Les Pages orthodoxes et Ressources

Les communautés orthodoxes de l’Abitibi et de Rawdon (Québec)

Les communautés orthodoxes
de l’Abitibi et de Rawdon

Dr Paul Ladouceur

Intervention au Colloque
« Le patrimoine des minorités religieuses du Québec :
Richesse et vulnérabilité »
Montréal, 17-19 mai 2006.


I. L’ABITIBI : UNE COMMUNAUTÉ DISPARUE
    1. Le Camp de détention de Spirit Lake
    2. Les communautés russes d’Abitibi
II. RAWDON : UNE COMMUNAUTÉ VIVANTE, MAIS FRAGILE
NOTES

I. L’ABITIBI : UNE COMMUNAUTÉ DISPARUE

1. Le Camp de détention de Spirit Lake

La première présence orthodoxe en Abitibi relève d’un épisode triste et tragique de l’histoire du Canada : la détention pendant la Première Guerre mondiale des « ressortissants de pays ennemis » vivant en territoire canadien. Il s’agissait d’immigrants allemands, austro-hongrois et autres, qui n’avaient pas encore obtenu la citoyenneté canadienne. Beaucoup de ces pauvres gens avaient émigré au Canada précisément pour se mettre à l’abri des tourmentes de la vieille Europe. De plus, l’enfermement était assorti de la confiscation des maigres biens qu’ils étaient parvenus à rassembler.

Le camp de détention de Spirit Lake, 1915-1917.Au début du XXe siècle, la voie de chemin de fer du Transcanadien a été construite à travers les immenses forêts de l’Abitibi. L’un des sites choisis pour établir un camp de détention était près de la ville d’Amos, au bord du « Spirit Lake », là où passe la voie de chemin de fer. Les Amérindiens avaient aperçu une grande lumière ou une étoile au-dessus des eaux paisibles de ce lac presque circulaire. Ils l’appelaient « Lac de l’Esprit ». (Cette belle désignation n’a pas été gardée et ce lac a été ultérieurement renommé « Lac Beauchamp »).

L’endroit était idéal pour un camp de détention : au milieu des immenses et impénétrables étendues de forêts et des marécages : il suffisait de garder la voie ferrée afin d’interdire toute évasion. Jusqu’à 1.200 prisonniers vécurent dans ce camp pendant les deux ans que le camp fut ouvert, du 13 janvier 1915 au 28 janvier 1917.

Détenus de Spirit Lake en hiver.Les détenus étaient en grande majorité des Ukrainiens originaires de l’Ukraine occidentale, qui faisait partie à l’époque de l’empire austro-hongrois, allié de l’Allemagne pendant la Première Guerre mondiale.[1] Les femmes et les enfants de prisonniers habitaient un village à proximité. Les détenus étaient affectés à la coupe du bois et au défrichement des terres sous surveillance militaire.

Parmi les Ukrainiens il y avaient des catholiques et des orthodoxes, et des rapports de visiteurs au camp notaient l’existence d’une chapelle catholique et d’une chapelle orthodoxe. Un prêtre roumain fut enfermé avec les prisonniers pendant une brève période ; il célébra certainement la Divine Liturgie et les offices pour les prisonniers orthodoxes. Aussi, des prêtres catholiques et orthodoxes ukrainiens de Montréal visitèrent le camp et y célébrèrent des offices. Ce furent donc sans doute les premiers offices orthodoxes célébrés en Abitibi.

« La Madone internée » Monument érigé en 2001 par l’Association ukrainienne-canadienne des droits civils en mémoire des détenus du camp de Spirit Lake (Amos)Deux évadés perdirent la vie, l’un en mourant d’épuisement après s’être évadé dans les forêts, et l’autre fut abattu d’un coup de fusil par un colon sur la voie de chemin de fer. Dix-neuf prisonniers non-catholiques romains ont été ensevelis dans le cimetière du camp, dont le site existe toujours. On appelle l’ancien cimetière le « Cimetière allemand » – bien que ce cimetière ne contienne pas un seul Allemand, mais des Ukrainiens ; la population locale ne faisait guère de différence.

Après la Première Guerre mondiale, les terres défrichées par les prisonniers furent reprises par les Clercs de saint Viateur, qui y organisèrent une école d’agriculture, qui n’existe plus aujourd’hui.

Le village qui se trouve là où étaient les baraquements des prisonniers et qui en a gardé le plan rectangulaire s’appelle « La Ferme », près de la ville d’Amos. Le 4 août 1999 l’Association ukrainienne-canadienne des droits civils a inauguré une plaque à La Ferme à la mémoire des détenus du camp de Spirit Lake et le 16 juin 2001, un monument. Il s’agit d’une statue d’une femme portant un bébé dans ses bras avec un jeune enfant se tenant à sa robe ; on l’appelle « La Madone internée ».


2. Les communautés russes d’Abitibi

Au début de la colonisation en Abitibi, la très grande majorité des nouveaux colons étaient des Canadiens français appartenant à l’Église catholique. Avec l’arrivée d’immigrants européens, la région s’est diversifiée au niveau des origines ethniques, mais également de l’appartenance religieuse.

Église Saint-Nicolas de Val d'Or en 2004, après sa restauration par la Ville de Val d’Or.C’est avec l’arrivée d’une seconde vague d’immigrants, après la Deuxième Guerre mondiale, qu’une communauté orthodoxe s’est véritablement implantée en Abitibi. Fuyant le régime communiste en Russie, mais voulant conserver leur culture, leurs traditions et leur religion, les immigrés russes étaient desservis par des prêtres orthodoxes qui venaient épisodiquement célébrer les services. Au début des années 1950, les communautés orthodoxes ont décidé de bâtir des églises à Val d’Or et à Rouyn. En 1954 une petite église dédiée à saint Nicolas a été construite à Val d’Or. Dans le style d’une modeste chapelle orthodoxe russe, cette église était en fait la première du genre à voir le jour en Abitibi-Témiscamingue.

Construction de l’église Saint-Georges à Rouyn vers 1957.La communauté orthodoxe russe à Rouyn était plus nombreuse que celle de Val d’Or et cela se reflète dans l’église qu’ils ont construite. Également d’architecture traditionnelle russe, cette église a été érigée en 1955-1957 par la communauté russe, constituée alors d’une vingtaine de familles. L’église de Rouyn, dédiée à saint Georges, est sensiblement plus grande que celle de Val d’Or et elle possède un sous-sol jadis aménagé en salle paroissiale. Elle est précédée d’un clocher qui en fait un monument très visible dans la ville. De plus, elle est construite sur un promontoire rocheux, ce qui fait qu’on doit y accéder par un escalier à deux volées.

Le premier prêtre orthodoxe établi en Abitibi était le père Théodore Oustoutchenkov, né en 1890 dans la région de Rostov en Russie et ordonné prêtre en 1915. En 1927, il fut arrêté par le régime communiste et il passa près de dix ans dans une prison sibérienne. Relâché, il fut mis en résidence surveillée, et fut enfermé à nouveau pendant la Deuxième Guerre mondiale. En 1944, il parvint à fuir la Russie via l’Allemagne. Il passa par la Belgique et s’établit au Canada en 1953.

Iconostase de l'église Saint-GeorgesNous lui devons la réalisation des iconostases (cloison ornée d’icônes, séparant le sanctuaire de la nef) des deux églises de Val d’Or et Rouyn. Celles-ci sont un remarquable travail de découpe de bois, où nous trouvons des gerbes de blé, des grappes et des feuilles de vigne, et même des feuilles d’érable, le tout combiné avec de nombreux motifs décoratifs.

Après avoir construit les églises de Val d’Or, Rouyn et de Kirkland Lake en Ontario, le père Théodore Oustoutchenkov décéda subitement d’une crise cardiaque à l’âge de 67 ans, en l’église de Rouyn en 1957, pendant la célébration de la Divine Liturgie.


Église de Val d'Or

Église de Val d'Or

Église de Rouyn

Église de Rouyn

Le père David Shevchenko lui succéda. Né en 1892 en Ukraine, il était étudiant dans une école d’artillerie à Vladivostok, puis il est devenu officier de l’armée impériale russe, servant comme officier de garnison en Mandchourie jusqu’en 1917. Il étudia ensuite au séminaire orthodoxe russe de Shanghai, et fut ordonné prêtre en 1945 à l’âge de 54 ans. Après l’écroulement de la Chine nationaliste en 1949, il se réfugia aux Philippines, où il vécut jusqu’en 1952. Ensuite commence une période de déplacements pendant cinq ans : la Belgique, Tokyo et Kobé au Japon, Saigon au Vietnam, puis de nouveau le Japon, où il demeura jusqu’en 1957. Il vient alors à Val d’Or succéder au père Oustoutchenkov.

Le père David Shevchenko décéda en 1982 à l’âge de 90 ans. Il ne parlait que russe et il ne s’est pas préoccupé de faire rayonner la foi orthodoxe en dehors du cercle en constante diminution des colonies russes du nord du Québec et de l’Ontario. Au fil des années, la communauté russe n’a pas été en mesure de conserver son dynamisme. Les plus jeunes, comme les plus âgés, se sont dirigés vers les grands centres. Avec le décès du seul prêtre orthodoxe en 1982, les communautés russes de Val d’Or, de Rouyn-Noranda et de Kirkland Lake en Ontario n’étaient pas en mesure de poursuivre leurs activités. Malgré leur petit nombre, les fidèles ont tenté de sauver leurs communautés et leurs églises, mais malheureusement ils ont été dans l’obligation de les vendre.

Église Saint-Georges, Rouyn, 2006.La Ville de Rouyn-Noranda a acheté l’église de Rouyn en 1984 afin d’en faire un musée religieux. Site d’interprétation religieux, on y commente la célébration de la Divine Liturgie dans le rite orthodoxe et on y fait connaître la vie des immigrants ainsi que leur rôle dans l’histoire de l’Abitibi-Témiscamingue, démontrant à quel point la région a été une terre d’accueil pour des personnes de différentes origines.

L’église de Val d’Or, après une période d’abandon, fut acquise par la communauté anglicane, qui maintint l’iconostase comme élément décoratif. Un jour, quelqu’un s’introduisit par effraction dans le bâtiment, saccagea l’intérieur de celui-ci, endommagea gravement l’iconostase, et tenta de mettre le feu à l’église, sans y parvenir. Les Anglicans remirent en état l’intérieur du bâtiment et firent restaurer la structure de l’iconostase. Ultérieurement, les Anglicans ne purent se maintenir dans cette église. Cette église fut rachetée en 2001 par la Ville de Val d’Or, qui effectua la réfection de l’extérieur du bâtiment. Les gens peuvent admirer son architecture caractérisée par un bulbe et sa croix en fer forgé. Deux panneaux d’interprétation rappellent la présence de la communauté russe à Val d’Or et son implication dans le développement de la municipalité. On visite l’extérieur seulement ; de nos jours, l’intérieur de l’église est vide.

La chapelle Sainte-Marie-Madeleine à Amos.Entre temps, le père Georges Leroy, moine et prêtre orthodoxe originaire de la Belgique, déjà immigré au Canada, s’installa en Abitibi. Il acheta une maison en banlieue d’Amos, justement sur le chemin du Cimetière-Allemand, à proximité du village de La Ferme, non loin du site du cimetière du camp de détention de Spirit Lake. Il y construisit une chapelle privée, dédiée à sainte Marie-Madeleine, afin de célébrer les offices de l’Église orthodoxe. Le père Georges Leroy, grâce à ces contacts avec les Anglicans d’Amos, a pu acquérir en 1996 l’iconostase de l’église Saint-Georges de Val d’Or, afin de la restaurer et la réinstaller dans la chapelle de sainte Marie-Madeleine, où elle se trouve actuellement. La chapelle de sainte Marie-Madeleine est de nos jours le seul lieu de culte orthodoxe et, en fait, la seule présence orthodoxe en Abitibi.

L’intérieur de la chapelle Sainte-Marie-Madeleine à Amos,
avec l’iconostase restaurée de l’église Saint-Georges à Val d’Or.


II. RAWDON :
UNE COMMUNAUTÉ VIVANTE, MAIS FRAGILE

La présence orthodoxe à Rawdon, véritable village multiethnique, remonte aux années 1920, lorsque des immigrés russes de Montréal, attirés par la beauté de la nature dans les environs de Rawdon, venaient y passer quelques temps en été. La première famille était les Jacob en 1926 et en 1929 Mme Jacob a ouvert un petit hôtel ou gîte à Rawdon. Déjà en 1939 existait donc à Rawdon une petite « colonie russe » en été, composée de huit familles environ. Peu à peu, surtout après la Deuxième Guerre mondiale, d’autres Russes sont venus à Rawdon et on a construit ou acquis des chalets d’été.

En fait, deux communautés russes se sont constituées à Rawdon, cela à cause de la division de l’Église russe en exil. Cette division remonte aux années 1920, pendant la période de la persécution de l’Église russe par le régime communiste. Les deux « juridictions », comme on les appelle, étaient à l’origine celle du Patriarcat de Moscou et celle de l’Église orthodoxe russe Hors-Frontières, qu’on appelle aussi le « Synode », formée au début des années 1920 par des évêques russes en exil. En 1924, les églises russes de l'Amérique du Nord, prenant le nom « Église russe orthodoxe grec-catholique d'Amérique » (appelée souvent la « Métropolie »), ont proclamé leur autonomie du Patriarcat de Moscou, suite à la mainmise des communistes sur l'Église en Russie. En 1970, la Métropolie est devenue une Église indépendante (autocéphale) sous le nom de l’Église orthodoxe en Amérique (EOA). À Montréal, les deux juridictions sont représentées par la cathédrale Saint-Pierre et Saint-Paul (EOA), située au coin de la rue de Champlain et du boulevard René-Lévesque, et la cathédrale Saint-Nicholas (Synode), sur le boulevard Saint-Joseph, près de la Côte Ste-Catherine.

Le père Oleg Boldirev de la Métropolie, qui avait un chalet à Rawdon, célébrait la Divine Liturgie en été dans une petite chapelle, dédiée à Saint-Séraphim-de-Sarov, qu’il a construite en 1955-1956 sur sa propriété privée. Cette chapelle fut bénie et inaugurée par Mgr Nicon, évêque du Canada de la Métropolie,  à la fin de l’été 1956. Construite d’abord pour la propre famille du père Oleg, cette chapelle devint rapidement un lieu de culte pour les Russes qui passaient l’été à Rawdon.

L’église et le cimetière Saint-Séraphim-de-Sarov, Rawdon.Au début des années 1960, la communauté russe de Montréal voulait établir un cimetière. En mai 1961 un sympathisant et bienfaiteur, M. A. Leslie Lawes, a acquis un grand terrain entre les 14e et 15e Avenues à Rawdon à cette fin. En même temps, on a voulu agrandir la chapelle de Saint-Séraphim afin de mieux desservir les fidèles. En 1966 on a donc construit une nouvelle chapelle sur le terrain du cimetière, utilisant quelques éléments de la chapelle du père Oleg Boldirev, notamment la coupole, des fenêtres et les portes royales de l’iconostase. La nouvelle église a été consacrée par Mgr Sylvestre Haruns, archevêque de Montréal et du Canada (EOA), à la fête de Saint-Séraphim-de-Sarov, le 4 août 1966. Un clocher, avec des cloches du CNR et de l’église Saints-Pierre-et-Paul, a été érigé en 1973.

Skite et chapelle de la Transfiguration, Rawdon.En 1977-1978, le hiéromoine Grégoire (Papazian), d’origine arménienne venant d’Égypte, a construit un skite ou ermitage, avec une petite chapelle adjacente, dédiée à la Transfiguration du Christ, également sur le terrain du cimetière, juste à coté de la chapelle Saint-Séraphim-de-Sarov. Cette chapelle sert toute l’année pour la célébration des offices quotidiens et en hiver pour la célébration de la Divine Liturgie ; la chapelle de Saint-Séraphim-de-Sarov, n’étant pas isolée, n’est pas utilisée en hiver.

Église Notre-Dame-de-Kazan, Rawdon.Les paroissiens de l’Église orthodoxe russe hors-frontières voulaient eux aussi avoir leur chapelle à Rawdon. Une première église, dédiée à Notre-Dame-de-Kazan (nommée ainsi d’après une icône russe bien connue de la Mère de Dieu) a été construite en 1963, près de l’entrée du village. Cette église en bois a brûlé en 1972 et a été remplacée, en 1974, par une autre en blocs de béton recouverts de crépis, selon un plan de l’architecte Georges Glimin, constructeur de beaucoup d’églises orthodoxes aux États-Unis. Cette église contient des icônes de Mgr Alipi de Chicago, ainsi que d’Alexandre Shelikov, iconographe renommé qui s’est installé à Montréal. Il avait peint les icônes de l’iconostase et un grand nombre d’icônes pour la cathédrale Saint-Nicolas à Montréal ; tout a été perdu dans l’incendie qui a dévasté cette église en janvier 1998, après la tempête de pluie verglaçante ; seules subsistent ses icônes en la chapelle Notre-Dame-de-Kazan. Cette communauté n’a pas de prêtre habitant à Rawdon et la chapelle est desservie par des prêtres de Montréal, surtout en été.

Depuis plus que 25 ans, Rawdon est donc sans doute le seul village du Québec doté de trois chapelles orthodoxes !

En 1963 le père Oleg Boldireff a été assigné à une paroisse à Vancouver ; il est revenu à Rawdon lors de sa retraite en 1987. Deux ans plus tard, le père Grégoire Papazian, cherchant plus de solitude qu’il n’avait pas la possibilité de trouver au skite de Rawdon, a construit un nouveau skite à Fitch Bay dans les Cantons de l’Est. Après le départ du père Grégoire, le skite de Rawdon a été occupé par les pères Raphaël Vershak et Georges Leroy (avant de déménager en Abitibi) et pendant dix ans, jusqu’en 1999, par la mère Nil Miakapar, une moniale d’origine russe.

Au milieu des années 1990, le père Oleg Boldireff, avancé en âge, n’était plus en mesure de célébrer les offices. En fait, la communauté russe de Rawdon était en perte de vitalité. Rawdon n’avait plus le même attrait comme lieu de villégiature pour les gens de Montréal qu’auparavant, même si plusieurs personnes d’origine russe s’y sont établies en permanence à leur retraite, ayant isolé leurs chalets ou ayant construit ou acheté des résidences permanentes. Les jeunes ne venaient à Rawdon que pour visiter leurs parents et la communauté était vieillissante. Elle semblait être vouée à disparaître.

En 1991, Mgr Séraphim, évêque d’Ottawa et du Canada (EOA) a fondé la Communauté missionnaire Saint-Séraphim-de-Sarov (devenue Communauté monastique en 1999), regroupant les moines d’expression française sous sa juridiction. Le hiéromoine Irénée (Rochon) a été nommé higoumène de la Communauté et en mars 1998 il s’est installé à Rawdon. Mgr Séraphim a confié la responsabilité de l’administration du cimetière, ainsi que des services liturgiques à la chapelle de Saint-Séraphim-de-Sarov, à la Communauté monastique. La Communauté monastique Saint-Séraphim-de-Sarov est composée de plusieurs moines du Québec et d’ailleurs, dont deux qui habitent actuellement à Rawdon. Depuis janvier 2000, le père Daniel Baeyens, un hiéromoine d’origine belge, habite au skite de la Transfiguration.

La présence monastique à Rawdon, si humble soit-elle, a attiré quelques Québécois convertis à l’Orthodoxie ainsi qu’une famille venue de la France. Dans les dernières années, quelques nouveaux immigrants russes sont arrivés aussi à Rawdon, augmentant un peu les effectifs de la communauté. La communauté orthodoxe de Rawdon se présente donc de nos jours comme une communauté mixte, composée en majorité de personnes d’origine russe à la retraite, quelques jeunes russes et quelques orthodoxes québécois et d’autres origines. La communauté manifeste ainsi une certaine vitalité : les offices sont célébrés régulièrement, l’église Saint-Séraphim-de-Sarov a été agrandie par l’ajout d’un portique couvert, des nouvelles icônes ont été achetées, et en 2004 la communauté a été reconnue comme  paroisse, indépendante de la paroisse Saint-Pierre et Saint-Paul à Montréal. À la fête de Saint-Séraphim-de-Sarov le 2 août 2003, l’évêque Séraphim et quelque deux cents personnes ont participé à la commémoration du centenaire de la canonisation de ce saint populaire russe du XIXe siècle. Le 5 août 2006 la communauté célébra le 50e anniversaire de l’église Saint-Séraphim-de-Sarov elle-même. Un petit livre de commémoration, avec l’historique de l’église, des récits de membres de la communauté et des photos, fut publié à cette occasion[2].

Même si ces manifestations témoignent d’une certaine vitalité, la communauté orthodoxe de Rawdon reste cependant fragile : si l’existence du cimetière nécessite une certaine continuité de la présence orthodoxe à Rawdon, la disparition de l’ancienne génération d’origine russe pourrait la menacer, même en dépit de la présence de quelques jeunes et de convertis à l’Orthodoxie.

Le patrimoine des minorités religieuses du Québec

 

Texte extrait du livre (avec corrections)
 Le patrimoine des minorités religieuses
 du Québec : Richesse et vulnérabilité
,
sous la direction de Marie-Claude Rocher et Marc Pelchat,
Presses de l'université Laval, Québec, 2006.

 

 


NOTES

Je remercie en particulier l’higoumène Georges Leroy et Valère de Pryck
pour leur collaboration à la préparation de ce texte.

[1] Sur la détention des ukrainiens à Spirit Lake voir Peter Melnycky, « Maltraités à tous égards », sur internet : <http://www.quebec-ukraine.com/lib/quebec/maltraites_1.html (en anglais : <http://www.infoukes.com/history/internment/ badly_treated_in_every_way/>). Cet article bien documenté contient d’autres références. Le site web contient plusieurs photos du camp de Spirit Lake. Voir aussi Christian Roy, « L’organisation spatiale d’un camp de détention de la Première Guerre mondiale. Le cas de Spirit Lake en Abitibi », Archéologiques, no 14, 2000, p. 87-100. Pour d’autres photos du camp de Spirit Lake voir le site : <http://www.musee-mccord.qc.ca>. Sur la détention des Ukrainiens pendant la Première Guerre mondiale, voir aussi Lubomyr Luciuk, A Time for Atonement: Canada’s First National Internment Operations and the Ukrainian Canadians 1914-1920, The Limestone Press, 1988. Sur internet : <http://www.infoukes.com/history/internment/booklet01 > ; et L. Luciuk, In Fear of the Barbed Wire Fence: Canada’s First National Internment Operations and the Ukrainian Canadians, 1914-1920, Kingston: Kashtan Press, 2001 ; traduction française : « Dans la crainte du rideau de fil de fer barbelé : première opération nationale d’internement sur le sol canadien et les Canadiens d’origine ukrainienne 1914 – 1920 », Bretagne 14-18 :Revue de l’Association de recherches et d’études historiques sur la Grande Guerre, Numéro 3, 2002.

[2] Notre Église, Notre Communauté, Église Saint-Séraphim-de-Sarov, Rawdon, Québec, 1956-2006 (publication trilingue : russe-français-anglais).

 


Dernière mise à jour : 27-04-07.



Dernière modification: 
Vendredi 10 mai 2019