Présentation au Temple de la Vierge Marie - Homélies et commentaires
Fresque de Léonide Ouspensky
Église des Trois Saints Hiérarques, Paris
HOMÉLIES ET COMMENTAIRES
MÉDITATION SUR LA FÊTE AVEC LE PÈRE LEV GILLET
HOMÉLIE DE SAINT GRÉGOIRE PALAMAS - L'ENTRÉE DANS LE SAINT DES SAINTS
MÉDITATION SUR LA FÊTE
AVEC LE PÈRE LEV GILLET
La Présentaion au Temple de la Vierge Marie
Quelques jours après le commencement de l’Avent, l’Église célèbre la fête de la Présentation de la Sainte Vierge au Temple (21 Novembre). Il est juste que, au début du temps de préparation à Noël, notre pensée se porte vers la Mère de Dieu, dont l’humble et silencieuse attente doit être le modèle de notre propre attente pendant l’Avent. Plus nous nous rapprocherons de Marie pas notre prière, notre docilité, notre pureté, plus se formera en nous Celui qui va naître.
Que Marie, toute petite enfant, ait été présentée au Temple de Jérusalem pour y vivre, désormais appartient au domaine de la légende, non à celui de l’histoire [9]. Mais cette légende constitue un gracieux symbole dont nous pouvons tirer les plus profonds enseignements spirituels.
Les trois lectures de l’Ancien Testament lues aux vêpres, le soir du 20 novembre (donc au début du 21 novembre, puisque la journée liturgique va du soir au soir), ont rapport au Temple. La première leçon (Ex, 40) évoque les ordres donnés par Dieu à Moïse concernant la construction et l’arrangement intérieur du tabernacle. La deuxième leçon (1 R 7, 51 – 8, 11) décrit la dédicace du Temple de Salomon. La troisième leçon (Ez 43, 27 – 44, 4), déjà lue le 8 septembre, en la fête de la Nativité de la Vierge, nous parle de la porte du sanctuaire, fermée à tout homme et par laquelle Dieu seul entre. Ces trois textes ont symboliquement pour objet la Mère de Dieu elle-même, temple vivant et parfait.
Les évangiles lus à matines et à la liturgie sont ceux qui ont été lus lors de la fête du 8 septembre. On trouvera à cette date, au chapitre précédent, un bref commentaire de l’évangile de la liturgie. Quant à l’épître lue aujourd’hui (He 9, 1-7), elle rappelle l’arrangement du sanctuaire et du " saint des saints " : ce texte lui aussi se rapporte symboliquement à Marie.
Le sens spirituel de la fête de la Présentation est développé dans les divers chants de l’office et de la liturgie. Les deux thèmes principaux que nous y trouvons sont les suivants. D’abord la sainteté de Marie. La petite enfant séparée du monde et introduite au Temple pour y demeurer évoque l’idée d’une vie séparée, consacrée, " présentée au Temple ", une vie d’intimité avec Dieu : " Aujourd’hui la Toute Pure et toute sainte entre dans le Saint des Saints ". Il est évident que l’Église fait ici une allusion spéciale à la virginité, mais toute vie humaine, dans des mesures diverses, peut être une vie " présentée au Temple ", une vie sainte et pure avec Dieu. Le deuxième thème est la comparaison entre le Temple de pierre et le Temple vivant : " Le Temple très pur du Sauveur… est conduite aujourd’hui dans la maison du Seigneur, apportant avec elle la grâce de l’Esprit divin ". Marie, qui portera le Dieu-Homme dans son sein, est un temple plus sacré que le sanctuaire de Jérusalem ; il convenait que ces deux temples se rencontrassent, mais ici c’est le temple vivant qui sanctifie le temple bâti. La supériorité du temple vivant sur le temple de pierre est vraie d’une manière spéciale de Marie, parce qu’elle était l’instrument de l’Incarnation. Mais, d’une manière plus générale, cela est vrai de tout homme uni à Dieu : " Ne savez-vous que vous êtes le temple de Dieu ( 1 Co 3,16) ? … Ne savez-vous pas que votre corps est le temple du Saint-Esprit ( 1 Co 6,19) ? ".
D’autres pensées, que les textes liturgiques n’expriment pas explicitement, nous sont cependant suggérées par cette fête. Si notre âme est un temple où Dieu veut demeurer, il convient que Marie y soit " présentée " : il faut que nous ouvrions notre âme à Marie, afin qu’elle vive dans ce temple, – notre temple personnel. D’autre part, puisque l’Église entière, puisque toute l’assemblée des fidèles est le corps du Christ et le Temple de Dieu, considérons la fête d’aujourd’hui comme la Présentation de Marie dans ce Temple, – la sainte Église universelle. Ce Temple qu’est l’Église catholique rend aujourd’hui hommage à ce Temple qu’est Marie.
NOTES
[9] D’après les évangiles apocryphes (le pseudo-Jacques, le pseudo-Matthieu, etc.), Marie aurait été amenée au temple par ses parents, à l’âge de trois ans, et elle y serait demeurée. La fête de la Présentation a d’abord été célébrée en Syrie (qui est justement le pays des apocryphes) vers le VIe siècle. Au VIIe ou VIIIe siècle, des poèmes liturgiques grecs étaient composés en l’honneur de la Présentation. Néanmoins le ménologe de Constantinople, au VIIe siècle, ne mentionne pas encore cette fête. Elle était cependant célébrée à Constantinople au XIe siècle. Les papes d’Avignon, au XIVe siècle, introduisirent la Présentation dans l’Occident latin. C’est en vain que le Pape Pie V, plus soucieux de vérité historique, la raya du bréviaire et du calendrier romains, au XVIe siècle. Le pape Sixte V, au même siècle, l’y remit.
Extrait du livre L'An de grâce du Seigneur,
signé « Un moine de l'Église d'Orient »,
Éditions AN-NOUR (Liban) ;
Éditions du Cerf, 1988.
HOMÉLIE
DE SAINT GRÉGOIRE PALAMAS
L'entrée dans le Saint des saints
Icône contemporaine de l'iconographe américaine Janet Jaime
Au commencement, le serpent spirituel, principe du mal, s'en prit à nous et nous fit tomber jusque dans les profondeurs de l'Hadès. Il avait de nombreux motifs de s'en prendre à nous, et bien des manières d'asservir la nature humaine, l'envie, la jalousie, la haine, l'injustice et la ruse, les raisonnements tortueux, et, outre tous ces maux, la puissance mortelle qu'il possédait en lui, et qu'il engendra en lui- même en étant le premier à se séparer de la vie véritable. Il avait été jaloux d'Adam dès le commencement, quand il le voyait séjourner dans le lieu de la joie inaltérable, entouré de l'éclat de la gloire divine, et conduit de la terre au ciel d'où lui-même avait été justement précipité. Et sa folle jalousie à l'égard d'Adam avait atteint un degré extrême, au point qu'il voulut le mettre à mort. En effet, sa jalousie engendra non seulement la haine, mais aussi le meurtre. (...)
C'est pourquoi Paul, le grand clairon de l'Esprit, clame ces mots : « le premier homme était fait âme vivante, et le deuxième homme, esprit vivifiant » (1 Co 15, 45). À part Dieu, nul n'est sans péché, ni donateur de vie, ni capable de remettre les péchés (Lc 5, 21). Par conséquent, le nouvel Adam ne devait pas seulement être un homme, mais aussi Dieu, étant au sens propre la vie, la sagesse, la justice, la compassion, et toute sorte de bien ; ainsi, dans la miséricorde, la sagesse et la justice, Il opère le renouvellement du vieil Adam et son retour à la vie, alors que le serpent spirituel, principe du mal, use des moyens opposés pour provoquer en nous le vieillissement et la mort. (...)
Si l'on connaît un arbre par ses fruits, et si un bon arbre produit de bons fruits (Mt 7, 17 ; Le 6,43-44), la mère de la bonté même, qui donna naissance à la beauté éternelle, doit être incomparablement plus excellente que tout ce qui est beau et bon dans le monde, et par-delà le monde. La puissance qui a donné la beauté à toute chose, l'icône coéternelle, incomparable, de la bonté, le Verbe du Père très haut, pré-éternel et suressentiel, au-delà de toute bonté, voulut revêtir notre image, dans Son inexprimable amour et Sa compassion pour l'humanité. Son but était de rappeler notre nature engloutie dans les profondeurs de l'Hadès*, de la rajeunir, elle qui était devenue vétuste, et de l'élever au-delà du ciel, vers les hauteurs de Sa royauté et de Sa divinité : c'est pourquoi Il unit Son hypostase à notre nature. Mais il Lui fallait assumer la chair, et ce devait être à la fois une chair nouvelle et la nôtre, pour nous renouveler à partir de nous-mêmes. Il devait également être porté dans un sein maternel, être enfanté comme nous, puis allaité après Sa naissance et recevoir une éducation appropriée, devenant comme nous en tout point, pour notre salut. Il trouva donc la servante qui convenait le mieux à cette œuvre, et qui pouvait à partir d'elle- même Lui procurer une nature humaine sans tache, la toujours Vierge que nous chantons dans nos hymnes et dont nous fêtons aujourd'hui l'entrée inexplicable dans le Saint des saints.
* Note du traducteur : Hadès : ce terme, qui vient du système religieux « païen », correspond à l'hébreu Shéol, sombre séjour des âmes après la mort, où le Christ est descendu après la crucifixion. Nous le gardons tel quel, pour le différencier de la géhenne, lieu du tourment dont parfois Palamas menace les âmes qui ont refusé le salut jusqu'au bout.
Extraits d'une homélie de Grégoire Palamas prononcée pour la rentrée dans le Saint des saints de notre Très-Sainte souvraine la Mère de Dieu.
Source internet : Feuillet de St-Syméon no.101 "Au service des orthodoxes de langue française"