La Théophanie - Icône de la fête
Icône moderne
Irina Zaron
Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky
Comprendre l'icône de la Théophanie de notre Sauveur Jésus-Christ (Recluses missionnaires)
Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky
La Théophanie
« Au moment où Il sortait de l'eau, Il vit les cieux s'ouvrir et l'Esprit descendre sur Lui comme une colombe. Et une voix fit entendre des cieux ces paroles : "Tu es Mon Fils bienaimé, en Toi j'ai mis tout mon amour” » (Mc 1, 10-11) - péricope lue aux Matines de la fête.
Les icônes du Baptême du Christ illustrent exactement ce témoignage évangélique auquel elles ajoutent des détails correspondant à la liturgie de la fête, comme des anges et souvent une ou deux figures allégoriques aux pieds du Sauveur, personnifiant le fleuve et la mer. La fête du Baptême du Christ est aussi appelée Théophanie : c'est que le Baptême est une manifestation de la Divinité du Christ qui inaugure publiquement son ministère rédempteur. Le Baptême du Christ a deux aspect essentiels : d'une part, en ce jour, la vérité dogmatique du Dieu tri hypostatique fut révélée aux hommes : « La Trinité, notre Dieu, S'est révélée à nous aujourd'hui dans Son indivisibilité; car le Père proclama par Son témoignage manifeste Sa parenté ; l'Esprit descendit des cieux sous la forme d'une colombe, le Fils inclina Sa tête très pure devant le Précurseur et reçut le Baptême (1)... » Ce mystère indicible des trois Personnes de la Divinité une est manifesté ici d'une façon qui n'est pas spirituelle, mais visible, par des apparitions sensibles : Jean le Précurseur entendit la voix du Père et vit l’Esprit Saint confirmer les paroles de cette voix; Ils témoignaient que le Baptisé était le Fils de Dieu qui Se manifestait aux hommes. D'autre part, tout comme plus tard, en accomplissant la pâque vétérotestamentaire, le Christ devait instituer le sacrement de l'Eucharistie, en ce jour Il instituait, en accomplissant le rite prophétique de l'ablution, le sacrement néotestamentaire du Baptême.
Correspondant au texte évangélique cité ci-dessus, la partie supérieure de l'icône comprend l'arc de cercle symbolisant les cieux ouverts" qu'Adam avait fermés pour lui-même et pour ses descendant, comme le paradis avait été fermé par le glaive de feu (2) ... Cet arc de cercle indique la présence divine (qui est parfois soulignée dans les images anciennes par une main bénissante). De là partent, sur le Christ, des rayons; de lumière tandis que l'Esprit Saint descend sur Lui sous la forme d'une colombe (3). Sur l'icône reproduite ici, ce détail extrêmement important a disparu avec le temps. Il est habituellement représenté, comme dans l'icône de la Nativité du Christ, avec cette différence qu'à la place de l'étoile il y a une colombe blanche. Les Pères de l'Église expliquent la manifestation de l'Esprit Saint dans le Baptême précisément sous forme de colombe par une analogie avec le déluge : de même qu'alors le monde avait été purifié de ses iniquités par les eaux et qu'une colombe avait apporté à l'arche de Noé un rameau d'olivier annonçant la fin du déluge et la paix rendue à la terre, à présent l'Esprit Saint descend sous la forme d'une colombe, pour annoncer la rémission de péchés et la miséricorde divine pour l’univers.
« Là-bas c'était un rameau d'olivier, ici la miséricorde de notre Dieu », dit saint Jean Damascène (4).
Pour sanctifier les eaux pour notre purification et notre rénovation, Celui qui prend sur Lui les péchés du monde, « Se recouvre par les eaux du Jourdain », dit un chant de la fête. L'icône traduit cela dans son langage symbolique en montrant le Sauveur debout devant une sorte de haute paroi formée par les eaux, comme devant l'entrée d'une grotte. On comprend ainsi que ce n'est pas une partie du corps seulement, mais le corps tout entier qui est immergé - image de la sépulture puisque le Baptême signifie la mon du Seigneur (Col 2, 12) (5). Pour montrer que l'initiative Lui revient, que c'est Lui, le Seigneur, qui vient à un serviteur et lui demande le baptême, le Christ est presque toujours représenté marchant ou faisant un geste vers saint Jean le Précurseur et baissant en même temps Sa tête sous la main de ce dernier. De Sa main droite, Il bénit les eaux du Jourdain, les sanctifiant par Son immersion. Dorénavant, l'eau sera non plus l'image de la mort, mais celle de la naissance à une vie nouvelle. C'est pourquoi dans les catacombes, lorsque l'on représente le baptême, le baptisé, dans la grande majorité des cas, sans excepter le Christ Lui-même, est représenté enfant (6). Dans certaines représentations, le Christ porte un linge autour des reins; toutefois la plupart des icônes Le montrent absolument nu. Cela souligne la kénose de Sa Divinité - « Celui qui revêt le ciel de nuages Se dénude (7) » et aussi le but de cet abaissement : en Se dénudant dans Sa chair, le Christ revêt par-là la nudité d'Adam, donc celle de toute l'humanité, du vêtement de gloire (8) et d'incorruptibilité.
L’icône de la Théophanie est l'une des icônes qui ont le plus d'analogies avec les préfigurations vétérotestamentaires. Ainsi, en plus des détails mentionnés, nous voyons souvent aux pieds du Sauveur, parmi les poissons nageant dans le Jourdain, deux petits personnages : un homme qui Lui tourne le dos, une femme demi-nue qui court ou parfois est assise sur un poisson. Ces détails illustrent des textes vétérotestamentaires qui font partie de la liturgie de la fête et sont des préfigurations prophétiques du Baptême : « La mer vit et s'enfuit. Le Jourdain retourna en arrière » (Ps 113-114, 3). Le personnage masculin qui est une allégorie du Jourdain s'explique par les paroles : « Le Jourdain jadis remonta vers sa source au contact du manteau d'Élisée lorsque Élie eut été enlevé et ses eaux se divisèrent de pan en part. La rivière devint sous ses pas une route ferme pour figurer réellement le baptême grâce auquel nous traversons les flots mouvants de la vie (9). » Le personnage féminin est une allégorie de la mer et indique une autre préfiguration du Baptême - la traversée de la mer Rouge par les Juifs.
Saint Jean Baptiste fait un geste sacramentel en posant sa main sur la tête du Christ. Ce geste a toujours fait partie du rituel du baptême (10). Dans sa main gauche, saint Jean tient parfois un rouleau, symbole de sa prédication, ou, comme dans notre icône, il fait de cette main un geste de prière exprimant le tremblement qui l'a saisi : " ... Je n'ose toucher Ta tête très pure; Toi-même, sanctifie-moi, Seigneur, par Ta divine Théophanie (11). »
Les anges participent à la célébration. Les textes liturgiques mentionnent leur présence et disent : « Les chœurs angéliques étaient dans l'étonnement, la crainte et la joie (12). » Mais ils ne parlent pas de leur rôle. C'est pourquoi ce rôle est souvent compris et traduit dans les icônes de façons diverses. Parfois, surtout dans les icônes plus tardives, les anges tiennent dans leurs mains des linges, se préparant, en tant que serviteurs clans le sacrement. à en recouvrir le corps du Baptisé à Sa sortie de l'eau. Mais, plus souvent, tout comme dans les icônes d'autres fêtes, leur qualité de serviteurs n'est qu'indiquée : ils sont représentés les mains recouvertes de leur vêtement en signe de respect pour Celui qu'ils servent (13). Leur nombre varie : deux, trois et plus.
L'icône reproduite ici se distingue par un dessin extrêmement rythmé, léger et élégant. L'inclinaison des silhouettes des anges représentés les uns au-dessus des autres, et celle de Jean Baptiste, répètent les lignes du fleuve et du corps du Christ et concentrent ainsi sur Lui toute l'attention du spectateur.
1. Heures royales, Tierce, tropaire ton 4. 2. SAINT GRÉGOIRE DE NAZIANZE, Homélie 39. par. 16. P. G. 36, 353. 3. Cette icône de fête est la seule où L’Esprit saint doit être représenté sous forme de colombe. Concernant les autres icônes, par exemple celle de la Pentecôte et particulièrement celle de l’Annonciation où cette image se répandit au XVIIe siècl, le grand concile de Moscou (1667) explique : « L’Esprit Saint n’est pas par Sa nature une colombe, mais il est par Sa nature Dieu […]. » Au Jourdain, lors du saint Baptême du Christ, le Saint Esprit apparut sous forme de colombe et c'est pour cela qu’ïl convient de représenter à ce seul endroit l'Esprit Saint comme une colombe. Ailleurs, ceux qui ont de l'esprit ne représentent pas le Saint Esprit sous forme de colombe. Il apparut au mont Thabor sous forme d’une nuée, et ailleurs autrement. (Actes des conciles moscovites de 1666-1667. Moscou, 1893, p. 23. en russe). 4. De fide orthod ., livre 3, chap. xvi, P. G. 94. 5. Ibid., livre 4 chap. ix « De la foi et du baptême » · «Par le baptême nous sommes enterrés avec le Seigneur (Col 2. 12). C’est pourquoi dans l'Église orthodoxe l’immersion du corps entier du baptisé dans l’eau est obligatoire contrairement aux normes du catholicisme romain. 6. Aux premiers siècles du christianisme, l'âge d'un homme était souvent compté à partir non de sa naissance naturelle, mais de sa naissance dans la grâce, de son baptême. C'est pourquoi de nombreuses épitaphes chrétiennes des catacombes mentionnent l’âge d'un enfant; alors que le tombeau est celui d'un adulte. 7.Canon de la fête, ode 8. Matines de l'avant-fête. 8.Ibid. ode 9 9. Complies de la fête, tropaire ton 4. 10. SAINT DENIS L’ARÉOPAGITE, De la hiérarchie ecclésiastique, chap. 11, par. 5 et 7. Trad. fr., Préface et notes par M. DE GANDILLAC. Paris, 1943, p. 254 et 255. '. 11. Stichère de la litie, ton 4. 12. Tropaire, ton 7. Grandes Heures de la Théophanie, None. 13. Le respect pour le sacré est picturalement traduit dans l'iconographie par les mains couvertes lorsqu’elles tiennent des objets sacrés (ainsi un évêque tenant le livre des évangiles, les anges tenant les instruments de la passion du Seigneur. etc.). Cette image a été empruntée à un usage oriental admis également à la cour impériale de Byzance : le, objets donnés à l'empereur ou reçus de lui étaient tenus par des mains recouvertes en signe de vénération. |
Source : Léonide Ouspensky et Vladimir Lossky,
Le Sens des icônes, Paris, Le Cerf, 2004, pp. 150-154.
Recluses missionnaires (Montréal)
Étonnante est cette première manifestation publique de Jésus! Dans cet épisode du début de sa vie, se révèle également la manifestation du Père et de l’Esprit, d’où l’appellation de “Théophanie” à cette fête liturgique.
Une Théophanie, du grec théos “Dieu” et phainein “briller”, est une manifestation visible de Dieu.
En recevant le baptême de Jean, Jésus nous ouvre la voie vers un esprit filial. Lire l’icône du Baptême de Jésus sous cet angle trinitaire permet de plonger dans le mystère de notre propre baptême.
Plongé dans l’eau
Jésus est debout dans le Jourdain. Dans l’icône de Novgorod (ci-haut), le Jourdain n’est pas représenté comme une rivière ordinaire, mais plutôt comme une grotte, rappel de la grotte de la Nativité et celle du tombeau dans lequel Jésus sera enseveli. Le baptême est un passage par la mort vers la vie. Rester sous l’eau causerait évidemment la mort; mais en ressortir avec le Christ, l’Eau Vive, procure la vie en son Esprit.
Les petits personnages, en bas dans l’eau, représentent les forces de la mort, terrorisées par l’annonce de leur défaite. Elles seront définitivement vaincues par la mort et la résurrection du Christ. On retrouvera ces mêmes personnages dans l’icône de la Descente de Jésus aux enfers.
« Voici l’Agneau de Dieu »
Jean Baptiste, debout à gauche de l’icône sur la rive du fleuve, baptise le Christ, mais le désigne également avec sa main, comme il l’avait désigné à ses disciples: « Voici l’Agneau de Dieu, celui qui enlève le péché du monde » (Jn 1,29). Dans le récit biblique de Matthieu et de Jean, Jean Baptiste est étonné du geste de Jésus. Il sait que Celui qui vient vers lui est sans péché. Pourquoi vient-il donc recevoir son baptême? Jésus répond: « Laisse faire: c’est ainsi qu’il nous convient d’accomplir toute justice » (Mt 3,15).
Après son baptême, l’Esprit descendit sur lui et la voix du Père se fait entendre: « Celui-ci est mon Fils bien-aimé » (Mt 3,17). Jean Baptiste avait pleine conscience que son baptême dans l’eau n’était qu’une préparation à la manifestation du Christ, qui lui, baptise dans l’Esprit Saint (Jn 1,31-33). Et ce n’est qu’après sa résurrection, lors de la Pentecôte où le Christ donne son Esprit, que son baptême devient effectif. Car l’Esprit Saint efface nos péchés en nous prodiguant l’amour miséricordieux du Père obtenu par le Christ. Et l’Esprit nous enseigne à appeler Dieu, « Père, Abba »! Il rétablit cette confiance filiale brisée par le péché. Par le baptême, le lien avec notre « vieil homme » est tranché, pour que nous vivions comme fils et filles du Père. N’est-ce pas l’accomplissement de la vraie justice?
Source internet : https://reclusesmiss.org/wp/icone-du-bapteme-du-christ/