Pères et mères dans la foi

Saint Raphaël (Hawaweeny)

Évêque de Brooklyn

Raphaël était originaire de la Syrie. Son père s’appelait Michel Hawaweeny et sa mère, Mariam, était la fille d’un prêtre de Damas. Raphaël naquit en 1860, mais sa date de naissance exacte nous reste inconnue. Il pensait que le jour de sa naissance devait sans doute correspondre au jour de sa fête, la Synaxe des saints Archanges le 8 novembre.

À cette époque, de violentes persécutions se déchaînèrent en Syrie contre les chrétiens. Le prêtre de leur paroisse, saint Joseph de Damas (commémoré le 10 juillet) et ses compagnons, subirent le martyre. La famille Hawaweeny fut contrainte de fuir à Beyrouth au Liban pour retrouver la sécurité. C’est en cette ville que Raphaël vit le jour, et non pas dans la cité d’origine de ses parents.

Il fut baptisé lors de la fête de la Théophanie en 1861 et reçut le nom de Rafla. Au printemps, la famille eut la possibilité de retourner à Damas. L’enfant suivit les cours de l’école primaire mais en 1874, il s’avéra que Michel Hawaweeny ne pouvait plus supporter les frais de l’éducation de son fils. Heureusement, le diacre Athanase Atallah (futur métropolite de Homs) proposa son aide : il recommanda l’enfant auprès du patriarche d’Antioche, pour que Rafla soit reçu comme étudiant à l’école patriarcale afin de se préparer au sacerdoce.

Rafla fut un excellent étudiant et en 1877 il fut choisi d’être professeur-assistant. L’année suivante, il fut nommé professeur d’arabe et de turc. Le 28 mars 1879, il reçut l’habit monastique de la main du patriarche Hiérothée, puis fut son secrétaire personnel. Après la fermeture du séminaire de Balamand en 1840, le patriarche Joachim III de Constantinople demanda au patriarche d’Antioche d’envoyer au moins l’un de ses étudiants à l’École de théologie de Halki. L’étudiant sélectionné ne fut autre que Raphaël.

Raphaël fut ordonné au diaconat le 8 décembre 1885. Le jeune diacre reçut son certificat de théologie en juillet de l’année suivante. Il retourna ensuite dans son pays d’origine, afin d’y servir l’Église. Le patriarche Gérasime d’Antioche remarqua le jeune diacre et l’emmenait avec lui, lors de ses visites paroissiales. Lorsque le patriarche ne pouvait être présent, c’était le diacre Raphaël qui prononçait l’homélie. Il demanda au patriarche Gérasime la bénédiction pour poursuivre ses études en Russie. Le diacre Raphaël devint ainsi étudiant à l’Académie théologique de Kiev. En 1889, il fut mis à la tête de la Représentation de l’Église d’Antioche à Moscou. À la demande du patriarche Gérasime, il fut ordonné prêtre par l’évêque Sylvestre, recteur de l’Académie. Un mois plus tard, il fut élevé au rang d’archimandrite par le métropolite Ioannice de Moscou. Il fit venir vingt-quatre étudiants syriens afin de perfectionner leur scolarité, dans l’espoir qu’ils retournent en Syrie et communiquent à d’autres le savoir qu’ils auraient acquis. Après deux ans, l’archimandrite Raphaël avait réussi à réduire considérablement l’endettement de la Représentation.

Le patriarche Gérasime démissionna afin d’accepter le siège de Jérusalem. L’archimandrite Raphaël considéra cet événement comme une opportunité de libérer l’Église d’Antioche de la domination qu’elle endurait sous l’autorité de hiérarques étrangers. Raphaël brûlait d’amour pour l’Eglise d’Antioche et désirait ardemment que l’administration de l’Église soit effectuée par ses propres ressortissants. Il écrivit une série de lettres destinées à divers évêques antiochiens et à des laïcs influents. Il écrivit aussi des articles dans la presse russe, et attira l’attention sur l’état de l’Église d’Antioche. Ses efforts courageux n’obtinrent guère de résultats : il y avait un prix à payer pour cette critique ouvertement exprimée.

En novembre 1891, le métropolite Spyridon, un Chypriote grec, fut élu patriarche d’Antioche. L’archimandrite Raphaël refusa de commémorer le nouveau patriarche aux offices célébrés dans l’église de la Représentation ; alors le patriarche Spyridon le suspendit de ses fonctions sacerdotales. Raphaël accepta sa suspension, mais continua à écrire des articles dans les journaux russes, afin de défendre la cause antiochienne. Les patriarches d’Antioche, d’Alexandrie et de Jérusalem demandèrent au tsar d’interdire la publication des articles incriminés. Le tsar accepta cette requête. Comme cette porte se refermait devant lui, Raphaël publia ses écrits sous forme de livre. Finalement, le patriarche Spyridon écrivit au vice-oberprocureur de Russie, un ami de Raphaël, afin que ce dernier demande pardon au patriarche. Raphaël se conforma à la demande du patriarche, la suspension fut levée, et il reçut l’autorisation de quitter la juridiction d’Antioche pour celle de l’Église de Russie. En 1892 le père Raphaël devint professeur d’études arabes en l’Académie théologique de Kazan, où il resta jusqu’en 1895. À ce moment, la Société syrienne orthodoxe de bienfaisance à New York lui demanda de venir en cette ville pour y être pasteur de la communauté orthodoxe arabe.

Le 2 novembre 1895, l’archimandrite Raphaël arriva à New York, où il fut accueilli par une délégation de chrétiens arabes. Le 5 novembre, son premier dimanche en Amérique, il concélébra la Divine Liturgie avec l’évêque Nicolas en l’église russe de New York. Moins de deux semaines après son arrivée, l’archimandrite Raphaël trouva une place convenable dans le Bas-Manhattan pour y établir une chapelle. Il l’équipa avec les objets et ornements qu’il avait apportés de Russie. L’évêque Nicolas bénit la nouvelle chapelle, qui fut dédiée à saint Nicolas de Myre.

L’archimandrite Raphaël enseignait, prêchait et célébrait la Divine Liturgie pour ses paroissiens de New York. Il apprit rapidement l’existence de petites communautés de chrétiens arabes dispersées dans les étendues de l’Amérique du Nord. Du fait que ces immigrants arabes n’avaient pas de pasteur pour s’occuper d’eux, il n’y avait rien d’étonnant à ce qu’un certain nombre d’entre eux passe à d’autres dénominations ou néglige complètement leur vie spirituelle. Ceci constituait une préoccupation constante pour Raphaël tout au long de son ministère. En fait, il n’était pas opposé au dialogue avec les chrétiens non-orthodoxes : il ne voyait nul inconvénient en des relations fraternelles construites sur base de croyances communes et partagées – mais il ne perdait jamais de vue la claire limite qui distingue les orthodoxes des hétérodoxes. Il insistait sur le fait que toute unité de l’Église doit reposer sur les enseignements des sept Conciles œcuméniques.

En l’été de 1896, le père Raphaël entreprit son premier voyage pastoral. Il visita trente villes entre New York et San Francisco : il célébrait les baptêmes et les mariages, entendait les confessions, célébrait la Divine Liturgie, même dans des maisons particulières lorsqu’il n’avait pas d’église. Nous sommes bien renseignés sur ces voyages missionnaires et pastoraux, car le père Raphaël en tenait un journal détaillé. Il ne s’accordait à lui-même absolument aucun repos. Lors de ses voyages, lorsqu’en lisant ses écrits, nous nous demandons si jamais il lui restait une soirée de libre, nous ne pouvons en remarquer qu’une seule ! À ce moment-là, très exceptionnellement, il se trouvait en un endroit où il ne connaissait absolument personne, et où il n’avait ni engagement ni rendez-vous. Qu’allait-il faire ? Allait-il prendre un peu de repos ? Non. À la fin de la soirée, il regarda dans l’hôtel, puis sortit dans la rue, et demanda aux gens s’ils connaissaient quiconque portait le nom de famille de Roum, Khoury, Saba etc. Il regarda l’équivalent de l’époque des " Pages jaunes ", et se mit à la recherche d’hypothétiques fidèles, qui ne pouvaient manquer d’exister… Tard dans la nuit, il finit par trouver des gens, qui parlèrent à d’autres, et les orthodoxes se rassemblèrent. Il confessa chacun jusqu’aux petites heures du matin, nota des noms et adresses, en vue d’une future visite pastorale, et n’eut finalement que le temps de repasser par sa chambre d’hôtel avant de reprendre le train. Telle était son existence !

En 1898, avec la bénédiction de l’évêque Nicolas, Raphaël publia son premier livre édité dans le Nouveau Monde: un livre liturgique en langue arabe, intitulé Le Livre de la vraie consolation en les prières divines. Ce volume de textes liturgiques venait à point pour permettre aux prêtres de célébrer les services liturgiques et aux fidèles de disposer des textes nécessaires pour leur propre vie de prière. La traduction anglaise, publiée par l’archimandrite Séraphim Nassar, est aujourd’hui toujours en usage.

De mai à novembre 1898, Raphaël entreprit son deuxième voyage pastoral. En visitant les communautés, Raphaël s’aperçut du manque de prêtres arabophones, nécessaires pour desservir les nouvelles églises qu’il avait fondées. De retour à New York, il fit un rapport auprès de l’évêque Nicolas et lui confia ses préoccupations. Avec la bénédiction de Mgr Nicolas, Raphaël eut la possibilité de faire immigrer de Syrie des prêtres qualifiés. Il sélectionna aussi des laïcs formés, qu’il proposa pour l’ordination. En tant qu’archimandrite tout comme ensuite, en tant qu’évêque, Raphaël ne désignera des prêtres qu’après avoir obtenu la bénédiction de l’évêque russe qui dirigeait la mission américaine de l’Église de Russie, qui à cette époque avait sous sa responsabilité tous les orthodoxes en Amérique du Nord.

En 1898, l’archimandrite Raphaël accueillit l’évêque Tikhon, lorsque celui-ci succéda à l’évêque Nicolas comme évêque titulaire en Amérique. Le 15 décembre 1898, saint Tikhon vint célébrer la Divine Liturgie en l’église syriaque Saint-Nicolas. Raphaël dit aux fidèles que leur nouveau pasteur " était envoyé ici pour veiller sur le troupeau du Christ – des Russes, des Slaves, des Syro-arabes, des Grecs – qui est dispersé sur l’ensemble du continent nord-américain ".

Raphaël reçut de l’évêque Tikhon l’autorisation de rassembler des fonds afin d’établir un cimetière et de construire une nouvelle église. C’était en mars 1899 ; la nouvelle église devait remplacer la chapelle située dans un vieux bâtiment donnant sur une rue délabrée. Ce fut en 1901 que le père Raphaël pût acquérir une partie du terrain du cimetière du Mont Olivet sur Long Island. Au printemps 1899, Raphaël entreprit un autre voyage pastoral, qui devait comprendre la visite d’une quarantaine de villes et agglomérations. Raphaël célébra les mariages et baptêmes de Russes, de Grecs aussi bien que d’Arabes, il régularisa la mariages d’orthodoxes qui avaient été mariés par du clergé hétérodoxe et il chrisma des enfants qui avaient été baptisés par des prêtres catholiques romains. À Johnstown en Pennsylvanie il réconcilia des personnes dont l’inimitié personnelle menaçait de diviser la communauté arabe locale, alors même que les tribunaux civils n’étaient pas parvenus à résoudre la question. Lorsqu’il était en cette ville, il reçut un télégramme qui l’informait que le métropolite Mélétios (Doumani) venait d’être élu patriarche d’Antioche. C’est avec grande joie que Raphaël pût annoncer aux fidèles que, pour la première fois depuis 168 ans, un Arabe occupait le siège patriarcal de l’Église d’Antioche.

Après l’installation du nouveau patriarche, on proposa que l’archimandrite Raphaël succède à Mélétios comme métropolite de Latakié. Le patriarche, néanmoins, décida qu’une telle nomination n’était pas opportune, vu l’importance du travail accompli par le père Raphaël en Amérique. En 1901, le métropolite de Beyrouth écrivit à l’archimandrite Raphaël pour lui demander d’être son évêque auxiliaire. Raphaël déclina l’invitation, répondant qu’il ne pouvait quitter son troupeau en Amérique.

L’archimandrite Raphaël fut élu évêque de Zaleh en décembre 1901. Le patriarche Mélétios envoya un télégramme de félicitations. En même temps, il lui proposait de revenir auprès de lui. Le père Raphaël remercia le patriarche, mais déclina la proposition d’accéder à l’épiscopat. Il dit au patriarche qu’il souhaitait réaliser le projet de construire une église pour la communauté syrienne de New York. L’année suivante, il acquit le bâtiment d’une église à Brooklyn et la fit adapter pour le culte orthodoxe. À la grande joie des nombreux fidèles, l’évêque Tikhon vint consacrer l’église : le deuxième projet majeur du père Raphaël était réalisé.

Le nombre de paroisses du diocèse d’Amérique du Nord avait augmenté à un tel point qu’il s’avérait impossible pour l’évêque Tikhon de les visiter toutes. Il fallait réorganiser le diocèse afin de pouvoir l’administrer d’une façon plus efficace. C’est pourquoi l’évêque Tikhon soumit au Saint Synode de l’Église russe un projet consistant en le transfert du siège du diocèse de San Francisco à New York, car la majorité des paroisses et des fidèles était concentrée à l’Est des États-Unis. Considérant le fait que divers groupes ethniques demandaient des soins pastoraux spécifiques, l’évêque Tikhon proposa que l’archimandrite Raphaël devienne son second évêque-vicaire – le premier étant l’évêque d’Alaska.

En 1903, le Saint Synode de l’Église russe élut à l’unanimité l’archimandrite Raphaël au titre d’évêque de Brooklyn, tout en le reconnaissant comme étant à la tête de la Mission orthodoxe syro-arabe en Amérique du Nord. Le Saint Synode annonça cette décision au patriarche Mélétios, qui se réjouit de cet événement.

Le troisième dimanche de Carême en 1904, l’archimandrite Raphaël devint le premier évêque orthodoxe à être consacré sur le sol américain. L’ordination fut concélébrée par les évêques Tikhon et Innocent en la Cathédrale Saint-Nicolas à Brooklyn. Les ornements du nouvel évêque furent donnés par le tsar Nicolas II. Après sa consécration, l’évêque Raphaël continua son travail pastoral : il ordonna des prêtres et les nomma dans des paroisses ; et il aida l’évêque Tikhon pour l’administration du diocèse.

À la fin de l’année 1904, l’évêque Raphaël annonça son projet de publication d’une revue appelée Al-Kalimat (" La Parole "), qui serait une publication officielle de la mission syro-arabe. Ce serait un organe de liaison entre les fidèles et les paroisses de son diocèse. Le premier numéro sortit de presse en juin 1905, et l’évêque Raphaël considéra que cet événement était aussi important que l’acquisition de la Cathédrale Saint-Nicolas et du cimetière paroissial.

À la fin de l’année 1905, l’évêque Raphaël consacra le terrain du futur monastère saint Tikhon et bénit un orphelinat à South Canaan en Pennsylvanie. Trois jours après, il présida la conférence du clergé diocésain, à Old Forge, toujours en Pennsylvanie, car l’archevêque Tikhon était à San Francisco. Parmi le clergé qui participait à cette conférence, trois d’entre eux seront comptés parmi les saints: le père Alexis Toth, le père Alexandre Hotovitzky et le père Jean Kochurov : les deux derniers termineront leur vie terrestre en martyrs du joug communiste en Russie.

Pendant les dix années suivantes, l’évêque Raphaël veilla sur son troupeau, dont le nombre s’accroissait toujours. Il se préoccupait de l’éducation des enfants. Il était très conscient de la nécessité de l’utilisation de la langue anglaise tant pour les offices que pour la catéchèse, afin d’assurer les progrès futurs de la mission syro-arabe. Il disait de lui-même: " Je suis Arabe de naissance, Grec par éducation, Russe de cœur, Slave dans l’âme, et Américain par choix et par lieu d’existence ".

L’archevêque Tikhon retourna en Russie en mars 1907. Il fut remplacé par l’archevêque Platon. En 1908, Raphaël fut une fois de plus sollicité pour succéder au métropolite de Tripoli, devenu entre-temps patriarche Grégoire. En fin de compte, le Saint Synode de l’Église d’Antioche décida d’enlever le nom de l’évêque Raphaël de sa liste de candidats, citant divers canons qui interdisent le transfert d’un évêque d’un siège à l’autre.

Le dimanche de l’Orthodoxie de l’année 1911, l’Archevêque Platon présenta à l’évêque Raphaël une icône du Christ, recouverte d’une riza d’argent, et le félicita pour son travail pastoral. À la fin de l’année suivante, l’évêque Raphaël subit un malaise cardiaque. Deux semaines après, il se sentait suffisamment bien rétabli pour pouvoir célébrer la Divine Liturgie en sa cathédrale. Au cours des années 1913 et 1914, il poursuivit son travail missionnaire, en visitant diverses villes. En 1915, sa santé lui fit défaut et il dut passer deux mois à la maison, supportant sa maladie avec patience. Il rendit son âme à Dieu le 27 février 1915, à l’âge de 55 ans ; il avait passé 20 ans en Amérique du Nord. À cette époque, la mission syro-arabe comptait trente paroisses, et 25,000 fidèles.

Saint Raphaël fut glorifié le 28 mai 2000 par l’Église orthodoxe en Amérique. Sa mémoire est célébrée le 27 février.

Adapté et traduit par
le Higoumène Georges (Leroy)


Tropaire, Ton 1:

Ton message a retenti * d’un bout à l’autre de l’Amérique du Nord, * appelant à l’unité de l’Église les brebis dispersées: * entendant ta voix, elles répondirent à ton appel : * par la parole et par tes écrits * tu leur enseignas la piété. * Et nous, guidés par ton exemple, père Raphaël, * nous chantons des hymnes de louange pour le Christ notre Dieu: * Gloire à celui qui t’a donné ce pouvoir, * gloire à celui qui t’a couronné, * gloire à celui qui nous accorde, par tes prières, le salut.

Kondakion, Ton 8:

De l’enseignement de l’Église tu fus le défenseur et le gardien, * protégeant ton troupeau des doctrines erronées * et l’affermissant dans la vraie foi. * Fils de la Syrie et gloire de l’Amérique du Nord, * saint père Raphaël, auprès du Seigneur, * pour le salut de nos âmes ne cesse pas d’intercéder.

 



Dernière modification: 
Samedi 28 janvier 2023