Des pères confesseurs
Saint Silouane l'Athonite |
Pendant le grand carême, durant les vêpres au Vieux Rossikon, le Seigneur donna à un moine de voir le hiéromoine Abraham à image du Christ. Le vénérable père spirituel avait revêtu un épitrachilion [étole] et était en train de confesser. Quand ce moine arriva à l’endroit où l’on se confesse, il vit le confesseur, un vieillard aux cheveux blancs, et s’aperçut que son visage était comme celui d’un jeune garçon. Le confesseur lui-même était tout entier rayonnant de lumière et semblable au Christ. Alors ce moine comprit que le père spirituel accomplit son service dans le Saint-Esprit et que c’est par le Saint-Esprit que les péchés sont pardonnés à celui qui se repent.
Si les gens pouvaient voir dans quelle Gloire se trouve un prêtre qui célèbre la liturgie, alors, à cette vision, ils tomberaient à terre et si le prêtre lui-même se voyait, s’il voyait dans quel rayonnement céleste il accomplit son service, il deviendrait un grand ascète pour ne pas attrister par quoi que ce soit la grâce du Saint-Esprit qui vit en lui.
J’écris ces lignes, et mon esprit se réjouît de ce que nos pasteurs soient semblables au Seigneur Jésus Christ. Mais nous aussi, les brebis, bien que nous n’ayons qu’une faible grâce, nous sommes cependant semblables au Seigneur. Les hommes ne connaissent pas ces mystères, mais Jean le Théologien a clairement dit : Nous serons semblables à lui (1 Jn 3,2), et cela, non seulement après la mort, mais déjà maintenant, car le Seigneur miséricordieux a donné sur terre le Saint-Esprit, et le Saint-Esprit vit dans notre Église ; il vit dans les pasteurs ; il vit dans le coeur des croyants ; il incite l’âme à lutter contre les passions ; il donne les forces nécessaires à l’accomplissement des commandements du Seigneur ; il nous conduit vers la vérité tout entière ; il a rendu l’homme tellement beau qu’il est venu semblable au Seigneur.
Il faut toujours se souvenir qu’un père spirituel accomplit son service dans le Saint-Esprit, et c’est pourquoi il faut lui témoigner de la vénération. Croyez, frères, que s’il arrivait â quelqu’un de mourir en présence de son père spirituel et que le mourant lui dise : " Père saint, donne-moi la bénédiction de voir le Seigneur dans le Royaume des Cieux ", et que le confesseur lui dise : " Va, mon fils, et vois le Seigneur ", il lui arriverait selon la bénédiction du père spirituel, parce que le Saint-Esprit est le même au Ciel et sur la terre.
Les prières d’un père spirituel ont une grande force. J’ai beaucoup souffert de la part des démons â cause de mon orgueil, mais le Seigneur m’a rendu humble et a eu pitié de moi grâce aux prières de mon père spirituel ; et, à présent, le Seigneur m’a révélé que le Saint-Esprit repose sur les pères spirituels, et c’est pourquoi j’ai un grand respect pour eux. Par leurs prières, nous recevons la grâce du Saint-Esprit et la joie dans le Seigneur qui nous aime et qui nous a donné tout ce qui est nécessaire pour le salut de nos âmes.
Si l’homme ne dit pas tout à son père spirituel, son chemin est tortueux et ne conduit pas au salut ; mais celui qui dit tout, ira droit dans le Royaume des Cieux.
Un moine m’a demandé : " Dis-moi, que dois-je faire pour corriger ma vie ? " Il aimait manger beaucoup et en dehors des heures fixées. Je lui dis : " Écris chaque jour combien tu as mangé et quelles ont été tes pensées, et le soir lis-le à ton père spirituel. " Il me dit " Je ne puis faire cela. " Ainsi, il ne put pas surmonter la petite honte de confesser sa faiblesse, aussi ne se corrigea-t-il pas et mourut-il d’une attaque. Que le Seigneur pardonne à notre frère, et qu’il nous garde d’une pareille mort.
Celui qui veut prier sans cesse doit être courageux et sage, et pour tout demander conseil à son père spirituel. Si le père spirituel n’a pas passé lui-même par l’expérience de la prière, interroge-le tout de même, et pour ton humilité le Seigneur aura pitié de toi et te gardera de toute erreur. Mais si tu te dis : " Ce père spirituel doit être inexpérimenté, car il est trop affairé, je vais donc me diriger moi-même à l’aide de livres ", tu es sur une voie dangereuse et au seuil de l’illusion spirituelle. J’en connais plusieurs qui se sont ainsi trompés dans leurs pensées, et, à cause de leur mépris pour leur père spirituel, ils n’ont pas progressé. Ils oublient que, dans le sacrement, c’est la grâce du Saint-Esprit qui agit et que c’est elle qui nous sauve. Ainsi l’Ennemi trompe les ascètes pour qu’il n’y ait pas de vrais hommes de prière, mais le Saint-Esprit éclaire notre esprit quand nous suivons les conseils de nos pasteurs.
Dans le sacrement, c’est le Saint-Esprit qui agit par l’intermédiaire du confesseur ; aussi, lorsqu’on revient de chez son père spirituel, l’âme ressent-elle son renouvellement par un sentiment de paix et d’amour envers le prochain ; mais si tu repars troublé de chez ton père spirituel, cela signifie que tu ne t’es pas confessé convenablement et que tu n’as pas pardonné de tout ton coeur la faute de ton frère.
Un père spirituel doit se réjouir quand le Seigneur conduit vers lui une âme qui veut se repentir ; et, selon la grâce qui lui a été donnée, il doit soigner cette âme, et pour cela il recevra de Dieu une grande récompense, comme bon pasteur de ses brebis.
Extraits des écrits de saint Silouane
dans le livre de l’Archimandrite Sophrony,
Starets Silouane : Moine du Mont Athos. Vie - Doctrine - Écrits.
Éditions Présence, Sisteron, 1995.
Pages de la Paternité Spirituel - Présentation
Pages Saint Silouane l'Athonite et Archimandrite Sophrony