais nous avons raison de supposer qu’il y a eu, dans la tradition juive, un mouvement qui a conduit la pensée chrétienne à ses formules historiques concernant la Parole et le Fils. Un tel mouvement n’aurait pas pu avoir lieu s’il avait été incompatible avec la foi juive dans son ensemble, et s’il n’avait pas répondu à certains besoins intellectuels et spirituels.
L’emploi du terme rabbinique de « Fils » appliqué à la Parole ou au Messie – emploi exceptionnel à signification exceptionnelle – n’a pas scandalisé les juifs, parce qu’il ne laissait pas supposer une descendance physique. Une descendance physique n’est pas impliquée non plus dans l’application chrétienne du terme de « Fils » au Messie et à la Parole. Il n’y a rien en cela qui pourrait offusquer la foi juive. Pourquoi le judaïsme aurait-il peur d’un langage qui a été le sien ?
La Shekinah
Le mot même de Shekinah et sa conception a vu le jour avec l’idée que Dieu est descendu pour « demeurer » parmi les hommes. Cette conception nous conduit tout droit au cœur même de cette « traduction de sens » théologique, que nous avons mentionnée comme tâche qui incombe au dialogue moderne entre les juifs et les chrétiens. Nous pensons vraiment qu’il n’y a pas de concept plus important que celui-là en vue d’une approche chrétienne de la pensée religieuse juive.
Le mot Shekinah est un nom qui vient du verbe shekel « demeurer ». Il signifie inhabitation, ou présence durable de Dieu à un certain endroit. Le terme est apparu lors de la fixation du canon hébreu et a été employé pour la première fois dans le Targum. Nous le trouvons fréquemment dans le Talmud, la Midrash et le Zohar et nous pouvons le considérer comme caractéristique de l’ancienne théologie juive.
La Shekinah a fait l’objet de beaucoup de recherches historiques, philologiques et exégétiques[27], que nous ne pouvons même pas résumer ici. Nous allons simplement essayer de mettre l’accent sur quelques points.
(a) Personnification de la Shekinah
Nous allons citer, parmi beaucoup d’autres, quelques uns des passages les plus significatifs. La Shekinah était présente à l’intérieur du buisson ardent et a parlé à Moïse.[28] La nuée du Tabernacle, dont il est question dans Exode 40, 34-38, était, d’après la tradition rabbinique, la nuée de la Shekinah. La « main gauche sous ma tête » et « sa main droite m’étreignent » dans le Cantique des Cantiques devraient s’interpréter comme les « nuées de la Shekinah » qui « entourent Israël par au dessus et par en dessous ».[29] La littérature rabbinique développe, sous différentes formes, l’idée qu’un homme, sur le point de mourir, peut voir la Shekinah. Nous rencontrons souvent l’expression « recevoir la Face de la Shekinah », ce qui est le privilège de l’homme vertueux. Les « ailes de la Shekinah » signifiaient l’aspect protecteur de l’immanence de Dieu. Introduire un non-Israélite dans le bercail israélien, cela revenait à « le mettre sous les ailes de la Shekinah ». Moïse est mort sous ses ailes. « Quand un homme est malade, dit la Shekinah, je sens une lourdeur dans ma tête, je sens une lourdeur dans mon bras. »[30] Quelqu’un qui rend visite à un malade ne devrait s’asseoir ni sur le lit ni sur une chaise, mais par terre, recouvert, parce que la Shekinah se repose sur le lit.[31] Deux hommes, dont on cite les noms, étaient assis jadis dans une synagogue de Nehardea, lorsqu’ils entendirent le bruit d’un mouvement. C’était l’arrivée de la Shekinah. Ils se levèrent instantanément et quittèrent la synagogue dans un sentiment de crainte.[32] Dans la même synagogue de Nehardea, Rabbi Sheshet pria en personne la Shekinah, et la Shekinah exauça sa prière.[33] Rabbi Yannai dit que la Shekinah, après que le Temple fut détruit, se propagea elle-même et devint la possession du monde entier.[34] Avant cette période, le Dieu immanent n’atteignit l’univers que dans la concentration de la Shekinah dans le Temple. Selon d’autres anciens Rabbins, la Shekinah se cachait encore dans le mur ouest du Temple. D’après Rabbi Aha, la Shekinah, après avoir quitté le Temple, y retourne à intervalles réguliers, embrasse ses murs et ses piliers et pleure.[35]
(b) Nature de la Shekinah
« Ils virent Dieu, c’est-à-dire que la Shekinah s’était manifestée elle-même à eux ».[36] Comment devons-nous comprendre cela ? La Shekinah est-ce une simple périphrase, un synonyme de Dieu ? Il doit y avoir davantage dans l’idée de Shekinah que dans l’idée de Dieu, en effet le mot Shekinah exprime un aspect précis de Dieu : Dieu comme présence. Mais quelle sorte de présence divine se trouve impliquée dans la Shekinah ? La présence générale de Dieu, Son « omniprésence », ou une « présence spéciale », s’il nous est permis d’employer une telle expression ? Prenant en considération ce que les rabbins ont dit d’elle, l’associant avec le Tabernacle, le Sinaï, le buisson ardent, la colonne de lumière etc., nous pouvons alors dire en toute certitude que la Shekinah signifie une présence toute particulière de Dieu. Cette présence a les trois caractéristiques suivantes :
- Elle est localisée en un endroit précis de l’espace, elle « demeure » en un endroit ;
- Elle est déterminée dans le temps, elle se manifeste à un certain moment ;
- Elle n’est pas nécessairement due ni liée à l’omniprésence de Dieu, comme essence infinie, mais elle dépend de la libre grâce et de la condescendance de Dieu.
Une fois qu’on a admis cette Présence spéciale, on peut se poser une autre question. Cette Présence est-elle directe et immédiate ? C’est-à-dire : est-elle une objectivation de la Présence divine elle-même ? Ou bien cette Présence spéciale est-elle indirecte et médiate ? Cette Présence a-t-elle comme support, une sorte d’intermédiaire, quelque chose qui n’est pas d’essence divine, comme la lumière créée ou les anges ? Les deux opinions ont eu leurs défenseurs. Au siècle dernier, Gfrörer a vu dans la Shekinah un intermédiaire de la même nature que le Logos de Philon, tandis que Maybaum et Hamburger ont considéré la Shekinah comme la présence de l’essence même de Dieu. La même question avait déjà été débattue au Moyen Âge. Maïmonide, dans son Guide des Ėgarés, soutenait que la Shekinah était une lumière créée, intermédiaire entre Dieu et le monde. Nahmanide croyait au contraire que la Shekinah était la manifestation directe de l’essence divine.
Il reste une troisième question. Si nous admettons que la Shekinah est l’essence divine même, constitue-t-elle une entité distincte du Père ? La Shekinah est-elle identifiée avec le Père de telle manière qu’une relation « Je-Tu » entre eux est impossible ? Ou bien une distinction personnelle entre le Père et sa Shekinah est-elle compatible avec leur identité fondamentale?
Il semble hautement probable que le génie hébreu n’entre pas dans de telles précisions métaphysiques. Cependant des expressions qui reviennent souvent comme « Dieu envoya sa Shekinah » ou « Dieu a amené sa Shekinah pour demeurer » pourraient s’interpréter à juste titre dans leur sens évident et littéral, c’est-à-dire dans le sens d’une distinction personnelle qui n’exclut cependant pas une identité d’essence.
(c) Shekinah et Gloire
La Shekinah a souvent été considérée comme synonyme de « la Gloire de Yahvé » mentionnée dans la Bible et la littérature rabbinique. C’est pourtant une erreur. La Gloire (Kabod ou Yekarah) était une apparence physique particulière, indice de la présence divine : par exemple, le feu ou la nuée dans les théophanies ; mais la relation de ce phénomène physique à la Présence elle-même était une relation de signe à chose signifiée. La Gloire représentait une manifestation extérieure ou un rayonnement de la Shekinah. Avec l’emploi du terme « Gloire », nous trouvons l’expression ziv-ha-shekinah, « la brillance de la Shekinah ».
(d) L’idée de la Shekinah et la pensée chrétienne
Nous touchons ici à un ensemble de problèmes complexes et des plus importants. Et nous n’avons pas la prétention de faire plus que de les introduire et de les exposer aussi clairement que possible ; mais chacun d’eux pourrait faire l’objet d’un traité entier.[37]
Le premier problème est historique : quel lien y a-t-il, s’il y en a un, entre le développement de la littérature sur la Shekinah et les croyances chrétiennes des premiers siècles ? La littérature sur la Shekinah (qui commence avec le Targum Onkelos) s’est développée dans des cercles juifs de Babylone, pendant une période où la pensée chrétienne s’était déjà constituée de traits bien précis. Il se fait que les doctrines juives et chrétiennes concernant l’immanence de Dieu présentent tant de points de convergence qu’il n’est presque pas possible qu’elles aient coexisté sans entrer en contact les unes avec les autres. Il faut envisager deux possibilités. Soit la littérature chrétienne des premiers temps, dans ses aspects immanentistes (spécialement le quatrième Évangile) a emprunté certaines idées qui circulaient déjà dans des milieux juifs, soit la littérature juive sur l’immanence, depuis la fin du premier siècle, a emprunté certaines notions chrétiennes. Cette dernière hypothèse est susceptible de deux interprétations. Ou bien une interprétation naturelle et irénique de la pensée juive par des courants chrétiens a eu lieu, ou bien le contact entre les pensées chrétienne et juive peut avoir provoqué une réaction de nature polémique dans les milieux rabbiniques. Si tel est le cas, l’évolution de l’idée de la Shekinah aurait tendance à prouver que la foi juive admet un Dieu aussi proche des hommes et aussi présent parmi eux que le Dieu chrétien, et en même temps, que cette présence est une notion plus pure et plus spirituelle que l’Incarnation chrétienne. Ludwig Blau écrit : « L’attitude polémique que la conception de la Shekinah révèle à l’égard du fondateur et de l’idéal du christianisme est sans ambiguïté ».[38] C’est possible, mais nous ne disposons pas de preuves. Mais même si l’idée de la Shekinah s’est réalisée sous influence chrétienne et peut-être même en réaction contre celle-ci, l’origine de cette notion doit être trouvée. Ni les écrivains juifs, ni les écrivains chrétiens de la fin du premier siècle ne l’ont créée de toutes pièces. A-t-elle été formée pendant la période des apocryphes ? Quelle a été la part exacte du judaïsme alexandrin dans cette formation ? Il nous faut encore trouver une solution à ces questions.
Un autre problème soulevé par l’idée de la Shekinah tombe dans le ressort de l’exégèse du Nouveau Testament. Les écrivains du Nouveau Testament connaissaient-ils cette doctrine ? Nous trouvons au moins deux textes du Nouveau Testament qui contiennent une allusion à la Shekinah, Jean 1, 14 et l’Apocalypse 21, 3 où les mots grecs eskenosen et skene, d’un usage plutôt rare en grec et désignant tous les deux l’inhabitation de Dieu parmi les hommes, semblent constituer un jeu de mots en référence à l’hébreu sheken shekinah. Il se peut que l’idée juive d’inhabitation divine ait pu avoir une influence sur Jean 14, 23, 2 Corinthiens 6, 16, et Colossiens 2, 9. De plus la doxa du Nouveau Testament correspond exactement à la kabod ou yekarah (gloire) de la tradition juive.
La notion de Shekinah soulève encore d’autres problèmes plus difficiles, non pas de nature historique ou philologique, mais de nature purement théologique. Cette notion pourrait-elle devenir un pont entre le monothéisme juif et le christianisme ? Pourrait-on élaborer à partir de là une « christologie hébraïque » ? Les juifs et les chrétiens pourraient-ils s’entendre en considérant Jésus comme la Shekinah vivante du Père – la pleine manifestation de la Présence, la parfaite inhabitation de Dieu parmi les hommes ? Il serait peut-être très facile pour un christianisme moderniste ou libéral de développer une pensée dans cette perspective, et pas trop difficile non plus pour un judaïsme libéral de s’en approcher d’assez près (« Je ne nierais pas que le dogme de l’incarnation de Dieu en Jésus a eu ses effets tant en bien qu’en mal, » dit Montefiore[39] ) – pourvu qu’on n’insiste pas trop pour donner à la terminologie un sens précis. Alors l’idée de la Shekinah pourrait-elle devenir un lien entre le judaïsme orthodoxe et le christianisme orthodoxe ? Une christologie de la Shekinah pourrait-elle être en cohérence avec la foi de Nicée ? Sans vouloir donner une réponse directe à ces questions, nous aimerions attirer attention du lecteur sur les points suivants :
1. Nous pouvons interpréter le Christ dans les termes de la Shekinah seulement si nous lui donnons le sens d’une Présence « spéciale » de Dieu – préfigurée par la Présence spéciale dans le buisson ardent ou la colonne de feu – et non de l’« omniprésence » divine.
2. Si nous croyons que le Christ est l’accomplissement suprême de la Shekinah, nous devons adopter l’interprétation de Nahmanide plutôt que les vues de Maïmonide, c’est-à-dire, nous devons considérer la Shekinah non pas comme un intermédiaire, mais comme la présence de l’essence divine elle-même. Accepter les vues de Maïmonide reviendrait à abandonner la consubstantialité de Jésus et de Son Père. La thèse de Nahmanide, appliquée à Jésus, sauvegarderait la doctrine de l’homoousios.
3. Nous devrions comprendre la Shekinah de telle façon qu’une relation « Je-Tu » soit toujours possible entre Jésus et le Père. Tout en affirmant l’identité de leur essence divine, nous devrions maintenir une réelle distinction des personnes.
4. Nous devrions insister sur la réalité humaine de Jésus, sur sa nature en tant qu’homme complet, de sorte qu’on ne puisse pas le prendre pour une pure apparence, doxa ou gloire de Dieu, dépourvue de toute réalité humaine. De même, nous devrions faire attention à ce qu’en parlant de Jésus en termes de Shekinah, nous voulions dire une union de Dieu et de l’homme et non une confusion des natures divine et humaine. Montefiore a mal interprété la foi chrétienne quand il écrit que le dogme de l’incarnation de Dieu en Jésus « s’appuie sur une confusion, la confusion de Dieu avec l’homme ».[40]
Nous ne prétendons pas que ces idées apportent une solution à tous les problèmes soulevés par une « christologie de la Shekinah ». Cela supposerait une analyse plus détaillée. Nous constatons seulement la possibilité d’élaborer, en accord avec la Shekinah, une christologie compatible avec les définitions historiques qu’il ne faut pas mépriser. Nous pensons que cette approche hébraïque est plus accessible aux juifs – et même à certains chrétiens venus du paganisme – que l’approche grecque. À première vue une christologie de la Shekinah paraîtra plus simple que le symbole de foi de Nicée. Et si on ne veut pas aller au-delà d’une conception générale des choses on pourrait en rester là. Mais, dès que l’on essaie de clarifier les significations et les implications, on retombe sans cesse sur les problèmes récurrents concernant la nature, l’essence, la personne, etc. – problèmes auxquels les conciles grecs ont donné des réponses qui gardent leur valeur en permanence (comme nous le pensons). Il serait possible de repenser et de reformuler les mêmes problèmes par des approches hébraïques, semblables à la Shekinah. La réalisation d’une telle tâche est encore éloignée. Néanmoins, l’idée de la Shekinah peut être, déjà maintenant, une excellente base, et peut-être la meilleure, de présenter la pensée chrétienne en continuité avec la pensée juive. Nous espérons avoir donné au moins un aperçu fugitif de l’importance de ce thème pour la théologie chrétienne.
L’Esprit Saint
L’Ancien Testament parle souvent de « l’Esprit de Yahvé » et de « l’Esprit d’Elohim ». On distingue deux caractéristiques de l’Esprit dans l’Ancien Testament. D’une part toutes choses furent créées par l’Esprit. D’autre part l’Esprit est répandu sur les hommes que Dieu s’est choisis. C’est par l’Esprit que le prophète entend la voix et voit ce qui doit arriver. On se rappelle le texte de Joël 2, 28-29, cité par Pierre (Ac 2,16 sq.). L’expression « Saint-Esprit » (hébreu Ruah-ha-Kodesh, grec Pneuma to agion) ne se rencontre que dans le Psaume 51, 13 et chez Isaïe 63, 10.
Dans la littérature rabbinique, le terme de Saint-Esprit revient plus fréquemment et a un sens un peu plus précis que dans l’Ancien Testament. Voici quelques caractéristiques du Ruah-ha-Kodesh rabbinique.
Le Saint-Esprit est associé à certains phénomènes physiques : la lumière, le feu, le vent, le son, l’eau. Il peut être « hissé » comme l’eau d’un puits. (Les mots de l’Évangile sur le baptême dans le Saint-Esprit, ou le baptême avec l’eau et le feu, semblent refléter ces idées juives.) Et dans l’Évangile, l’Esprit prend la forme d’une colombe. « La voix de la colombe » dans le Cantique 2, 12, devient « la voix de l’Esprit Saint » dans le Targum. Rabbi Ben Zoma interprète de cette façon le passage de la Genèse 1, 2, concernant l’Esprit qui plana à la surface des eaux : « Le Trône de Gloire était suspendu en l’air et couvait la surface des eaux… comme une colombe couve son nid ».[41] Un docteur de la Loi entendit dans une ruine la voix de l’Esprit roucoulant comme une colombe et se plaignant des péchés des hommes.[42] L’Esprit est souvent associé à la Bal Kol (littéralement la « voix fille »), la voix du ciel qui proclame la volonté de Dieu aux personnes et aux communautés.[43]
L’Esprit demeure non seulement sur les prophètes mais également sur de simples enfants d’Israël et même sur des païens. L’annonce de l’universalité du don de l’Esprit est un grand succès de la littérature rabbinique. Écoutons cette déclaration solennelle : « Je rends témoignage devant le ciel et la terre que l’Esprit repose sur un non-juif comme sur un juif, sur une femme aussi bien que sur un homme, sur des servantes comme sur des serviteurs ».[44]
Le Saint-Esprit se trouve dans une relation particulière avec la Parole de Dieu (Memra, Dibbur, Logos). Lorsque l’Esprit « couvait la surface de l’eau », c’était « par la bouche de Dieu et par sa Parole ».[45] Le Zohar clarifie cette relation et suggère que le Ruah-ha-Kodesh est à considérer comme l’organe ou la voix de la Parole : la phrase de l’Ancien Testament « et le Seigneur apparut à Abraham » contient une allusion secrète à la Voix audible qui est liée à l’expression orale. [46]
La conception de l’Esprit comme Voix le rend distinct non seulement de la Parole, mais de la Shekinah et de la Gloire.
L’Esprit est également associé au Messie et participe à son travail. L’Esprit de Dieu qui plane à la surface des eaux (Gn 1,2) est l’Esprit du Messie.[47] Le terme de « voix de la colombe » est une paraphrase, non seulement comme « voix du Saint-Esprit », mais plus précisément comme « voix du Saint-Esprit en rapport avec la rédemption ».[48]
L’Esprit est fortement personnifié. Il « crie », il « pleure » et il « parle ». Comme le mot ruah est à la fois masculin et féminin, le Saint-Esprit est aussi bien conçu comme homme que comme femme. Il est très difficile, dans la pensée rabbinique, d’essayer de définir la nature du Saint-Esprit. L’expression peut très bien être une simple circonlocution pour Dieu, mais habituellement elle a une connotation plus profonde. « Dans l’Ancien Testament, il y a certainement un élément inexplicable à son sujet » écrit Abelson[49], et cela est plus vrai encore dans la littérature rabbinique. Nous pouvons dire très souvent avec certitude que Ruah-ha-Kodesh ne signifie, ni le Père lui-même, ni aucune de Ses propriétés. Abelson conçoit l’Esprit, dans la tradition juive, comme « une émanation de Dieu, une trace visible, ou plutôt perceptible de Ses œuvres dans le monde et dans le cœur de l’homme ».[50]
Ces mots sont sans doute trop faibles. Ils nous rappellent la pneumatologie de Philon. Selon le grand Alexandrin, l’Esprit de Dieu est un afflatus divin qui vient sur tous les hommes, une sagesse invisible dont tout homme sage reçoit une part et qui peut se communiquer comme le feu de torche à torche ; cette notion n’est pas éloignée du enthousiasmos de Platon. Mais la conception de l’Ancien Testament et des rabbins est beaucoup plus précise. Elle voit dans l’Esprit une énergie quasi personnelle, voire vraiment personnelle, de Dieu. Ne sommes-nous pas en droit de dire que cette vision juive traditionnelle de l’Esprit était une ébauche de la conception chrétienne de l’Esprit Saint ? Entre le premier chapitre de la Genèse, qui représente l’Esprit de Dieu comme coopérant avec la Parole dans l’organisation de la création, et le dernier chapitre de l’Apocalypse, qui représente l’Esprit comme celui qui parle dans l’Église universelle, nous ne voyons guère de différence, surtout pas d’hyperbole, mais un développement continu et organique. La pneumatologie rabbinique est loin des positions avancées de la pensée chrétienne. Elle offre néanmoins un terrain commun également précieux (ou qui peut le devenir) aux juifs et aux chrétiens.
Le Grand Pardon
Le judaïsme des rabbins modernes réfute, dans un langage des plus fort possible, un quelconque Médiateur, une quelconque personne intermédiaire entre Dieu et l’homme. Les autorités les plus représentatives déclarent que dans le judaïsme il n’y a pas de place ni de besoin d’ailleurs pour la doctrine chrétienne de la rédemption ou de la réconciliation. « Après la mort, nous pouvons certes être punis, mais la punition sera curative… À qui devons-nous rendre des comptes ? À un Père vivant et aimant, qui aspire à pardonner au pécheur repentant. Que devons-nous craindre alors ? Wozu der Lärm ? En résumé, voilà la position juive moderne, l’enseignement des rabbins aujourd’hui ».[51] Et de fait, c’est vraiment l’enseignement des rabbins tant orthodoxes que libéraux. Mais exprime-t-il exactement la tradition juive ? Examinons quelques aspects du judaïsme de plus près.
(a) Le péché originel
La plupart des juifs, qui reconnaissent que l’homme est responsable des péchés commis de sa propre volonté libre, ne croient en aucun péché originel. Mais la tradition rabbinique admet qu’il y a dans l’homme une tendance qui porte son esprit vers le mal.[52] La majorité des théologiens juifs ne tiennent pas Adam pour responsable des péchés de l’humanité. Quelques uns, cependant, enseignent que ce « soi-disant » péché originel » (l’expression se retrouve chez J. Eisenstein[53]) est à attribuer au fait qu’Adam a cédé à la tentation et que ce péché a été hérité de ses descendants. D’autres rabbins nient l’influence du péché d’Adam, mais confèrent au péché du veau d’or un aspect héréditaire affectant vingt-quatre générations.[54] Le célèbre mystique et cabaliste Isaac Luria enseigne, quant à lui, que, depuis Adam, toutes les âmes ont été plus ou moins « troublées », de sorte qu’elles sont toutes inévitablement « entachées de péché » ; aussi Abelson considère-t-il que la théorie de Luria « pourrait passer pour…une approche de l’enseignement chrétien sur le péché originel. »[55]
(b) Le Pardon
Les idées d’expiation, de purification du péché, de propitiation, et de réconciliation sont exprimées par les mots apparentés de près aux termes hébraïques de kipper, kopher, kapparah, qu’on rencontre dans l’Ancien Testament. Dans son œuvre immense où nous retrouvons un enseignement minutieux sur ce sujet,[56] A. Büchler a démontré que, ce ne sont pas les sacrifices qui ont purgé le péché mais la repentance, et que la part la plus importante de la rédemption sacrificielle a été livrée par un rite objectif, le versement du sang. La notion de rédemption objective a-t-elle survécu au judaïsme après le Temple et la synagogue ? Depuis la fin des sacrifices, le Jour du Grand Pardon est devenu le jour qui entre à merveille dans le schéma de repentance rabbinique. S’il est vrai que le Jour du Grand Pardon (Yom Kippur) ne peut produire son effet que si la repentance y est associée,[57] le Yom Kippur a néanmoins une valeur rédemptrice. Bien qu’on n’offre pas de sacrifices, le jour lui-même accorde le Grand Pardon. [58]
(c) Intercesseurs et expiateurs
L’histoire montre que le judaïsme n’a pas rejeté l’idée de personnes intervenant entre Dieu et l’homme. Le Logos de Philon est un intercesseur, qu’il décrit comme le Grand Prêtre, qui de par sa fonction expie le péché. Il l’appelait iketes, « suppliant » en faveur des hommes, et paracletos : « Il était indispensable pour l’homme, qui était consacré au Père du monde, qu’il ait comme Paraclet son Fils, qui, plus parfait en vertu, pouvait procurer le pardon et des bénédictions sans limites. »[59]
L’aqedah ou l’attachement d’Isaac avait des conséquences les plus importantes pour le pardon des péchés des descendants de celui-ci. Les rabbins insistent sur la bonne volonté d’Isaac de se laisser lier pour le sacrifice ; ils élargissent même le sens du récit biblique et disent qu’Isaac demanda à son père de l’attacher fermement, de façon à ce qu’il ne puisse pas trembler.[60] Si Dieu, dans la Pâque juive a épargné le premier-né de son peuple, c’est parce qu’il a vu le sang d’Isaac, sans qu’il ait été répandu.[61] Lorsqu’on mentionne le fait d’attacher Isaac, Dieu se lève de son trône de jugement et s’assied sur le trône de compassion.[62] Le service Selihah (ou service de prières pénitentielles) contient l’aqedah. Une des raisons pour sonner de la corne de bélier le Jour du Grand Pardon est que Dieu peut se souvenir d’aqedah et accorder le pardon à la descendance d’Isaac.
Phinéas est un autre intercesseur. Son zèle sursoit le fléau qui s’était déclaré parmi les Israélites comme punition pour leur péché, et Dieu le récompense avec la promesse que le sacerdoce demeurera à perpétuité dans sa famille (Nb 25, 7-15). Ce petit-fils d’Aaron est hautement loué dans la littérature rabbinique. « Même jusqu’à ce jour il ne cesse de l’être et il se tient debout et il obtient le pardon jusqu’à ce que les morts revivent. »[63]
Tout homme juste est un médiateur et intercesseur. « De même que le Jour du Grand Pardon a pour effet de racheter, de même la mort des justes obtient le même effet. »[64] « La mort des justes pèse autant que l’incendie du Temple. »[65] « Même pour l’amour d’un seul homme le monde aurait été créé, et pour l’amour d’un seul juste il subsistera ».[66]
Dans beaucoup d’exemples, l’ « Attribut de Pardon » (mentionné dans le Talmud et le Midrashim) est hypostasié et représente une personnalité qui parle et plaide devant Dieu pour les péchés d’un individu ou de la nation.[67]
(d) Le Messie souffrant
On admet habituellement comme chose évidente que les juifs n’attendaient pas un Messie souffrant ; que dans la littérature apocalyptique il y a seulement une idée vague, douteuse, qui réponde à cela. Que trouvons-nous dans la littérature rabbinique ? Voici quelques textes significatifs :
« Les souffrances sont réparties en trois portions…dont une est pour le Messie ; en effet, il est écrit : Il fut blessé pour nos transgressions ».[68]
« Nos maîtres ont dit : Son nom sera celui de Lépreux de la maison de Rabbi, car il est dit : Il fut chargé sûrement de nos péchés et supporta nos douleurs : alors que nous estimions qu’il était frappé de lèpre et rejeté par Dieu ».[69]
« Quand viendra le Messie ? Et quelle sera sa particularité ? Il s’assiéra parmi les misérables qui sont frappés de maladie ».[70]
« Dieu dit au Messie… Ils feront de toi comme un veau aux yeux sombres et ils étrangleront ton souffle sous le joug….Veux-tu accepter cela ? …Le Messie répliqua : Avec allégresse du cœur et de l’âme j’accepte cela, mais à une seule condition, que pas une seule âme d’Israël ne soit perdue ».[71]
« Nos maîtres ont dit : Il n’y a pas de fin aux souffrances dont notre Messie est affligé dans chaque génération à la mesure des péchés de chaque génération ».[72]
« Tout le bien que je vous ferai, je le ferai en vertu des mérites du Messie… Il est juste et il apporte le salut en abondance… Affligé et montant un âne : voilà le Messie… ».[73]
« Lorsque le Fils de David viendra, on apportera des poutres de fer et on les mettra… sur son cou… Et il pleurera… Alors Dieu dira : Éphraïm, mon juste Messie, tu as accepté tout cela depuis le début de la création. Ta souffrance sera maintenant la mienne ».[74]
« Le Patriarches diront : Éphraïm, mon juste Messie, tu es plus grand que nous, car tu as porté les péchés de tous nos enfants et les lourds châtiments… et tout cela t’est tombé dessus à cause des péchés de nos enfants ».[75]
Les souffrances rédemptrices du Messie sont tellement mises en valeur dans ces passages du Pesikta Rabbathi que Moore y voit une interpolation tardive de la doctrine chrétienne.[76] Mais il n’en apporte pas la preuve, et le fait demeure que le judaïsme médiéval accepta les passages en question comme le produit d’une pensée juive authentique. Etant donné la force expressive de ces textes, les paroles suivantes de Montefiore concernant le Messie sembleront être un euphémisme : « Il y a des allusions occasionnelles à ses souffrances – et même à ses souffrances pour l’amour de son peuple ».[77] Telles quelles, ces paroles n’en sont pas moins un aveu important.
Que l’idée d’une alliance en vue de la rédemption soit une force vivante en Israël est prouvé par l’existence d’une « secte de Damas », dont les membres s’appelaient eux-mêmes « les hommes qui sont entrés dans la nouvelle alliance du pays de Damas ». Cette alliance était une berith de pénitence. Les croyants se référaient à un pardon accordé par Dieu lui-même, et ils attendaient la venue d’un Messie « d’Aaron et d’Israël », qui devait venir « à la fin des temps », un Maître de Justice qui serait accueilli par les « pauvres du troupeau » – « et par son Messie, Dieu leur ferait connaître son Saint-Esprit ».[78]
Nous devrions signaler ici les cinq volumes écrits à partir de 1933 par Jean-Joseph Brierre-Narbonne concernant les références au Messie dans la littérature post biblique.[79] Ils contiennent la collection la plus complète de ces textes, avec de bonnes traductions et d’excellentes introductions.
(e) Le Serviteur souffrant
La question que l’eunuque éthiopien posa à Philippe au sujet de la signification d’Isaïe 53, 8 : « De qui le prophète a-t-il parlé de cette façon ? De lui-même ou d’un autre homme ? » (Ac 8,34) reste un sujet de dialogue entre l’Église et la synagogue.
La majorité des critiques modernes soutiennent que les soi-disant passages concernant le Serviteur se rapportent à un personnage national ou à la collectivité personnifiée d’Israël et sont dépourvus de signification messianique. La question à laquelle nous sommes confrontés ici n’est pas de savoir quelle interprétation est exacte, mais comment la tradition juive a compris ces textes.[80] Il est vrai que beaucoup de commentateurs juifs ont abandonné la théorie messianique au cours des siècles. Saadiah a vu en Jérémie l’original du Serviteur. Ashi, Ibn Ezra, Qimhi, Abarbanel ont interprété la prophétie comme s’appliquant à Israël. Nahmanide a laissé à ses lecteurs le soin de choisir en toute liberté entre Israël ou le Messie. Mais l’exégèse juive classique du Targum et du Talmud a interprété Isaïe 53 comme se référant au Messie même. Rabbi Ibn Danon a protesté contre Rabbi Joseph Ben Kaspi, qui disait que ceux qui exposaient ce chapitre sur le Messie « prêtaient l’occasion aux hérétiques de l’interpréter comme signifiant Jésus ». Ibn Danon a écrit : « Que Dieu lui pardonne de ne pas avoir dit la vérité !... Le principe auquel tout commentateur devrait se tenir est de ne jamais hésiter à déclarer la vérité de sorte qu’il ne puisse pas faire d’erreurs de jugement comme des sots pourraient en faire ». Israël Abrahams déclare, en parlant de l’exégèse juive d’Isaïe 53 : « L’interprétation messianique a persisté et elle persiste ».[81]
Certains rabbins ont fait le lien entre l’interprétation messianique et l’interprétation historique. Ibn Danon, quant à lui, avait reçu une révélation privée au sujet du Serviteur souffrant : il lui avait été communiqué du ciel que le passage avait été prononcé au début en référence au roi Ézéchias mais quand même comme « une parole dite adroitement », faisant subtilement allusion au Messie. Salomon de Marini pensait qu’Israël et le Messie étaient visés tous les deux. De telles interprétations gagnent du terrain aujourd’hui. Les trois interprétations du Serviteur souffrant – l’interprétation personnelle, la communautaire et la messianique – ne s’excluent pas l’une l’autre, mais peuvent s’harmoniser comme trois visions ou phases de la même réalité. Une bonne partie des chants du Serviteur traitent de toute évidence des événements qui se sont produits dans le passé et se rapportent à un personnage bien connu tel que Zorobabel, selon Friedmann (1890) et Sellin (1898), ou à Jehoiachim, d’après Levertoff (1905) et Sellin (1909) – ce Jehoiachim qui, après avoir passé trente-six ans en prison, fut libéré et rétabli dans son état de prince par le roi de Babylone. Mais le héros national pouvait facilement devenir un symbole pour Israël, et Israël un symbole pour le Messie. C’est ainsi qu’Edouard König, pour qui le Serviteur souffrant est Israël, conclut son livre The Exile’s Book of Consolation : « …La meilleure part du peuple de Yahvé, qui supporta dans la foi et la patience les souffrances de l’exil, fut considérée comme l’archétype de Celui qui, bien qu’il fût absolument innocent, prit cependant sur Lui de lourdes souffrances, de sorte que l’humanité puisse être rachetée d’un véritable exil qui réside dans la séparation d’avec Dieu ».[82]
En tant qu’exemple des plus savants et des plus remarquables du mélange des interprétations personnelles, nationales et messianiques, s’offre à notre attention la reconstitution récente du cérémonial de la Fête des Tabernacles dans le livre d’Aubrey Johnson.[83] Nous pouvons en développer seulement l’idée principale. À partir de certains psaumes, Johnson déduit que la Fête des Tabernacles se conformait à certains schémas rituels courants au Proche-Orient, qui culminaient dans la représentation symbolique de la mort et de la résurrection (« vie nouvelle après la mort ») du dieu, dont la place avait été prise par le roi. Le roi d’Israël, représentant de Dieu sur terre et son fils adoptif, et en outre point convergent du moi psychique du peuple, devait symboliquement souffrir l’humiliation et ensuite être délivré et restauré dans son pouvoir, de sorte que le peuple, formant un tout psychique avec son roi, puisse être sauvé de la mort et considéré comme « juste ». Le poète devait connaître le cérémonial qui se déroulait chaque année au Temple de Jérusalem ou y avoir assisté. À la lumière de ce cérémonial, il interpréta les souffrances qu’avaient entraînées, pour Israël, la chute de Jérusalem et la captivité; espérant que le résultat final serait le même ; il releva les similitudes suivantes :: la nation = le roi = le Serviteur = le Fils. Et le Fils dans les psaumes s’identifiait au Roi davidique ou Messie. Pour la défense de cette interprétation subtile, Johnson ne se limite pas à des généralités, mais il étend sa recherche jusqu’à des détails infimes.
Dans sa dernière grande contribution à la théologie, Rudolf Otto a essayé de prouver que Jésus a interprété sa propre mort à la lumière de la conception du Serviteur Souffrant du second Isaïe.[84] Commentant les vues d’Otto, Newton Flew écrit : « La preuve que Jésus a transformé, à la lumière d’Isaïe 53, la conception de son époque du messianisme, est cumulative et, je pense, convaincante ».[85] Un spécialiste catholique romain, J. S. Van der Ploeg, a écrit une défense minutieuse et bien documentée de l’interprétation traditionnelle du Chant du Serviteur, dans lequel il voit une prophétie littérale du Messie chrétien, en raison d’une révélation divine directe.[86] Par conséquent, malgré une tendance actuelle divergente, l’interprétation messianique juive d’Isaïe 53 a survécu selon une ligne ininterrompue jusqu’à nos jours.
(f) La Croix
Le thème de la croix intervient dans la littérature rabbinique, mais n’y est pas traité de façon systématique ni explicite, bien qu’il y soit fait allusion d’une façon assez mystérieuse et presque inaperçue. Selon une interprétation rabbinique, les paroles de Deutéronome 28, 66 : « Ta vie sera suspendue pour toi », reviennent à dire : « Celui qui sort pour être crucifié »[87]. Rabbi Ammi écrit : « Tu penses que l’expression “soit un juif soit un crucifié” est une injure ; ce n’est pas une injure mais, au contraire, un éloge »[88], établissant ainsi un lien à peine voilé entre Israël et la croix. Dans un autre texte, une parabole, un roi voit comment on pose une poutre sur les épaules de son fils, conduit à la mort, et il s’exclame : « Mettez-en moi autant que vous voulez : je le porterai ».[89] (Nous retrouvons ici les deux idées importantes qui sont celle de la punition du fils du roi et celle du portement volontaire de la croix). Le dialogue émouvant qui suit s’établit entre Rabbi Nathan et la communauté d’Israël : « Que s’est-il passé pour que tu sortes ainsi pour être crucifié ? – C’est parce que j’ai mangé du pain sans levain. – Pourquoi t’ont-ils flagellé ? – Parce que je portais des branches de palmier ; ces châtiments m’ont fait gagner la faveur de mon Père dans les cieux ».[90] Sans vouloir forcer ces passages pour leur donner une interprétation claire et précise, il est à peine nécessaire de montrer l’intérêt qu’ils présentent pour un chrétien.
En terminant cette enquête au sujet des interprétations de l’expiation et du pardon, nous devons souligner avec force que les idées de péché originel, de pardon général, d’intercession, de souffrance par personne déléguée, de souffrance messianique – idée qui semble absente du judaïsme moderne (bien que nous puissions la trouver même là, si nous nous efforçons de comprendre la signification exacte du Jour du Grand Pardon) – ont leur place dans l’enseignement du judaïsme le plus ancien et le plus authentique.
Éléments communs au judaïsme et au christianisme
Nous avons tenté de comparer la foi juive et la foi chrétienne concernant les points sur lesquels on considère qu’elles se différencient totalement. Nous avons fait des recherches pour voir si les doctrines chrétiennes de la Parole, du Fils de Dieu, du Saint-Esprit, de l’Incarnation et de la Rédemption sont aussi étrangères et opposées au monothéisme juif qu’on le suppose en général. Nous avons constaté combien les traditions juives du Memra, de la Filiation, de la Shekinah, de l’Esprit, du Grand Pardon peuvent nous aider à résoudre ce problème. Quelles sont maintenant les conclusions générales que nous pouvons en tirer ?
Nous devons renoncer définitivement aux efforts entrepris un peu naïvement pour retrouver dans la tradition juive les dogmes prescrits sur la Trinité, l’Incarnation et la Rédemption. Nous ne saurions trouver, ni déduire, ni prouver de pareils enseignements dans le Targum, le Talmud et le Zohar. La question de savoir si l’on peut les établir à partir de l’Écriture seule ne se pose pas ici, étant donné que nous n’avons pas l’intention de considérer le judaïsme indépendamment de sa théologie historique.
Nous aurons quand même l’audace de dire que certains éléments fondamentaux sont communs aussi bien à la tradition rabbinique qu’à la christologie, la sotériologie et la pneumatologie chrétiennes. Ces éléments, nous pouvons les trouver dans le judaïsme dans les différents enseignements qui ont essayé d’exprimer l’intercommunion entre Dieu et l’homme. Les notions juives concernant le Memra, la Filiation divine du Memra et du Messie, la Shekinah, le Ruah-ha-Kodesh, le kapparah, les intercesseurs de même que les spéculations du Zohar concernant l’aspect trinitaire de la Divinité, contiennent un certain nucleus théologique qui est au centre même des doctrines chrétiennes de la Trinité, de l’Incarnation et de la Rédemption. Comme le dit Absalon en parlant du Zohar : « Certaines doctrines importantes du christianisme sont ancrées dans ces idées ».[91]
Il semble qu’au point de départ, de telles idées ont été une expérience spirituelle, un appel ardent à une « descente » de Dieu vers l’homme, à l’expiation du péché par un Médiateur parfait. Ces expériences intérieures, qui concordent avec certains passages de l’Écriture, ont fait naître une certaine réflexion encore assez vague. À un stade plus avancé, ces réflexions se sont cristallisées dans des conceptions précises : la conception de la Parole et de l’Esprit, distincts du Père ; la conception de la Filiation unique de la Parole et du Messie ; la conception de la Présence de Dieu dans ce monde terrestre et de sa manifestation visible ; la conception de la médiation de la Parole et de la souffrance expiatrice du Messie et du juste. Le sens véritable exprimé par de telles conceptions – nous ne devons pas hésiter à le dire – est le même que celui exprimé par les doctrines chrétiennes de la Trinité, de l’Incarnation et du Pardon.
Une fois encore, ces « préfigurations » et correspondances ne sont pas des « dogmes » du judaïsme. La théologie rabbinique exprime ces vérités en termes tout à fait différents et moins explicites que la théologie chrétienne grecque. Le judaïsme garde ses distances à l’égard de systèmes élaborés. « Personne, dit Absalon, ne voulait vraiment savoir, dans le sens absolu et essentiel, ce qu’était Dieu, ni ce qu’était la Shekinah, ni ce qu’était le Saint-Esprit. La réalité de leur existence était expérimentée dans la vie pratique. C’était tout et cela était suffisant. »[92]
Néanmoins, nous trouvons déjà dans la tradition juive l’embryon d’une théologie cohérente, capable de traduire en des termes et des concepts purement hébraïques les croyances exprimées en termes grecs. Prenons, par exemple, le prologue du quatrième Évangile, présenté souvent comme une production hellénistique : « Et le Verbe (Logos) s’est fait chair, et il a demeuré (eskenosen) parmi nous… et nous avons vu sa Gloire (doxa) » (Jn 1,14). Traduisons ces termes grecs en concepts et mots hébreux. Nous obtenons quelque chose comme ceci : « Et le Dibbur (ou Memra) s’est fait chair, et la Shekinah a demeuré parmi nous… et nous avons vu sa kabod (ou yekarah) ». Nous retrouvons donc les trois conceptions juives déjà souvent mentionnées – la Parole, la Présence ou l’inhabitation, la Gloire ou la lumière de la Présence – et ainsi, le cœur même de la foi chrétienne est exprimé en termes familiers à la tradition juive. Bien sûr, le « devint chair » devrait être expliqué comme étant différent d’une simple descente ou habitation.
Mais ces conceptions ont-t-elles un autre intérêt sinon historique ? Appartiennent-elles encore au judaïsme vivant d’aujourd’hui ? Combien de juifs d’aujourd’hui ont-ils jamais entendu parler du Memra ? Combien d’entre eux (à part les Hassidim mystiques) se soucient de la Shekinah ? Le christianisme a-t-il quelque espoir d’entrer dans une nouvelle relation avec le judaïsme sur une soi-disant « base commune » qui aurait été importante il y a de nombreuses années, mais qui demeure tout à fait étrangère à la communauté juive du XXe siècle ? Nous devons malheureusement reconnaître que c’est un problème bien réel et difficile.
Dans le cadre d’une approche religieuse pratique avec les juifs, le chrétien devra choisir habituellement un autre terrain que celui des notions que nous venons d’exposer. Même aux siècles d’or de la théologie juive, ces notions, écrit Absalon, ont toujours été réservées à quelques privilégiés plutôt qu’à la grande masse.[93] Dans le judaïsme tardif, elles ont d’ailleurs été éliminées de la religion populaire. Oesterley et Box ont raison de dire qu’« elles appartiennent en grande partie au judaïsme plus large et plus riche des premières périodes, qui, au cours des périodes suivantes, a cédé la place à un judaïsme plus restreint et plus limité ».[94] Nous continuons néanmoins à considérer ces tendances de la pensée judaïque comme très importantes. Le christianisme ne doit pas seulement avoir en vue les juifs de telle ou telle période, mais le judaïsme lui-même, comme un tout historique. Ni du point de vue juif, ni du point de vue chrétien, il n’est souhaitable que ces précieux germes de la tradition juive soient jetés par-dessus bord. Un renouveau d’un « judaïsme plus large et plus riche des périodes antérieures » ou, du moins, un élargissement et un approfondissement du judaïsme actuel, n’est pas exclu du domaine du possible pour demain. Un chrétien ne peut que sympathiser avec les recommandations de Montefiore : « N’en restons pas à un judaïsme plus pauvre que nécessaire. »[95]
Il existe déjà des signes d’un tel élargissement et d’un tel approfondissement. L’ami le plus intime et disciple déjà respecté de Buber, Franz Rosenzweig, qui mourut encore jeune en 1928, a publié une œuvre importante, L’Etoile de la Rédemption (1921), qui interprète la vie selon trois éléments : la création, la révélation et la rédemption. Cette théologie triadique est fondée sur l’Ancien Testament mais contient des éléments du Zohar et, quelque peu transposés, beaucoup d’éléments de la pensée juive telle que nous l’avons exposée.
En plus d’un dialogue constructif avec le judaïsme, nous sommes convaincus que des conceptions comme la Shekinah ou la Gloire pourraient aider et enrichir la pensée théologique chrétienne à condition qu’elles soient pleinement assimilées par elle.
Finalement nous ne devrions pas oublier que des conceptions comme la médiation du Christ, la valeur sacrificielle et rédemptrice de sa mort sur la Croix, sa résurrection victorieuse, ne peuvent être approchées que par la foi.
Les questions qui concernent la Parole, sa présence sur terre, sa médiation et l’Esprit ont du être considérées en premier lieu, étant donné qu’elles sont considérées comme les « offenses principales » envers le monothéisme juif, tandis que la question du messianisme a été mise de coté, car elle se situe à un autre niveau. Nous nous pencherons sur cette question maintenant.
[1] Voir G. Macgregor, and A. Purdy, Jew and Greek: Tutors unto Christ, Londres, 1936 ; et J. Macmurray, The Clue to History, Londres, 1938.
[2] Voir W. Wigram, Separation of Monophysites, Londres, 1923.
[3] C. Dodd, The Epistle to the Romans, Londres, 1932, p. 152.
[4] Dans The Legacy of Israel, p. 71.
[5] The Old Testament and After, Londres, 1923, p. 469.
[6] Hellas im Evangelium, Berlin, 1936.
[7] The Old Testament and After, p. 487.
[8] Ibidem.
[9] St. Paul, trad. Strachan, p. 109.
[10] Voir note spéciale I. [« Credos juifs », note non reproduite ici.]
[11] In Spirit and Truth, p. 316. Voir aussi L. Baeck, The Essence of Judaism, traduit de l’allemand par G. Grubwieser et L. Pearl, Londres, 1936 ; A. Marmorsteian, The Old Rabbinic Doctrine of God, Oxford, 1937 ; A. Lukyn Williams, The Doctrine of Modern Judaism Reconsidered, Londres, 1939
[12] Liberal Judaism, p. 56.
[13] The Place of Judaism among the Religions of the World, Londres, 1918, p. 51-52.
[14] The Old Testament and After, p. 561.
[15] Ibid., p. 562.
[16] On Abraham, §122.
[17] Zohar, iii, 288b.
[18] The Immanence of God in Rabbinical Literature, Londres, 1912.
[19] W. Knox, “The Divine Wisdom”, in Journal of Theological Studies, July, 1937.
[20] Christianity in Talmud, p. 287.
[21] The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 147.
[22] Ibid. p. 151.
[23] Targum sur Dt 23,7.
[24] Voir A.Hall, Der Logos : Gesch. Seiner Entwicklung in der griech. Philosophie und der christ. Litteratur, 2 vols., Leipzig, 1896-1899 ; J. Réville, La Doctrine du Logos dans le Quatrième Évangile et dans les Œuvres de Philon, Paris, 1881 ; T. Simon, Der Logos, Leipzig, 1902.
[25] Talmud Babyl.,52a.
[26] Zohar, Terumah 136b. [Le sens de la dernière phrase n’est pas évident en anglais : « They hasten… that Speech as a supernatural reign so that all should be one ». NDT.]
[27] Le livre (déjà cité) d’Abelson, The Immanence of God in Rabbinical Literature, spécialement Chaps. IV-XII., contient les références et les recherches les plus complètes concernant la Shekinah. Voir aussi : A. Grörer, Geschichte des Urchristentums, Petersburg, 1838 ; Maybaum, Anthropomorphien…mit Besonderer Berücksichtigung der… Shekinah, Breslau, 1870 : F. Weber, Jüdische Theologie, Leipzig, 1898 ; S. Schechter, Some Aspects of Rabbinic Theology, Londres, 1909 ; les articles Shekinah in the Jewish Encycl. , Hastings, Dictionary of the Bible, Herzog-Hauck’s Prot. Realencycl., Schaff-Herzog’s The New Encycl. , Hastings Encycl. of Rel. and Ethics, et les lexiques de Buxtorf, Levy, Kohut, Jastrow ; et notre propre mémoire « Questions Concernant la Shekinah » , in Judaism and Christianity. Essays presented to the Rev. Paul P. Levertoff, Londres, 1939.
[28] Ex. Rabba 2,5.
[29] Traité Yalhut sur le Cantique.
[30] T.B. Sanhedrin, 46a.
[31] Nedarim, 40a.
[32] T.B. Megillah 29a.
[33] Ibid.
[34] Abelson, The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 121.
[35] Ibid., p. 107.
[36] Zohar, Mishpatim 126a.
[37] Le Dr Paul Levertoff, par les conférences Charles Boys qu’il a données pendant quelques années, et également par les conférences Boyle à l’université, dont il fut chargé deux fois par l’évêque de Londres, a développé oralement une théologie juive-chrétienne, où la notion de Shekinah se trouve au centre. Levertoff a écrit aussi une œuvre majestueuse qui n’a pas encore été éditée sur Le Christ et la Shekinah. [Le manuscrit de cette œuvre semble être perdu. NDT.]
[38] Jewish Encycl., vol. XI, p. 260.
[39] Outlines of Liberal Judaism, p. 304.
[40] Ibid.
[41] T.B. Haggigag 12a.
[42] Ber. 3a.
[43].Voir note spéciale J. [« Bat Kol », note non reproduite ici.]
[44] Yalkud sur Juges, IV, 4.
[45] T.B. Haggigah 12a, on Genesis , 1, 2.
[46] Zohar, Voyera 98a.
[47] Genesis Rabba VIII,1.
[48] Targum sur le Cantique, 2,12.
[49] The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 208.
[50] Ibid., p. 206.
[51] Montefiore, In Spirit and in Truth, p. 318.
[52] Yoma, 20a ; Sanh., 105a.
[53] Jewish Encycl., vol. XI, p. 377.
[54] Sanh.102a ; Sotah, 14a.
[55] Jewish Mysticism, p. 171.
[56] Studies in Sin and Atonement in the Rabbinic Literature of the First Century, Oxford, 1929.
[57] Yoma, VIII, 8.
[58] Sifra, Emoir XIV.
[59] Life of Moses, XIV.
[60] Gen. R. 56 (119b) ; Pirke R. Eliezer, 31.
[61] Mehilpa 8a.
[62] Montefiore et Loewe, A Rabbinic Anthology, p. 228.
[63] Ibib. p. 227.
[64] Ibid. p. 225.
[65] Ibid. p. 231.
[66] Ibid. p. 213.
[67] Abelson, The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 71.
[68] Midrash Samuel, XIX, 29b.
[69] Sanh.98b.
[70] Ibid., 98a.
[71] Pesihta R. 161a, b.
[72] Ibid,. 146b.
[73] Ibid., 159b.
[74] Ibid., p. 162a.
[75] Pesitha R. 163a.
[76] Judaism, I. p. 551
[77] Rabbinic Literature and Gospel Teachings, Londres, 1930, p. 305.
[78] Voir Fragments of a Zadohite Work, IX, 28, in Charles Apocryphs and Pseudepigrapha, 1913, II. p. 785-834.
[79] Les Prophéties messianiques de l’Ancien Testament dans la littérature juive, Paris, 1933 ; Exégèse talmudique des prophéties messianiques, Paris, 1934 : Exégèse midrashique des prophéties messianiques, Paris, 1937 ; Exégèse apocryphe des prophéties messianiques, Paris, 1937.
[80] Voir Neubauer and Driver, The Fifty-Third Chapter of Isaiah according to the Jewish Interpreters, 2 vol. , Oxford, 1877.
[81] Jewish Interpretation of the Old Testament, in The People and the Book, p. 408.
[82] Cité par I. Abrahams, ibid., p. 410.
[83] The Role of the King in the Jerusalem Cultus, in the symposium Labyrinth, S. Hook, Londres, 1935.
[84] The Kingdom of God and the Son of Man, traduit de l’allemand par F.V.Filson et B. Lee Woolf, Londres, 1938, spécialement p. 289-295.
[85] Jesus and His Church. A Study of the Idea of the Ecclesia in the New Testament, Londres, 1938, p. 103.
[86] Les Chants du Serviteur de Yahvé dans la seconde partie du livre d’Isaïe, Paris, 1936.
[87] Esther R., i, I (1a).
[88] Exode R., 42 (100b).
[89] Midrash sur les Psaumes, XXII, 9.
[90] Lev.R., 32 (86b). Voir Jesus-Jeshua de Dalman, p. 190.
[91] Jewish Mysticism, p. 67.
[92] The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 366.
[93] The Immanence of God in Rabbinic Literature, p. 366.
[94] Synagogue Religion and Worship, p. 220.
[95] The Old Testament and After, p. 291.